Un intégrisme matérialiste ?

20 Mars 2019 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Idées

Dans les tribunes libres du site de Marianne, le philosophe Yvon Quiniou aborde sa conception du matérialisme, par opposition au spiritualisme. Sujet ô combien intéressant. Toutefois, la manière dont il développe sa pensée laisse entrevoir des travers quelques peu surprenants, pour ne pas dire inquiétants. Nous allons revenir ici sur deux passages particuliers de cet article.

Dans le premier de ces passages, M. Quiniou affirme que « le spiritualisme qui refait surface aujourd’hui, par exemple à l’initiative de l’idéologue J. Staune, est faux quand il prétend faire de la matière une réalité spirituelle "annonçant Dieu" et réhabiliter l’existence d’un esprit-substance ». M. Quiniou ne partage donc manifestement pas les convictions spirituelles de M. Staune. C’est évidemment son droit le plus strict. Mais c’est l’usage ici du mot « faux » qui interpelle, tout particulièrement venant d’un philosophe. Entre MM Quiniou et Staune, il y a une complète divergence métaphysique sur le thème de la transcendance et de son rapport à l’esprit (ou à l’âme). Cette divergence métaphysique relève bien plus des convictions (religieuses ou pas) que de la science : personne ne peut prouver l’existence de l’âme, mais personne, non plus, ne peut prouver qu’elle n’existe pas (et l’absence de preuve de son existence n’est pas la preuve de son absence). Or, M. Quiniou estime que l’approche spiritualiste est fausse, et donc pas déduction que son approche matérialiste est vraie. Il confond ici clairement science et croyance, Foi et vérité. Il s’agit là d’une méthode totalement dogmatique. Paradoxalement, il adopte ainsi une démarche intellectuelle similaire à celle des intégristes qu’il prétend combattre. Il démontre que ce n’est pas parce que l’on se débarrasse de Dieu (ou des dieux, Allah, Yahvé, etc.) que l’on se débarrasse de la religion, dusse cette religion porter le nom d’une idéologie, en l’occurrence le matérialisme. M. Quiniou aurait pu dire qu’il ne croit pas que l’on puisse faire de la matière une réalité spirituelle ni réhabiliter un quelconque « esprit-substance ». Nous serions alors en plein débat philosophique (ou métaphysique) (et cela serait passionnant). Mais il dit que c’est faux. Dès lors, il clôt le débat et nous pénétrons dans une nouvelle religion, qui plus est – et surtout – intégriste puisqu’elle prétend qu’elle seule détient la vérité.

Le second passage dont il est question affirme que « c’est bien en partant des déterminismes biologique et familiaux que l’on pourra comprendre les troubles psychiques et les guérir : l’hypothèse d’un libre arbitre métaphysique de l’homme est ici totalement contre-productive ». Que les déterminismes biologique et familiaux soient utiles, voire indispensables, pour comprendre les troubles psychiques se comprend fort bien. Est-ce à dire qu’ils sont les seuls ? On peut légitiment en douter (là encore : l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence). Le clamer est, ici encore, faire œuvre de dogmatisme et révèle une approche épistémologique douteuse, pour ne pas dire absente. Enfin, la saillie vis-à-vis du libre arbitre métaphysique démontre un défaut de tolérance inquiétant : ceux qui y croient (sans pour autant forcément ne croire qu’à ça !) seraient donc incapables de comprendre les troubles psychiques, ce qui en fait donc des névropathes, voire des psychopathes en puissance ?

Je n’ai pas lu le livre de M. Quiniou, du moins pas encore. Mais je dois avouer que si, d’un côté, le débat entre matérialisme et spiritualisme me passionne, les incantations intégristes, fussent-elles athéistes, ne m’attirent guère. Mais peut-être (sans doute ?) ai-je mal compris son propos.

Partager cet article