LE PRESIDENT DES RENTIERS
LE PRESIDENT DES RENTIERS
Nota du 01/07/2013 : suite à une observation d'un lecteur, une partie des informations relatives au PEA décrites dans cet article était erronée. L'article a été modifié en conséquence. Merci à cet aimable lecteur.
La mesure est demeurée relativement discrète et peu relayée par les médias : à l’issue des « assises de l’entreprenariat », François Hollande a décidé de relever le plafond des PEA (plan d’épargne en actions) de 132 000 à 225 000 euros[i]. On notera au passage, que décidemment, en se faisant le messager des annonces fiscales de petit comptable bricoleur, l’hôte de l’Elysée, le fameux « président normal », n’a toujours pas saisi la hauteur nécessaire à l’exercice de sa fonction. Il demeure bel et bien un petit président de conseil général.
Plus concrètement, quelles sont les conséquences de cette mesure ?
Le PEA permet de défiscaliser entièrement les revenus boursiers à condition de les conserver en portefeuille pendant une durée minimale de 5 ans. En plaçant ces 225 000 euros sur des actions à très faible risque, on obtient aisément un rendement de 3 à 4% (ne serait-ce qu’en dividendes), soit environ 8 000€ par an[ii]. Mais la détention d’un PEA n’est pas limitée par foyer, mais est également accessible au conjoint. Ainsi, un ménage aisé pourra en ouvrir 2 et obtenir, en se plaçant pour tous au plafond, des revenus du capital entièrement défiscalisés, de l’ordre de 16 000 € par an[iii] (soit un SMIC annuel).
François Hollande fait donc le choix d’un nouveau beau cadeau fiscal aux revenus du capital pendant que, de diverses manières, il continue à assommer fiscalement les ménages modestes et les classes moyennes[v] (par exemple par le biais de la TVA ou du gel du barème de l’impôt sur le revenu). Outre le caractère foncièrement injuste de cette mesure (la rente largement moins taxée que le travail), elle sera probablement économiquement complètement inefficace : comme le souligne Frédéric Lordon, la crise économique actuelle est bien plus une crise de la demande qu’une crise de l’offre. Elle ne fait que confirmer le carcan idéologique (néolibéral) dans lequel est enfermé le PS et son incapacité à instituer de véritables réformes de fond (par exemple sur la fiscalité dans son ensemble).
On avait affublé Nicolas Sarkozy du sobriquet de « président des riches ». Force est de constater que François Hollande, en digne représentant de la « gauche de l’argent », en est le digne successeur.
[i] Dont 75 000 devront être consacrée à des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire).
[ii] Par ailleurs, la fiscalité du PEA est relativement complexe et permet de multiples combinaisons. Par exemple, si à sa clôture le PEA accuse une moins-value, cette moins-value pourra être déduite des plus-values effectuées sur un compte titres ordinaires, permettant ainsi de défiscaliser ces dernières. Autrement dit, face je gagne, pile l’Etat perd …
[iii] Avec la seule contrainte de les sortir du PEA qu’au bout de 5 ans, soit un joli pactole de 80 000€ !
[v] On notera que lorsque l’on a près d’un demi-million d’euros en placement financier, on ne peut pas revendiquer son appartenance aux classes moyennes.