DEMANTELEMENT DE L’ETAT-ACTIONNAIRE : LE BRICOLAGE A LA PETITE SEMAINE DE FRANCOIS HOLLANDE
DEMANTELEMENT DE L’ETAT-ACTIONNAIRE : LE BRICOLAGE A LA PETITE SEMAINE DE FRANCOIS HOLLANDE
Après avoir vendu plus de 3% des actions du groupe Safran, Arnaud Montebourg, le fameux chevalier de la démondialisation, a annoncé que le gouvernement Ayrault poursuivait sa réflexion sur la vente d’actifs de l’Etat, en particulier d’actions de grands groupes (EDF et GDF-Suez seraient les principaux concernés). Le fait que l’annonce provienne du ministre du redressement productif (qui s’avère être bien plus l’accompagnant de l’effondrement productif), censé représenté l’aile gauche du PS, n’est pas anodin : il confirme que même ceux qui sont censés être les plus keynésiens des socialistes sont bel et bien, eux aussi, entièrement convertis aux dogmes néolibéraux en déchargeant l’Etat de tout rôle économique. En clair, dans la lignée du gouvernement Jospin il y a une dizaine d’années, le PS ne conçoit son rôle de gouvernement que comme un simple accompagnateur de la misère sociale (et encore un bien mauvais accompagnateur). Face aux marchés, et c’est depuis 30 ans une constante, il courbe servilement l’échine. « L’ennemi déclaré de la finance » n’en est que son plus zélé toutou comme le prouve également la dérisoire réforme bancaire qu’il a mise en place et qui fait la grande joie des banquiersi.
Mais le plus important, et sans doute le plus grave, n’est pas là. Car même dans une logique libérale d’un Etat qui se gère comme une entreprise, le choix de vendre ces actions est contre-productif. La raison en est simple. Au jour d’aujourd’hui, l’Etat emprunte à 2 ou 3 %. Or, les entreprises dont il est question (Safran, EDF, GDF, Thalès, EADS, etc.) ont un rendement (les dividendes versés par rapport à la valeur de l’action) bien supérieur, de l’ordre de 3 à 5% (et même jusqu’à 7%). Il est donc financièrement beaucoup plus intéressant d’emprunter tout en conservant ces actions que de les vendre : même si l’Etat ne se conçoit aucun rôle économique, l’investissement – même à crédit – dans ces entreprises est plus que rentable dans la durée.
Alors pourquoi ? Tout simplement parce que la Commission européenne, cet organe technocratique à tendance tyrannique, vient une nouvelle fois de tancer la France sur le niveau de sa dette publiqueii. Et François Hollande compte bien s’y soumettre, même si cela est irrationnel financièrement et contre-productif à moyen terme. Car il n’a pas le choix : comme il a signé le TSCGiii – la fameuse règle d’or – s’il ne réalise pas les objectifs d’équilibres des comptes publics, son gouvernement sera mis sous tutelle de Bruxelles, comme le prévoit l’article 8 du dit-traitéiv. Or comme dans le contexte économique actuel ces objectifs sont inatteignable même à moyen terme (François Hollande y a dors et déjà renoncé pour 2013 et il est plus que probable qu’il devra également le faire pour 2014 … et ainsi de suite), la France est en pratique déjà sous tutelle même si cela n’est pas clairement annoncé par les autorités européennes. Pour ceux qui en avaient encore quelques doutes, l’Elysée et Matignon ne sont plus que maîtres d’œuvre d’une politique décidée par la technocratie bruxelloise. Lorsque le toutou a compris qu’il peut être amené à tâter du bâton de son maître, il n’est nul besoin pour celui-ci de l’utiliser ni même de le brandir. L’évoquer en catimini à un haut fonctionnaire ou à un pâle ministre de l’effondrement productif au détour d'un sombre couloir de la bureaucratie européenne suffit à faire plier sa volonté.
Mais une fois qu’on aura vendu ces participations, ce qui ne résout absolument rien dans la durée, on fait quoi ? On privatise la sécurité sociale, la police et l’arméev au plus offrant ? On vend la Tour Eiffel, le Louvre et les Invalides au Qatar ? Dans leurs délires anti-étatistes et anti-nation, il semble bien que ce soit le programme des gourous néolibéraux qui nous gouvernent (ceux de Bruxelles car leurs tristes sbires de Paris n’en sont que les simples exécutants).
i Lire Frédéric Lordon, La Réforme bancaire au pistolet à bouchon, blog Le Monde diplomatique, 18 février 2013 et Laurent Pinsolle, Economie : le PS est pourri par la tête, Gaulliste libre, 22 décembre 2012.
ii Cf. Georges Ugeux, … Et pendant ce temps là une nouvelle crise se prépare, Le Monde, 12 avril 2013.
iiiTraité sur la stabilité, la coordination et la gourvernance.
iv Lire TSCG : les mensonges de Jean-Marc Ayrault.
v Dans son scénario, Bercy voulait déjà mettre en vente le porte-avions Charles de Gaulle …