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L'Oeil de Brutus

LES INTELLECTUELS FAUSSAIRES

21 Août 2012 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Lectures

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LES INTELLECTUELS FAUSSAIRES

Pascal Boniface

Edition de référence : Jean-Claude Gawsewitch, 2011.

 

 

1/ L’AUTEUR.

 

Pascal Boniface est directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’études européennes de l’université Paris VIII. Il a écrit ou dirigé une quarantaine d’ouvrages ayant pour thème les relations internationales, les questions nucléaires et de désarmement, la politique étrangère française ou encore l’impact du sport dans les relations internationales.

 

2/ L’OEUVRE.

 

Dans un court ouvrage de 250 pages, Pascal Boniface dénonce, preuves à l’appui, et condamne une partie de l’intelligentsia médiatique française souvent moralisatrice mais qui multiplie les petites arrangements avec la vérité au nom de causes qu’ils estiment justes et en conséquences justifiant par là-même n’importe quel travestissement. Ces intellectuels n’en sont plus : ils ont perdu l’objectivité nécessaire à cette position et sont donc devenus des militants qui jouent de leurs positions médiatiques pour mettre leurs causes en avant. Pascal Boniface en distingue deux types (page 8) :

-          Les faussaires qui n’hésitent pas à avoir recours à des arguments tronqués.

-          Les mercenaires qui choisissent leurs causes en fonction du sens du vent.

La frontière entre les deux n’est toutefois pas étanche et dans un cas comme dans l’autre la fin justifie les moyens, d’autant plus que du haut de leur splendeur médiatique, ils considèrent que, quoiqu’il en soit, le public n’est pas mûr – pas assez éduqué – pour faire la part des choses. Mais ce qui est le plus étonnant, c’est que leurs méthodes ne sont pas ainsi dire jamais sanctionnées (page 9). Pascal Boniface réfute néanmoins les thèses conspirationnistes : la situation actuelle résulte d’une sur-occupation du terrain médiatique par ces faussaires couplée à une aporie critique des médias (pages 10-11).

Le débat sur les intellectuels faussaires n’est pas nouveau. En 1927, Julien Benda publiait La Trahison des clercs dans lequel il soutenait que l’engagement pervertissait l’objectivité et qu’en conséquence les intellectuels se devaient de rester neutres. 5 ans plus tard, Paul Nizan lui répond par Les Chiens de garde dans lequel il affirme qu’il est devoir des intellectuels de s’engager. Cette position sera largement reprise et soutenue par une grande part de l’intelligentsia française à partir des années 60, et tout particulièrement par Jean-Paul Sartre (page 19-21).

L’engagement de certains intellectuels peut également être amplement sujet à caution : « Un chanteur exilé fiscal qui fait un concert pour les « Restos du cœur » est-il vraiment généreux ? Ne serait-il pas plus efficace dans la lutte contre la pauvreté dans son élan de solidarité en payant ses impôts en France ? Un intellectuel défend-il une cause pour la servir ou s’en servir afin d’améliorer sa notoriété, sa popularité, son espace personnel dans le paysage intellectuel ou encore ses ventes de livres ? » (pages 23-24).

Comme le relève Régis Debray, les médias ont une large part de responsabilité dans ce dévoiement de l’engagement des intellectuels : « Les mass media marchent à la personnalité, non au collectif ; à la sensation, non à l’intelligible ; à la singularité, non à l’universel. Ces trois caractéristiques inhérentes aux nouveaux supports, qui n’en font essentiellement qu’une, détermineront désormais, et la nature du discours dominant, et le profil de leur porteur. Elles imposent à la fois une stratégie individuelle et une désorganisation collective. Plus besoins de codes, ni de problématiques, ni d’enceinte conceptuelle. » (page 26). Complices, les médias n’en sont pas pour autant en permanence manipulateurs : si c’était le cas, le grand public en viendrait à les rejeter et à en douter perpétuellement[i]. Ce qui fait la force des faussaires, c’est qu’ils disent ce que l’opinion est prête à entendre et vont toujours dans le sens des vents dominants (page 31) à travers un moralisme en trompe-l’œil. Ainsi, le terme « dictateur » est attribué selon des critères à géométrie variable (page 35). C’est alors une vision manichéenne simpliste qui s’impose,  ce que Pascal Boniface nomme une « disneylisation des relations internationales » (page 37). Ce manichéisme transforme alors tout opposant aux idées prônées par les « faussaires » en ennemi, voire en représentant du Mal (page 39). Ce fut ainsi l’attitude de BHL à l’égard de Régis Debray (ou encore de Tariq Ramadan) lorsque celui-ci s’opposa à lui lors de la guerre du Kosovo : il ne s’agissait pas de réfuter ses arguments mais bien de le mettre au ban des milieux intellectuels français (pages 39-40). « Lorsque l’on porte ainsi la morale en bandoulière, il n’y a évidemment que les barbares qui s’opposent à vous, et on ne discute pas avec les barbares : on les élimine » (page 40). Ce moralisme souffre cependant de multiples interprétations : on s’émeut du Darfour ou du Kosovo, pas de la Palestine (page 42). Cette forme de moralisme est baptisée « occidentalisme » par l’auteur, qui y voit l’avatar ultime du néoconservatisme (page 51).

L’attitude de ces « occidentalistes » vis-à-vis d’Israël est symptomatique. Au nom de la solidarité avec l’Etat hébreu, il s’agit de créer un ennemi commun. Ce sera « l’islamofascisme ». Pourtant, « Manifester sa solidarité avec Israël à une période où ce petit Etat, crée par un peuple qui a échappé de peu à l’extermination, est menacé par des Etats arabes dont aucun n’est démocratique, cela allait de soi. Défendre une superpuissance militaire régionale, dotée du monopole de l’arme nucléaire au Proche Orient et qui, au mépris des règles du droit international, occupe un territoire qui ne lui appartient pas et réprime la population qui s’y trouve, c’est beaucoup moins évident. » (page 59). Pour renforcer la solidarité de l’Occident avec Israël, les « faussaires » ont inventé les termes d’ « islamo-gauchisme » et d’ « islamo-facisme », ce qui, pour qui réfléchit un peu à l’accolage de ces étiquettes oxymoriques, sont des non-sens (page 60). Et ils ne reculent devant aucune outrance pour exciter l’antagonisme avec l’Islam : en octobre 1985 (déjà !), Le Figaro avait titré « Serons-nous encore français dans trente ans ? » avec une Marianne portant le foulard islamique (page 72). Parallèlement, la lutte contre l’antisémitisme est fort logiquement devenue le combat prioritaire, ce qui permet d’amalgamer, là aussi avec outrance et simplisme, cette lutte avec la défense d’Israël (page 82). Dans ce contexte d’instrumentalisation du débat, Pascal Boniface attribue pour une large part la montée du Front National aux mensonges des élites, des « intellectuels faussaires », qui en nourrit le rejet et en conséquence le populisme[ii] (page 85).

 

 

 

 

 

 

La suite :

 

Alexandre Adler

 

 

Caroline Fourest : la serial menteuse

 

 

Mohammed Sifaoui : pourfendeur utile de l'islamisme

 

 

François Heisbourgh : qui paye la musique choisit sa partition

 

 

    Bernard Henri-Levy (BHL) : le seigneur et maître des "faussaires"  

 

 



[i] Ce qui, ceci dit, semble de plus en plus être le cas : la parole médiatique est de plus en plus sujette à caution de la part du public.

[ii] Marc Crapez fait le même constat dans un article de Marianne du 22 juin 2012 : http://www.marianne2.fr/Le-populisme-est-imputable-a-la-secession-des-elites_a219922.html

Alexandre Adler

Caroline Fourest : la serial menteuse

Mohammed Sifaoui : pourfendeur utile de l'islamisme

François Heisbourgh : qui paye la musique choisit sa partition

Philippe Val : de Léo Ferré à Troquemada

Bernard Henri-Levy (BHL) : le seigneur et maître des "faussaires" (à paraître)

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M
Pascal Bonifate is a highly talented and inspired writer. He is a writer who knows the characteristics, attitudes and behavior of almost all types of people in the world. The characters in his books are so familiar to the people we see every day.
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