OLIGARCHIE ET BLOCAGE SOCIAL
OLIGARCHIE ET BLOCAGE SOCIAL
Cet article est issu d’une note de bas de texte de « éthique du crédit, immoralité de l’usure ».
Le contexte social actuel laisse peu de place à l’émergence de « self-made-man ». Hormis quelques traders et footballeurs, les patrimoines d’importance sont presque tous hérités. Quelques soient ses mérites, un membre issu des classes populaires et même des classes moyennes n’aura probablement jamais les moyens de s’offrir un appartement dans Paris intramuros dans lequel il pourra faire vivre sa famille s’il n’a pas un appui financier conséquent de ses parents. Parallèlement, la systématisation des pantouflages et des rétropantouflages ont crée une oligarchie de réseaux qui fait que si, dès le plus jeunes âge, vous n’êtes pas inséré dans ces réseaux vos chances d’accéder à de hautes responsabilités, publiques ou privées, sont quasi nulles. L’ascenseur social n’est pas complètement en panne : un enfant des classes populaires peut toujours accéder aux classes moyennes. Mais ce sont les tous derniers étages qui deviennent inaccessible, et ce tant dans le secteur privé que dans le secteur public, alors même que traditionnellement celui-ci tendait à compenser l’inégalité de départ du premier. La professionnalisation de la politique, l’énarchie et la culture du pantouflage-rétropantouflage y ont mis fin.
200 ans après la chute de l’aristocratie d’Ancien Régime (qui n’avait alors d’aristocratie plus que le nom), nous avons donc en place une ploutocratie plus ou moins héréditaire. Le phénomène n’a bien sûr rien de nouveau ni d’exceptionnel (cf. les « 200 familles » des années 1930). Il est même profondément humain. Tout le monde veut le meilleur pour ses enfants. Et le meilleur consiste à lui transmettre bien sûr une partie de son patrimoine matériel mais aussi, et surtout, son patrimoine immatériel : les connaissances et le réseau, ce que Pierre Bourdieu appelait le « capital social ». On ne changera pas l’homme, et les bons parents chercheront toujours à donner à leurs enfants le meilleur départ possible. Mais ce qui est dangereux pour la société, c’est lorsque le patrimoine – matériel et social - se concentre sur une toute petite frange de la population qui se renferme sur elle-même, se ghettoïse et vire à la consanguinité. La société est alors figée. Le mérite et le travail n’ont plus de valeur puisque la naissance décide de tout. L’oisiveté et l’incompétence des « bien nés » font écho à celles de ce que l’on nomme les « assistés », ces « mal nés » dont on achète le silence à coups de prestations sociales. Mais comment leur reprocher leur « assistanat social » lorsque d’autres ne vivent que de l’assistanat familial et héréditaire ? Comment reprocher le manque d’ardeur au travail lorsque le mérite ne paye plus ? Nous en sommes probablement là. Le problème de « compétitivité » français que les néolibéraux ne cessent de servir et resservir est là. Si la France n’est pas « compétitive » (ce qui, pour la 5e économie mondiale et le 3e receveur mondial d’investissements étrangers (IDE) reste encore à prouver …), c’est peut-être que le mérite et l’effort ne sont pas valorisés. Et, par contre, s’ils ne sont pas valorisés, c’est que l’exemple n’est pas donné, c’est que la « bonne naissance » vous en exempte, ou du moins vous place bien trop au dessus du pied d’égalité. « Le poisson pourrit toujours par la tête ».