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L'Oeil de Brutus

DE LA LIBERTE EN HOLLANDIE

8 Mars 2014 , Rédigé par L'oeil de Brutus

DE LA LIBERTE EN HOLLANDIE

DE LA LIBERTE EN HOLLANDIE

« Toujours la tyrannie a d’heureuses prémices »

Racine, Britannicus.

En ouverture de sa conférence de presse du 14 janvier 2014, le président de la République s’exprimait dans ces termes : « Je ne laisserai pas faire, au cours des prochains mois, ceux qui veulent en terminer avec l’idée européenne. Pas seulement en France, il y en a d’autres, parfois même aux gouvernements. Je ne laisserai pas faire ceux qui veulent en terminer avec l’idée européenne ou ceux qui veulent briser l’acquis communautaire, c’est-à-dire tout ce qui a été fait depuis des générations et des générations. Je ne laisserai pas non plus faire ceux qui veulent sortir de l’euro, qui pensent ainsi sauver la Nation alors qu’ils la mettent en péril. Parce que notre avenir, c’est dans l’Europe… »

Qu’entend-il exactement par ces fameux « je ne laisserai pas faire » à tours de bras ? Entend-il enfin, notamment après le déni de démocratie qu’a constitué l’adoption du traité de Lisbonne malgré le non de 2005 à la Constitution européenne, se mettre à accepter le débat avec ceux qui pointent du doigt toutes les tares de la construction européenne telle qu’elle nous est imposée ? Un débat sain permettrait en effet à chaque citoyen de se faire une idée de ce qu’est et/ou devrait être l’Union européenne. De là pourrait émerger du moins un consensus sinon la possibilité pour chaque Français d’effectuer ses choix de vote en son âme et conscience, en homme ou femme éclairé sur les enjeux pour lesquels on le consulte. De là les Français, et donc la France, sauraient situer leur place en Europe et dans le monde.

Mais là n’est pas l’intention de M. Hollande. Elle en est même diamétralement opposée : c’est bel et bien un « je ne laisserai pas faire » on ne peut plus autoritaire. Son ministre de l’Intérieur a d’ailleurs eu vite fait de le préciser par cette parole plus qu’inquiétante pour nos libertés : «Tous les mots qui sont blessants donneront sujet à enquête» (Le supplément, 02/02/2014). Est-il donc blessant de remettre en cause le dogme de l’euro ? De critiquer la construction anti-démocratique de l’Union européenne et la soumission éhontée de ses institutions aux lobbys et oligarchies, notamment financiers ?

Il faut croire que oui. Car après cette double autorisation d’ouverture du feu, les chiens de garde de l’euro-béatitude néolibérale n’ont pas tardé à montrer les crocs.

Jacques Sapir, esprit éclairé si l’en est, posé et modéré dans ses propos mais qui a qui le grand tort d’être un chef de file des opposants à l’euro, en a le premier fait les frais. C’est ainsi que le sieur Colombani, cet édidocrate de bazar qui persévère à « regarder BHL comme un intellectuel d’exception »[i] - c’est à cela seul dire le seuil de Peter de sa propre intelligence – ouvre le bal en stigmatisant « une France du rejet de l’autre – aussi bien l’immigré que l’Européen, l’Arabe ou le Juif – (qui) est en train de s’affirmer. C’est la France du repli identitaire et du refus de l’euro »[ii]. Les critiques de l’euro s’en trouvent donc rejetés dans les rangs des antisémites et autres racistes de bas vol. Fermez le ban et le débat. Circulez, il n’a rien à voir : les ringard xénophobes aboient, la caravane de l’euro passe. Si dans notre époque il y a quelque chose qui commence furieusement à rappeler les années 1930, c’est bien le niveau de caniveau de la presse représentée par M. Colombani et consorts. A force de prétendre combattre l’extrême-droite, il en est qui finissent par en adopter les méthodes : on y retrouve chez eux les mêmes formes d’invectives qu’un Je suis partout prétendant faire pièce au bolchévisme rampant[iii]. Tout comme les mêmes finissent par adopter diverses formes de propagandes et de manipulations de l’information. Notons que la presse dite de gauche (en particulier Le Nouvel Obs avec sa pitoyable une sur « génération réac »), abonnée et abonnant aux sorties de M. Colombani et de ses amis, n’a pas le monopole de l’invective turpide : que l’on songe simplement à la grotesque et risible une du Point sur les « néocons à la française ».

La mauvaise foi propagandaire sait aussi s’attacher aux plus hauts degrés ministériels. Ainsi du ci-devant Moscovici taxant le même Jacques Sapir d’économiste d’extrême-droite sur France 2 (Mots Croisés, 03/02/2014). L’injonction en est tellement ridicule et dénuée de tout fondement qu’elle en discrédite surtout son auteur, si tant est que celui-ci ait encore le moindre crédit. « Sois économe de ton mépris, il y a tant de nécessiteux » prévenait Chateaubriand. A un tel degré de nécessité, le sieur Moscovici peut prétendre à un abonnement à la Cour des miracles. Il trouvera bientôt des millions de Français pour lui accorder la charité de sa bien méritée obole de mépris.

Mais le terrorisme intellectuel de la bien-pensance au pouvoir ne s’arrête pas là. Sous couvert de l’autorisation présidentielle et de la caution de son spadassin de la place Beauvau, elle peut faire feu de tous bois. Autre cible, mais dans un registre différent : Alain Finkielkraut. Le philosophe a en effet eu le tort d’employer, en plein plateau télé – crime de lèse-majesté médiatique en puissance – l’expression « français de souche ». On peut discourir de beaucoup de choses sur et avec M. Finkielkraut. On peut certes bien être un désaccord avec ses positions. On peut même parfois s’accorder à les juger quelque peu extrêmes. C’est là tout le jeu du débat démocratique. Mais il semble pourtant évident que lorsqu’il use de cette expression, l’enfant de juifs polonais qu’il est ne saurait s’y inclure et se faire donc l’apôtre d’un repli identitaire le plus strict et passéiste. C’est bien pourtant ce qui lui reproche l’intelligentsia du PS, Harlem Désir en tête[iv], au point d’en saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Et pour rehausser le débat, probablement prosaïquement enorgueilli d’une situation économique, sociale et internationale au zénith, le même parti socialiste au pouvoir nous sort une énième réforme sociétale dont il a le secret par le biais de sa loi famille. On va finir par croire que la famille est en mire permanente de la nouvelle gauche au pouvoir[v]. La ficelle est un peu grosse et éculée. La recette mitterrandienne d’excitation des extrêmes (notamment par l’intermédiaire du vote des étrangers, dont, échéances électorales obligent, on ne devrait pas tarder à entendre de nouveau parler) date tout de même de plus de 30 ans. Et à force d’exciter les extrêmes, on va bien finir par les envoyer en masse garnir les rangs du fantomatique parlement de Strasbourg. « On ne peut pas tromper 1000 fois 1000 personnes » comme dirait l’autre. Tant va la cruche hollandienne à l’eau qu’à la fin elle nous les brise. Et il faut dire, que là elle nous les brise bien fort. Ici encore l’invective n’a plus de borne. Dans ce haut lieu de la pensée médiatico-politique qu’est RMC, on peut ainsi entendre (29/01/2014) Jean-Jacques Bourdin, ce Diafoirus de l’analyse politique à la diatribe haute et l’esprit bas, qualifier les opposants à la politique familiale du gouvernement d’ « idéologues fascisants ». Dans le même panier donc, intégristes musulmans ou catholiques, simples croyants respectueux des lois de la République, parents inquiets du contenu de l’ABCD de l’égalité (pour tout esprit un tant soit peu critique et rationnel, sa consultation vaut le détour[vi]) ou tout simplement citoyens s’interrogeant sur la pertinence de ce type d’enseignement dans une école de la République déjà suffisamment déboussolée comme cela[vii] par des décennies de multiples renoncements la transformant de plus en plus comme un terrible reproducteur d’inégalités sociales. Mais que l’on se rassure, grâce à MM. Hollande et Peillon les enfants de l’égalité seront sauvés : garçons en jupes et mascara, filles adeptes du viril plaquage de rugby pourront donc aller ensemble, main dans la main, pointer à Pôle emploi[viii]. Après tout, l’essentiel est que la scolé ne leur enseigne pas le discernement, la maîtrise de leurs passions et l’usage de la Raison car après quoi ils pourraient user et abuser de leurs bulletins de vote …

Sans vouloir s’insérer ici dans le débat de fond sur le sujet de la théorie du genre, on ne peut alors que constater le pathétique de la position de nos idéologues de salon lorsque, à court d’argument, ils en viennent tout bonnement à clamer que la théorie du genre n’existe tout simplement pas, sous-entendant ainsi que leurs détracteurs ne forment qu’une espèce de ramassis d’affabulateurs plus ou moins paranoïaques, plus ou moins intégristes. La théorie du genre n’existe pas ? C’est certain. Pour s’en convaincre, il suffit de taper rapidement « gender theory » sur le site de la Commission européenne[ix] … :

Voir image en bas de page.

Mais à part çà, la théorie du genre n’existe pas … C’est surement également pour cela que la même Commission s’intéresse à des études sur l’application de la théorie du genre en … milieu rural (sic) (voir ici) !

Mais revenons justement sur le « fascisant » de notre Diafoirus des ondes matinales, terme devenu récurrent chez tous les idéologues, dans les médias comme dans les arcanes politiques, qui sentent que leur pouvoir perd pied.

Dans son acception large[i], le fascisme désigne un régime politique autoritaire basé sur un parti unique dans lequel toute opposition politique est réprimée. Tout observateur politique ne peut que constater la forte convergence idéologique et programmatique[ii] qui règne depuis maintenant trois décennies entre le PS et l’UMP. Les luttes de pouvoir entre ces deux formations ne sont finalement que de simples luttes de clans au sein de la même idéologie néolibérale et européiste. Une « bande des quatre » réduite à deux. Malenkov et Beria se disputant sur le cadavre encore chaud de Staline. Agrippine versus Néron, dans une lutte incestueuse sans que l’on sache vraiment qui est la mère de l’autre. Une meute se disputant le même os idéologique et tétant aux mêmes mamelles de l’européisme béat et du néolibéralisme oligarchique. Voilà pour le parti unique.

Pour ce qui est de l’autoritarisme et de la répression de l’opposition, les lignes ci-dessus ne peuvent que faire constater leur progression. Les fascistes ne sont pas forcément (que) là où on les attend le plus. « Le barbare c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » rappelait Claude Lévi-Strauss. De la même manière, le fasciste c’est d’abord celui qui prétend au fascisme de l’autre pour lui interdire le débat public et museler l’opposition. Ces inquisiteurs idéologiques qui tiennent procès en sorcellerie fascisante le moindre de leur détracteurs, lorsque, et c’est désormais chose la plus courante, leurs arguments (quand il en reste encore …) prennent l’eau.

No pasarán … disait autrefois une autre gauche …. Mais le parti de Blum est Jaurès est devenu celui de DSK et Cahuzac. Aux Rol-Tanguy ou Malraux des maquis n’ont succédé que les BHL de salon.

[i] C’est-à-dire au-delà du cadre mussolinien qui lui a donné naissance.

[ii] Hors quelques questions sociétales finalement de second rang.

[i] Jean-Marie Colombani, Un monde à part, Plon, 2013, pp. 107-108, cité par Frédéric Lordon, Les évitements visibles du « Parlement des invisibles ».

[ii] Direct Matin, 03/02/2014, cité par Jacques Sapir, Saloperies …

[iii] Les méthodes de M. Colombani infusent d’ailleurs en dehors du monde de la presse : c’est ainsi que la mairie (PS) de Bondy a fait proscrire un débat sur l’euro devant se tenir dans ses murs.

[iv] Celui-là même qui en douce vote pour la disparition de vos retraites.

[v] Oubliant notamment que ce n’est pas la gauche qui a légalisé la pilule, accordé la majorité à 18 ans, institué le divorce par consentement mutuel ou encore autorisé l'IVG.

[vi] Exit Blanche-Neige et La Belle au bois dormant, stéréotypes hérités d’un passé machistes, vive Hector, ce gars trop trop fort traumatisé par la société qui attend qu’il use de ses muscles alors qu’il aimerait tant faire du tricot, les filles au rugby et les garçons au cerceau, le summum de l’élégance féminine et du progressisme dans le smoking, etc…

[vii] Et c’est là, la plus grande, la plus terrible, faute du gouvernement : en ayant imposé un vecteur idéologique au sein de l’école – ce lieu qui devrait être havre de paix devenu par là même objet de querelles -, il a fondamentalement remis en cause le principe républicain de laïcité. Car, comme le souligne si justement Eric Deschavanne : « La laïcité, ce n'est pas seulement la neutralité religieuse : celle-ci n'est en effet qu'une application particulière de l'exigence plus générale de neutralité idéologique de l'État ».

[viii] Mais il est vrai qu’entretemps Mme Fioraso leur aura « enseigné la culture de l'entrepreneuriat dès la maternelle » (Les Echos, 05/02/2014). Quand l’absurde se la dispute au néant intellectuel, le tout dans la brume de grimaud des artifices de communicants, Il y a des moments où la bêtise idéologique en vient à ne plus appeler de commentaires …

[ix] On notera au passage que le Français étant, au même titre que l’Anglais, langue officielle de l’UE, tous les documents devraient être publiés en double traduction. Ce qui est loin d’être le cas.

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