Lutte contre la fraude fiscale : une manière simple de combattre toutes les délinquances.
Lutte contre la fraude fiscale : une manière simple de combattre toutes les délinquances.
Alors que depuis des années se multiplient les dispositifs, policiers ou judiciaires, les plus complexes pour lutter contre la délinquance, on en oublie bien souvent que le mieux est l’ennemi du bien. Il y aurait pourtant des mesures des plus simples à prendre pour lutter contre la délinquance tant en col bleu qu’en col blanc. L’immense majorité des actes de délinquance, en effet, ne tourne qu’autour d’un seul objet : faire de l’argent. C’est donc par le portefeuille qu’il faut, entre autres, l’attaquer. Et ce sur ce point quelques mesures simples mériteraient d’être prises :
1/ Interdire tout paiement en liquide supérieur à 100 euros[i]. La mesure existe déjà dans plusieurs pays (notamment en Italie). Toutes les transactions importantes devenant alors traçables, cela rend d’autant plus malaisé le blanchiment d’argent des malfrats. Parallèlement, il serait alors nécessaire de soumettre à déclaration (par exemple à sa banque) les mouvements d’espèce supérieurs à 200 euros, tout contrevenant se voyant alors purement et simplement confisqué de la somme supérieure à ce montant.
2/ Accroitre les possibilités du fisc et notamment la répression des contrevenants. Dans la situation actuelle, les hauts revenus peu scrupuleux ont en effet tout intérêt à tricher : par exemple, si vous êtes dans la dernière tranche d’imposition (45%) et que vous avez la possibilité de masquer au fisc 100 000€ revenus vous ne risquez qu’une majoration de 10% soit 10 000€ si vous vous faites prendre la main dans le sac, mais si vous passez entre les gouttes c’est 45 000 euros que vous économisez ! L’administration fiscale peut certes réaliser des majorations de 40% en cas de mauvaise foi du contribuable[ii], mais c’est à elle qu’il incombe de prouver la mauvaise foi[iii]. On peut s’étonner de la clémence de la législation sur le sujet de la fraude fiscale (les Etats-Unis, par exemple, sont largement plus répressifs : le fraudeur fiscal encoure de très lourdes peines de prison). Alors même que l’UMP ne cesse de dénoncer l’angélisme du PS en termes de répression et que cette dernière prétend s’élever contre le pouvoir de l’argent, aucune des deux ne semble réellement disposée à accroître la pression sur les fraudeurs fiscaux. La mesure serait pourtant simple : confisquer la totalité des montants non déclarés dans un premier temps (avec inversion de la charge de la preuve) et en prévoir des peines de prison ferme (effectives) en cas de récidives à partir d’un montant plancher. Une telle mesure permettrait une lutte efficace contre la fraude fiscale (dont le coût est tout de même évalué à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, excusez du peu)[iv]. Mais elle aurait aussi un effet collatéral non négligeable : les délinquants auraient bien plus de difficultés à jouir des fruits de leurs larcins. Plus besoin de les prendre la main dans le sac, il suffit que le fisc se penche sur leur train de vie. Le dealer ou autre malfrat dans l’impossibilité de prouver l’origine de ses revenus peut alors dire adieu à son Porsche Cayenne …
3/ Enfin, une toute dernière mesure qui semble tomber sous le sens mais qui, malgré tout, demeure une exception de notre pays : mettre fin au monopole d’initiative judiciaire en manière fiscale du ministre du Budget. Aussi aberrant que cela puisse paraître, un magistrat, un policier ou un préfet qui constate une fraude fiscale manifeste n’a pas autorité pour initier une quelconque poursuite judiciaire ! Seul le ministère du Budget le peut[v] !
[i] Il va bien évidemment de soi qu’une telle mesure doit être accompagné de contraintes faites aux banques afin qu’elles respectent (enfin) un minimum de devoir de service public. Les frais liés aux chèques de banque devront ainsi être plafonnés (par exemple à 1€), de même que les frais d’abonnement aux cartes bleues sans autorisation de découvert. Le refus d’accès à ces dernières devant par ailleurs être considéré comme un délit de refus de vente.
[ii] 80% en cas de manœuvres frauduleuses. Dans les faits, l'application de ces majorations demeure très exceptionnelle.
[iii] Dans le cas des hauts revenus qui bénéficient de meutes de conseillers fiscaux, elle doit alors engager une véritable guérilla juridique qui est loin d’être gagnée d’avance. A contrario, le représentant des classes moyennes qui veut s’amuser à jouer avec le fisc ne disposant de tels moyens de guérillas juridiques y risquera beaucoup plus gros. En matière fiscale comme dans bien d ‘autres domaines, la justice française redevient vénale.
[iv] A la condition que l’on dote l’administration fiscale des moyens de faire son œuvre, ce que, dans la plus grande discrétion, les gouvernements successifs se sont attachés à ne surtout pas faire, notamment à coups de RGPP.
[v] Sur ce sujet, et sur celui plus général de la fraude fiscale et les paradis fiscaux, on pourra lire le rapport d’enquête parlementaire d’Alain Bocquet (PCF) et Nicolas Dupont-Aignan (DLR) ainsi que l’ouvrage publié par ce denier Les Voleurs de la République, enquête sur les parasites fiscaux (Fayard 2013).