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L'Oeil de Brutus

UE, TUE, Euro : se mentir et subir ou voir clair et agir ?

13 Mai 2017 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Idées

UE, TUE, Euro : se mentir et subir ou voir clair et agir ?

Billet invité de Xavier Louvet

 

Je remercie le professeur Hans-Kristian Colletis-Wahl, Maître de conférence en économie à l’Université de Savoie, de s’être penché sur mon billet du 24 avril 2017 dans lequel je mets les affirmations de son article « Sortir de l’euro, stratégie viable ou scénario du pire ? », paru dans Le Monde, le 25 février 2014, à l’épreuve des chiffres.

 

Pour commencer je souhaite rétablir ici la vérité sur ma première intervention dans le débat. Je me suis borné dans ce billet à afficher les grandeurs économiques publiées par les services compétents des ministères français (chacun étant sourcé et vérifiable) pour les mettre en perspectives avec les qualificatifs employés dans l’article de monsieur Colletis-Wahl. A vrai dire, lorsque j’ai lu cet article, je me suis simplement étonné que monsieur Colletis-Wahl ne donne aucun élément chiffré à l’appui de ses explications. Je suis donc allé consulter la nombreuse documentation publique disponible gratuitement pour, à ma grande surprise, ne pas y lire ce que nous décrit l’article. Dès lors, j’ai commis ce billet.

 

L’honnêteté intellectuelle commande, à mon avis, surtout lorsqu’on est un économiste reconnu, de sortir des commentaires généraux en prouvant ce que l’on avance. 

 

Dans son droit de réponse, monsieur Colletis-Wahl, semble reprendre habilement les points de mon billet pour expliquer que je n’ai rien compris. Cependant, je note qu’il change les termes du débat initial de manière habile pour sa démonstration. Ce faisant il contourne le débat.

 

Lorsqu’il écrit « les échanges français concernent pour 60% l’UE et pour 40% les pays hors de la zone UE. C’est ensuite que cela se corse : les principaux partenaires commerciaux de la France sont les pays frontaliers qui représentent à eux seuls 52% des exportations et Mr Louvet de conclure que cette part est faible, puisque 48% ne concernent pas ces pays. », il déforme ce que j’avais écrit « Les échanges français (import et export) sont à 60 % dans l’UE et 40 % hors UE. Les exportations vers les pays de la zone Euro sont concentrées par ordre d’importance sur l’Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et le Portugal et représentent 48 % des exportations du pays : si 52% fait encore une majorité dans le sens commun, on ne peut donc parler de primauté flagrante des flux intra zone euro. ».  Or, dans son papier initial, monsieur Colletis-Wahl avait écrit : « Pour la France, les échanges internes à la zone euro ne sont pas affectés, or c’est là que se situent les principaux flux d’échange français hors énergie. »

 

On voit l'ambiguïté entretenue sur les termes :UE, Zone UE et Zone Euro. A partir du moment où vous lancez le débat sur la Zone Euro, de grâce, parlons bien du périmètre Zone Euro et n’essayons pas de biaiser sur les termes qui recouvrent des périmètres bien différents. Je maintiens donc ce que j’ai rapporté.

 

Plus loin au sujet de l’impact sur l’économie des changements dans le système des échanges  monsieur Colletis-Wahl, dénigre ma démonstration sur la facture pétrolière : « A la place de cela, Mr Louvet propose une règle de trois sur les coûts énergétiques. » alors que je démonte  justement l’argument de la facture pétrolière qui était le sien dans le papier initial, je le cite : « La facture pétrolière, par exemple, se trouve ainsi allégée. Elle constitue le premier poste du déficit de notre balance commerciale et elle augmenterait de façon sensible, dégradant d’autant plus le déficit commercial. ». J’y répondais par : « Les importations d’hydrocarbures (hors produits raffinés) et d’électricité représentent environ 30 Md € sur un volume d’import de 507 Md € soit 6 %. Si l’on anticipait une dévaluation de 10 % de la monnaie française, l’impact de la facture pétrolière serait de 0,6 % sur le volume des importations donc négligeable contrairement à ce que l’expert évoque. ». J’admets le débat sur le niveau de la « dépréciation » de la monnaie, mais même s’il était de 80 % (raisonnement par l’absurde), la facture pétrolière resterait toujours marginale dans la dégradation, CQFD.

 

Il en va de même des « taux interbancaires » qu’il voudrait maintenant renommer « taux obligataires » alors que le titre de son paragraphe sur le papier était bien « HAUSSE DES TAUX INTERBANCAIRES ».

 

Faut-il continuer cette relecture un peu cruelle ? Non. Je pense qu’on a compris que tout le reste est « à l’avenant » pour paraphraser monsieur Colletis-Wahl qui se retrouve dans le rôle peu enviable de l’arroseur arrosé.

 

Je ne faisais que du fact-checking, mais je saisis l’invitation de monsieur Colletis-Wahl pour élargir mon propos sur le fond politique de son dernier billet. Je précise ici que je n’ai aucune accointances avec les thèses ni du FN, ni de la France Insoumise dont je rejette les analyses sommaires dignes du Monopoly et les solutions irresponsables qu’ils promeuvent par ailleurs.

 

Le texte de monsieur Colletis-Wahl pose le débat entre les adeptes, dont je suis, de l’économie dynamique, l’économie de la création, de l’entrepreneuriat, du développement humain (étant moi-même entrepreneur, je sais ce dont je parle) et les adeptes de l’économie statufiée, des rentiers et des équilibres et déséquilibres installés au profit des mêmes intérêts qui tendent à se concentrer en quelques mains, le marché comme on dit pudiquement.

 

Monsieur Colletis-Wahl est très pessimiste sur l’avenir et il voudrait tourner en ridicule les optimistes dont je suis en nous accusant d’abuser de méthode Coué :  « « YaKa » innover, produire, créer des entreprises et augmenter les salaires ; « FautKon » investisse, que l’on forme des personnes, que l’on augmente la taille des PME, que l’on crée des emplois. ». En creux, on lirait bien que monsieur Colletis-Wahl propose le « Yaka rien faire et se mettre à genoux ou quitter le pays» et le « FautKon ne tente rien, qu’on accepte le pillage de l’économie et qu’on attende calmement l’asphyxie ». Comme si la création de richesses propres n’avait plus de sens dans le contexte de notre pays.

 

Si c’était cela l’enseignement supérieur en économie délivré par les Maîtres de Conférence français, la France serait effectivement en très grand danger. Quelle ambition donneriez-vous à vos étudiants ? Celle d’être des hommes et femmes résignés ou celle de se tenir debout devant l’adversité ? Comment expliqueriez-vous à vos étudiants que la France génèrera encore 2 000 milliards d’Euros de PIB dans 50 ans alors que son économie se désagrège, que ce serait irrémédiable et qu’il n’y aurait rien à faire ? Par la baisse des revenus ?  Par le tourisme ? En créant des musées de l’industrie manufacturière pour touristes chinois ? Par des subventions européennes qui viendraient sans doute d’Allemagne lorsqu’elle aurait fini de gagner en compétitivité avec du dumping social ? Par des subventions du Benelux, lorsque leur dumping fiscal n’aurait plus ni riches français ni holdings à attirer, que les grandes sociétés du CAC 40 auraient fini de loger leurs revenus aux Bermudes et que la consommation intérieure française aurait chuté faute de revenus ? Soyons sérieux.

 

Dites-vous à vos étudiants que l’Allemagne compte 7 millions de travailleurs payés 450 Euros par mois[i] alors que c’est strictement interdit en France ? Expliquez-vous que l’accueil massif de réfugiés par l’Allemagne n’est acceptée là-bas que parce qu’on a expliqué aux Allemands qu’elle  a pour but de maintenir cette situation pour financer leur retraites ? Expliquez-vous à vos étudiants que l’agro-industrie française est celle qui a le plus perdu de part de marché (-1,8 points en 10 ans)  en Europe comme le démontre l’étude des douanes[ii] ? Expliquez-vous que l’excédent commercial agricole français fond comme neige au soleil car, après la fermeture des usines françaises (cf l’actualité récente en Bretagne), les produits agricoles transformés viennent de Pologne, d’Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas où il n’existe pas de salaire minimum équivalent dans le secteur de l’agro-industrie ? Enseignez-vous que les Pays-Bas sont devenus la deuxième agro-industrie du monde, juste derrière les Etats-Unis par les parts de marché ? Expliquez-vous que les distorsions sociales et fiscales organisées et maintenues par les gouvernements de ces Etats « partenaires » ont pour effet de vider l’économie de notre pays de sa substance ? Expliquez-vous que des industriels Français, si les conditions de concurrence était à nouveau loyales, rouvriraient des usines, parce qu’ils ne sont ni moins intelligents, ni moins cupides que les autres ?

 

Non, le Traité de l’Union Européenne, en son état actuel, n’est plus un facteur d’avenir positif pour l’économie Française. Il constitue même un piège destructeur et pas seulement pour la France. Il m’a fallu du temps pour le comprendre et ce n’est pas de gaité de cœur que j’en viens à cette conclusion. La France doit se réformer ? Sans doute. Mais le dumping social et fiscal de nos voisins que la France refuse d’adopter, à raison, fait de la France l’idiot utile d’un contrat de dupes.

 

Et comment peut-on imaginer que les conditions de concurrence à l’intérieur de l’Union pourraient s’améliorer ? Sans doute me direz-vous : « Yaka imposer une harmonisation sociale et fiscale » ? ou réduire le niveau de vie des Français. Mais dans le premier cas, qui va signer ? Sans doute ceux qui profitent de manière subtile des déséquilibres qu’ils ont créés et entretiennent : l’Allemagne ? Le Benelux ? La Pologne ? L’Irlande ? … Et dans le second cas, pour quelle raison les Français devraient-ils accepter d’être les dindons de la farce quand les « partenaires » ont acquis des avantages compétitifs par des moyens déloyaux ? Comment pourrait-on encore imaginer que l’on rétablirait des protections douanières aux frontières de l’Europe lorsque l’Allemagne dégage près de 248 Milliards d’Euros d’excédents commerciaux et dirait à ses « partenaires » qui cumulent ensemble un déficit de 230 Milliards (l’excèdent commercial net de l’UE étant de 18 Md€) : « surtout ne me gênez pas avec vos protections...». L’Union Européenne n’est plus ce qu’elle a été : un cadre de développement gagnant-gagnant. Depuis la mise en vigueur des effets du Traité de Maastricht, aggravés avec l’introduction de l’Euro et encore aggravé par l’élargissement à 28, elle est devenue un moulin ouvert aux quatre vents, à la concurrence libre mais faussée et ingérable dans ses institutions. Il faut avoir la lucidité et le courage de le reconnaître.

 

Alors oui, il faut protéger l’économie française qui a été affaiblie ces 25 dernières années comme on protège un malade cardiaque qui doit faire un passage par l’hôpital pour qu’elle retrouve des forces. Et oui, le passage sur le billard, qui impose l’abandon de l’Euro, est risqué et oui certains rentiers (dont je suis aussi à ma petite mesure) vont avoir peur de perdre leurs économies et, non, les firmes du CAC 40 n’auront pas à en souffrir parce que nul ne peut penser qu’elles ne sont pas assez habiles...

 

Cette mise sous protection passe par la dénonciation unilatérale du Traité de l’UE qui est le seul moyen pour la France de se réveiller, d’adopter librement et sans contraintes artificielles une politique de redressement économique et de réveiller ses « partenaires » indélicats. La France, trop petite pour être seule, est trop grande dans l’Europe pour que son refus définitif de poursuivre dans la voie actuelle passe inaperçu. Et là seulement, vous verrez les uns et les autres supplier nos gouvernements de revenir à la table des négociations. Sommes-nous la seconde économie, le second marché de la zone ? Oui ou non ? Alors, n’aurions-nous rien à dire ? Devrions-nous nous laisser tondre comme de dociles moutons ? Au nom  de quoi ? Du rêve ridicule de nos élites d’une Europe qui serait une extension de la puissance politique française ? Mais c’est ne rien connaître de nos sympathiques voisins et de leur chauvinisme bien ancré qui ont ne détestent rien plus que l’arrogance de notre pays et de son peuple.

 

Quel avenir devons-nous à nos enfants ?  Celui d’émigrer au Canada ou de vivre correctement au pays et en Europe ? Moi, j’ai choisi.

 

Xavier LOUVET

 

[i] source rapport des Grandes Orientations de Politique Economique pour l’Allemagne de la Commission Européenne consultable ici : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016H0818(05)&from=EN

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C
J'abandonne... il n'est pas possible d'échanger avec Mr Louvet. Dernier commentaire en ce qui me concerne.
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L
Je respecte votre décision mais je la regrette car je crois au débat d'idées et je pense que ce sujet mérite que toutes les opinions soient mises sur la table. Au delà du constat que je qualifie de "pessimiste" dans vos contributions à celui-ci, j'aurais aimé connaître quelle solution alternative vous préconisiez. Je ne désespère pas de vous voir revenir sur votre décision.<br /> <br /> Je lis actuellement "Bienvenue dans le pire des mondes", essai du Comité Orwell présidé par Mme Natacha Polony. Je découvre que d'autres font le même constat que moi.<br /> <br /> A vous lire.<br /> <br /> Bien Cordialement.<br /> Xavier LOUVET