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L'Oeil de Brutus

SUR LES FALAISES DE MARBRE

27 Juillet 2011 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Lectures

SUR LES FALAISES DE MARBRE

Ernst Jünger

Edition de référence : Gallimard, 2007.

 

1/ L’AUTEUR.

 

Cf. : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_J%C3%BCnger

 

2/ L’OEUVRE.

 

Publié en 1939, Sur les falaises de marbre est considéré comme l’ouvrage majeur d’Ernst Jünger. Parfois considéré comme une simple dénonciation du nazisme, l’allégorie y est bien plus complexe et source de multiples interprétations. On peut bien sûr y voir la description de la lutte entre la civilisation et les ténèbres de la barbarie. Mais cette interprétation peut aussi être transposée en une lutte intérieure entre la beauté, la culture, l’intelligence et la bestialité de l’homme.

Dans l’œuvre de Jünger, rien n’est simple et tout porte à la réflexion. L’allégorie des vipères en est une parfaite illustration. Pourtant habituellement désignées comme des animaux hostiles à l’homme, elles y sont dépeintes comme l’ami du Bien. Doit-on y voir les bienfaits de la socialisation qui amène au Bien à travers des vipères habituées à la présence humaine ? Une dénonciation de la culture de l’apparence et de l’héritage instinctif (les vipères seraient-elles les Juifs de l’Allemagne des années 30 ?) ? Ou encore, une dénonciation de l’obscurantisme religieux et un plaidoyer de la connaissance pour l’Homme (le serpent apportant la pomme de la connaissance à l’Homme mais entrainant son exclusion du jardin d’Eden, mais qui est aussi un accès à un statut réellement différencié de l’Animal) ?

La densité de l’œuvre fait qu’elle mériterait même un nombre illimité de lectures tant les allégories sont complexes et multiples.

 

Vétéran de la guerre d’Alta-Plana (qui pourrait être assimilée à la première guerre mondiale), le narrateur et « frère Othon » se sont retirés dans un pays imaginaire, la Marina terre de vignobles et de raffinements, bordée d’un côté par la mer et de l’autre par la Campagna, terre de bergers et de pâturages. Dans leur grande villa au bord des falaises de marbre, ils passent leur temps à la méditation dans leur bibliothèque ou à la confection de leurs herbiers. Le narrateur a en outre recueilli son fils naturel – et sa grand-mère qui l’élève – qui s’amuse à élever des vipères qui se montrent douces et dociles.

Mais, du fond des forêts ténébreuses de Campana, le Grand Forestier (Hitler ? le Mal ? le fascisme ?) prépare sa conquête de toutes les terres de Campagna et de la Marina. La barbarie s’immisce dans tous les domaines de la société pour favoriser le chaos dont elle tire finalement et paradoxalement profit pour se poser en garant de l’ordre (cf. page 59). La lie se l’humanité s’agrège alors à la barbarie (page 65). Des alliances, parfois surprenantes, se forgent tant avec le Grand Forestier qu’avec les défenseurs de la civilisation. L’avènement du Grand Forestier paraît inéluctable et, malgré un dernier combat empanaché, les ténèbres envahissent tout le pays, détruisent toute trace de culture et le narrateur se voit contraint à l’exil.

 

 

Point particulier :

- Certains éléments de l’ouvrage pourraient également être interprétés comme des allégories franc-maçonniques (voir notamment la référence au grand œuvre, page 87).

 

4/ CITATIONS.

 

« Vous connaissez tous cette intraitable mélancolie qui s’empare de nous au souvenir des temps heureux. Ils se sont enfuis sans retour ; quelque chose de plus impitoyable que nous l’espace nous tient éloignés d’eux. Et les images de la vie, en ce lointain reflet qu’elles nous laissent, se font plus attirantes encore. Nous pensons à elles comme au corps d’un amour défunt qui repose au creux de la tombe, et désormais nous hante, splendeur plus haute et plus pure, pareil à quelque mirage devant quoi nous frissonnons. Et sans nous lasser, dans nos rêves enfiévrés de désir, nous reprenons la quête tâtonnante, explorant de ce passé chaque détail, chaque pli. Et le sentiment nous vient alors que nous n’avons pas notre pleine mesure de vie et d’amour, mais ce que nous laissâmes échapper, nul repentir ne peut nous le rendre. Ô puissions-nous, d’un tel sentiment, tirer une leçon dont nous nous souviendrions à chaque instant de notre joie ! »

            Page 9.

 

« Il aimait aussi nommer les hommes les optimates, signifiant par là que tous autant qu’ils sont, ils forment l’aristocratie naturelle de ce monde et que chacun d’eux peut nous apporter l’excellent. Il les concevait comme des réceptacles du merveilleux, et, créature suprêmes, il leur accordait des droits princiers. Et réellement, je voyais tous ceux qui l’approchaient s’épanouir comme des plantes qui s’éveillent du sommeil hivernal, non point qu’ils devinssent meilleurs, mais parce qu’ils devenaient davantage eux-mêmes. »

            Page 28.

 

« De même qu’en montagne un épais brouillard annonce les tempêtes, un nuage de crainte précédait le grand Forestier. Un nuage de crainte le voilait, et je suis persuadé que c’est là qu’il fallait voir sa force, bien plus qu’en sa personne même. Il ne pouvait agir que lorsque les choses en étaient venues à vaciller d’elles-mêmes, mais une fois là, ses forêts l’aidaient à se jeter sur le pays. »

            Page 41.

 

« On reconnait les grandes époques à ceci, que la puissance de l’esprit y est visible et son action partout présente. »

            Page 55

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