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L'Oeil de Brutus

LES SHADOCKS DE LA RIGUEUR

20 Avril 2013 , Rédigé par L'oeil de Brutus

LES SHADOCKS DE LA RIGUEUR

Refusant d’admettre la réalité telle qu’elle est, François Hollande et le gouvernement Ayrault, tels les Shadocks, continuent à faire tourner la pompe de la rigueur malgré l’impasse dans laquelle elle nous mène et au mépris des fondamentaux économiques les plus élémentaires que Keynes (qui devrait pourtant être la référence économique pour un gouvernement qui se prétend « de gauche ») avait déjà mis en exergue il y a près d’un siècle et dont les expériences de politique de rigueur des années 1930 ont déjà démontré l'impasse (en particulier celle du chancelier Brüning juste avant l’arrivée au pouvoir de … Hitler).

 

Le problème de la rigueur n’est en fait pas comment elle est appliquée mais quand.

En période de crise, comme leur demande diminue, les entreprises revoient à la baisse leurs investissements et leurs organisations. En pratique, c’est bien logique. Mais ce faisant, elles diminuent également la demande entre elles. Or, si l’Etat se met aussi à tailler dans ses investissements et son organisation (quel que soit la manière dont il le fait), il va également accroître la diminution de la demande. Cette diminution conjuguée de la demande (des entreprises, de l’Etat et par ricochet des ménages) a forcément un impact négatif sur la croissance, donc sur … les rentrées fiscales de l’Etat qui se trouve alors acculé à faire encore plus de rigueur pour équilibrer ses comptes. C’est le cercle sans fin que nous connaissons actuellement.

 

A contrario, en période de croissance – lorsque les entreprises veulent investir pour répondre à une augmentation de la demande -, il est de bon ton que l’Etat fasse effectivement une politique de rigueur : cela diminue la pression fiscale sur les ménages et les entreprises qui du coup dégagent des fonds supplémentaires pour investir davantage, générant ainsi encore plus de croissance et donc … de rentrées fiscales.

 

Ces deux points sont les éléments fondamentaux du rôle économique contra-cyclique de l’Etat tel que Keynes l’a définit. Mais il est vrai que, imprégné par les dogmes néolibéraux qui prédominent, François Hollande semble bel et bien renoncer à conférer tout rôle économique à l’Etati.

 

Or, depuis 40 ans à peu près tous les gouvernements qui se sont succédés ont fait l’inverse :

  • Dès que l’économie va mal, on se serre la ceinture (et en plus de manière désordonnée).

  • Dès que ça va un peu mieux, le gouvernement en place distribue les maigres prébendes de la croissance à sa clientèle.

 

Enfin, et contrairement à ce que clament les libéraux de tous poils, il n’y a pas de problème d’un Etat gargantuesque et mal géré par des fonctionnaires, forcément fainéants par nature (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas non plus de réformes à effectuer) : l’Etat ne représente même pas 1/3 des dépenses publiques. Alors d’où viennent les récurrents problèmes de déficits dont on nous bassine les oreilles ?

  • Du vieillissement de la population qui a fait exploser les dépenses de santé. Mais ça on n’y peut pas grand-chose, sauf à euthanasier les vieux.

  • De l’explosion du chômage : un chômeur de plus c’est au bas mot 1000€/mois de charges en plus pour la collectivité (soit en fait à peu près le même coût qu’un fonctionnaire catégorie C, d’où le caractère complètement improductif de virer des fonctionnaires quand il y a un fort taux de chômage)ii ;

  • De l’explosion des dépenses des collectivités locales, qui bien souvent, servent à arroser les clientèles de petits notables. Il faudra quand même un jour qu’on se demande si on préfère collectionner les ronds-pointsiii et avoir des bataillons de fonctionnaires dans nos collectivités ou s'il préférable d'avoir des médecins, des infirmières, des profs, des flics et des militaires (on pourrait aussi rajouter des contrôleurs fiscaux et des inspecteurs du travail) …

  • Des intérêts de la dette publique (50 Mds€/an soit bientôt le budget de l’éducation nationale. Si on fait le compte des intérêts payés par l’Etat depuis 30 ans, cela fait environ 1800Mds€, soit quasiment l’équivalent du total de la dette ! ). Les pays un peu moins dogmatiques que nous ont su garder la maîtrise de leur monnaie (et non la confier aux banques privées qui en profite pour se goinfrer et spéculer …) ce qui leur permet de financer une partie de leurs investissements à taux 0. On citera l’exemple du Japon qui vient de décider d’une création monétaire de l’équivalent de 9% de son PIB au profit des investissements d’Etat ce qui devrait faire passer son inflation de 1 à … 2 % (ouh là là là …).

 

 

Tout ceci met en fait en lumière que la dichotomie actuelle droite-gauche n’a pas de sens. Le PS et l’UMP appliquent le même programme, à deux-trois babioles sociétales près pour amuser la galerie et donner l’illusion d’un clivage (au passage, M. Hollande ne peut pas être, au fond, pour le mariage gay puisqu’il montre qu’il n’est pas pour le mariage tout court en étant incapable de se marier lui-même et en exhibant aux Français sa maîtresse qui elle-même est mariée avec un autre …). Le vrai clivage est entre les libéraux, qui veulent un Etat gestionnaire et minimaliste, et les républicains, qui estiment à contrario que l’Etat doit être une émanation de la souveraineté de la nation et qu’à ce titre on ne peut pas tout privatiser et qu’il ne peut pas être géré comme une entreprise. Le clivage est même philosophique : entre les libéraux-libertaires, qui virent actuellement au totalitarisme, en estimant que l’individu est le TOUT, et ceux qui estiment encore que l’individualité humaine se construit d’abord dans son rapport à l’autre (l’extrême opposé des libéraux-libertaires – les collectivistes – étant, mais ce n’est peut-être que provisoire, par la force des événements devenus ultra-minoritaires).

 

i Lire démantèlement de l'Etat-actionnaire : le bricolage à la petite semaine de M. Hollande.

ii On peut se baser sur des indemnités chômage de l’ordre, en moyenne, de 800€, auxquelles il convient d’ajouter le mille-feuille (illisible et impossible à évaluer) des multiples aides sociales de tous niveaux (en particulier des collectivités) et de toutes sortes (financières ou en nature), ainsi que le coût de son encadrement par Pôle emploi, sans oublier le fait que l’immense majorité des chômeurs ne payent pas d’impôts sur le revenu et consomment peu (donc peu de rentrées fiscales via la TVA). A contrario, un fonctionnaire payé légèrement au-dessus du SMIC, par exemple 1500€, paye des impôts et consomme. Comme l’ont démontré Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez (Pour une révolution fiscale), son taux d’imposition réel (en comptant tous les impôts dont il s’acquitte, y compris la TVA) est aisément de l’ordre de 35%. Ce qui fait que le coût réel de ce fonctionnaire est de l’ordre de 1000 € / mois, soit à peu près la même chose qu’un chômeur. Cela ne signifie bien sûr pas pour autant qu’il faut engager des fonctionnaires à tour de bras pour ne rien faire, ou pas grand chose (comme le font certaines collectivités …), mais simplement qu’en période de fort taux de chômage, il est complètement illusoire de prétendre réduire les déficits en supprimant des postes de fonctionnaires.

iii La moitié des ronds-points de la planète sont en France …

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