Les fariboles du pacte de responsabilité
Les fariboles du pacte de responsabilité
Billet invité de Thomas Schott
Le 14 janvier dernier, François Hollande annonçait “officiellement“ sa nouvelle politique économique : “le socialisme de l’offre“. Derrière cet aphorisme issu du théorème de Schmidt se cache un suicide économique pour la France. De fait, cette politique de l’offre n’améliorera pas la situation des entreprises ni de l’emploi.
La preuve par les “subprimes“.
Jusqu’à la fin des années 1970, la part des salaires est à peu près stable : c’est la période dite “fordiste“. Or, les crises des années 1970 vont laminer les profits des entreprises. Sachant qu’à cette période ceux-ci vont principalement dans l’investissement (faute de pouvoir actionnarial assez fort), l’effet est la chute du taux d’investissement et in fine la récession.
Dans un premier temps, pour relancer l’activité économique, une politique de relance keynésienne est mise en place au début des années 80. Cependant, cette méthode a une faille. Comme l’explique le cabinet d’analyse financière Ferri, dans un régime de libre-échange, le pouvoir d’achat distribué file directement dans des pays à coût de production plus faible. Ainsi, selon l’étude réalisée par le cabinet, une politique keynésienne est efficace à condition qu’elle soit couplée à des mesures protectionnistes.
Dès lors, après l’échec de la relance keynésienne, est installée une politique néolibérale entraînant un recul de la part des salaires (cf. Graphique 1). Cette baisse s’est faite au nom du “théorème de Schmidt“ selon lequel “les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain“. Contrairement à ce que prétend cette légendaire ânerie, ce scénario n’a jamais fonctionné. La rentabilité des entreprises s’est rétablie mais cela n’a emmené ni investissement (taux d’investissement selon l’INSEE: 22% en 1970 contre 15% en 1986) ni emplois. En d’autres termes, les profits ont permis d’augmenter les rémunérations des actionnaires. On assiste donc à une financiarisation de l’économie au détriment du pouvoir d’achat et du chômage (cf. Graphiques 2 & 3).
Dans une telle configuration, une question se pose : celle des débouchés. De fait, le moteur du capitalisme est double : il a besoin à la fois de rentabilité et de débouchés. Dès lors, vu que le pouvoir d’achat baisse, il faut trouver des débouchés. De sorte à soutenir la consommation, les autorités ont donc ouvert la vanne du crédit. Ce procédé a permis de maintenir la demande jusqu’à ce que la bulle éclate en 2008 (cf. Graphiques 4 & 5).
François Hollande ? Bis repetita.
Le pacte de responsabilité proposé par François Hollande aux entreprises a comme objectif que celles-ci rétablissent leur taux de marge pour qu’elles produisent et embauchent plus. Certes, il y a bien un problème de taux de marge mais pour le comprendre il faut revenir à la crise de 2008. La récession issue de l’effondrement du système financier international, a fortement contracté la demande. Résultat : sous-exploitation des capacités productives, baisse de la production et hausse du chômage. C’est donc d’abord cette rétraction de la consommation qui explique la baisse du taux de marge des entreprises. Dans un tel schéma, les recettes des entreprises fondent comme neige au soleil car celles-ci payent un appareil productif sous exploité, du fait du manque de débouchés. Elles attendent donc une reprise des commandes qui ne pointent pas le bout de son nez. Et pour cause : sur injonction de la troïka – FMI, BCE et commission européenne – la France s’est engagée, les deux pieds dedans, dans une politique d’austérité (hausse des impôts et baisse des dépenses publiques*).
Pour contrebalancer cet effondrement de la demande intérieure, le gouvernement et l’ensemble de l’Europe se sont tournés vers les marchés extérieurs. Or, un difficulté apparaît : un pays seul peut compenser sa faible demande intérieur en se tournant vers l’étranger mais à l’échelle de l’Europe cela ne peut fonctionner car les déficits de balance commerciale des uns font les excédent des autres. Résultat : chaque pays s’acharne pour augmenter ses débouchés, qui sont eux-mêmes réduit par l’austérité et in fine les taux de marges s’amenuisent encore.
Ainsi en proposant une bouffée d’air frais aux entreprises (baisse des charges compensée par une baisse de la dépense publique*), François Hollande ne fera qu’aggraver la récession. Car le président, économiste de formation, oublie une chose : tout est fonction du carnet de commande. Les entreprises produisent, investissent et embauchent en fonction. En absence de débouchés, le baisse des charges sera épargnée par les entreprises car celles-ci, et à raison, ne peuvent investir et/ou embaucher sans demande.
Face à une telle menace, soit le gouvernement se met à la mode anglaise et amène à un futur effondrement du système financier ou alors il remet tout à plat pour trouver la cause des causes.
Thomas Schott
* Les dépenses publiques sont soit une demande adressée aux entreprises par l’Etat soit des salaires (salaires des fonctionnaires ou prestations sociales) qui sont consommés et absorber par le secteur privé. La dépense publique est donc productive, créatrice de richesse.
LA SOURCE DES GRAPHIQUES 3, 4 & 5 EST : AMECO, COMMISSION EUROPÉENNE.