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L'Oeil de Brutus

DETTE PUBLIQUE : Nos dirigeants doivent prendre leurs responsabilités

8 Août 2011 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Idées

 

 

 

Depuis le déclenchement de la crise actuelle en 2007, nos dirigeants politiques ont multiplié les déclarations de bonnes intentions mais ne se sont finalement attachés qu’à accoler des rustines sur une chambre à air qui fuit de toutes parts. Bien piètres médecins qui ne s’attaquent qu’aux symptômes en négligeant la maladie elle-même. Pourtant, l’origine de cette dernière est bien connue : la dépendance des Etats aux marchés financiers et leur endettement excessif.

 

1/ LA TYRANNIE DES MARCHES.

 

Initialement la crise des subprimes n’était qu’une crise de l’endettement privé à laquelle les Etats ont répondu par une intervention massive qui a, certes, probablement – et provisoirement – évité le naufrage complet de la planète financière qui aurait entrainé avec elle son alter-égo économique. Toutefois, cet endettement privé a de fait été transféré vers un endettement public déjà conséquent et qui plus est aggravé par le ralentissement économique. Les Etats les plus faibles[1] (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne) se sont alors retrouvés au bord de la cessation de paiement. Par divers plans de sauvetage, nos dirigeants s’évertuent alors à transférer cette dette de ces Etats dits faibles vers d’autres supposés en meilleure santé. On peut se demander jusqu’à quand pourra durer ce jeu de chaises musicales de la dette. A un moment donné, il y a fort à parier qu’un des joueurs de cette douloureuse frivolité se retrouvera sans aucun siège pour poser son séant.

Cette situation est bien sûr extrêmement problématique pour l’économie mondiale mais, et cela est bien plus grave encore, elle est une mortifère atteinte au principe démocratique le plus élémentaire : le totalitarisme néolibéral (lire ici) atteint ainsi son objectif ultime et les peuples ont abandonné leur souveraineté aux humeurs des marchés. Le premier devoir de nos dirigeants est donc de récupérer le pouvoir qu’ils ont négligemment (et pour nombre d’entre eux sciemment) abandonné. Comme je l’ai déjà souligné par ailleurs (lire Les mensonges de la dette publique) la solution est pourtant simple : les ressources en épargne, du moins en Europe, sont très largement suffisantes[2] pour couvrir l’endettement public. Il ne s’agit pas d’organiser un rapt d’Etat sur l’épargne privée mais de canaliser cette épargne vers le rachat de la dette publique par ses propres citoyens. Etant donné la situation actuelle, il y a fort parier qu’un grand emprunt populaire, pédagogiquement expliqué aux citoyens, serait capable de drainer une bonne partie de l’épargne ou tout du moins suffisamment pour que les Etats ne soient plus dépendant de l’humeur des marchés. Une telle initiative pourrait même être lancée au niveau européen sous forme d’eurobligation et serait alors même un élément fédérateur à même de renforcer la solidarité des citoyens européens entre eux : imaginons bien chaque européen mettant à disposition son épargne pour sauver le vieux contient de la faillite.

Curieusement aucun de nos dirigeants et très peu d’analystes économiques n’évoquent l’exemple du Japon qui, avec plus de 200% du PIB d’endettement public n’est nullement menacé de défaut de paiement et conserve sans coup férir la meilleur note de toutes les agences de notation. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Japon ne finance sa dette que quasi exclusivement auprès de ses citoyens.

Vient alors une simple question : pourquoi personne ne met en pratique cette solution ? Il faudrait alors juste se demander à qui profite le crime …. Banques et très grandes fortunes seraient les principaux perdants de la fin du système actuel d’endettement public …

 

                                   La BCE : corollaire de la tyrannie.

Dans le registre de la négation de la démocratie, la banque centrale européenne est au sommet[3]. Elle en est même le parangon d’une construction européenne qui méprise les peuples et bafoue allégrement et cyniquement leur souveraineté[4]. A la BCE les nations souveraines ont abandonné, sans aucun contrôle démocratique, la gestion de l’un des plus anciens pouvoirs régaliens : la monnaie. Nombre sont ceux qui vilipendent l’euro en le chargeant de tous les maux. Nonobstant le fait que, comme le soulignent plusieurs économistes, construire une union monétaire sans un minimum de convergence fiscale et économique est une aberration[5], les ennemis de l’euro se trompent de cibles et aux aussi prétendent guérir le mal en ne s’attaquant qu’aux symptômes. Car la maladie profonde de la zone euro, ce n’est pas l’euro en soit mais le fait qu’il soit géré par des technocrates qui appliquent une politique inepte en toute impunité et sans avoir à en rendre de compte à personne. Comme le souligne James K. Galbraith[6], même les économistes de droite les plus obtus ont abandonné le dogme monétarisme qui consiste à considérer la monnaie comme une simple variable d’ajustement de l’inflation[7]. La réserve fédérale américaine joue allégrement de la planche à billets pour éponger la dette de l’Etat fédéral[8]. La Chine manipule sa monnaie pour favoriser ses exportations[9]. Tel Sisyphe et avec une pseudo-naïveté confondante, la BCE s’obstine dans son dogme et s’attache bel et bien à faire, comme le disait si justement Hubert Védrine, de l’Europe « l’idiot du village planétaire ». Dans un monde globalisé où tous jouent de leurs monnaies à l’avantage de leurs économies, l’Europe passe son temps à tendre l’autre joue que nos chers « partenaires » baffent aussitôt avec allégresse.

Certes une inflation non maîtrisée serait catastrophique pour l’ensemble de l’économie[10], mais la BCE pourrait parfaitement jouer des rachats des dettes souveraines pour la maîtriser tout en allégeant la pression sur celles-ci. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait très ponctuellement, mais à chaque fois lorsque la zone euro est au bord du gouffre et tandis que les spéculateurs se sont allégrement servis au préalable. Or, il y a fort à parier que si tous les spéculateurs de la planète étaient certains que la BCE répondrait massivement à toute attaque sur les dettes souveraines, ils s’y risqueraient bien moins. L’exemple américain l’illustre par ailleurs parfaitement. Nul n’avait besoin de Standard & Poors pour comprendre que le remboursement de la dette américaine serait à l’avenir de plus en plus problématique pour ne pas dire improbable. Or, ici nulle trace de spéculation sur la dette américaine, même après la dégradation de leur note par la soi-disant prestigieuse agence de notation : nul n’est assez fou pour heurter de front les centaines de milliards de dollars que la réserve fédérale ne manquerait pas d’émettre en réponse pour racheter de la dette fédérale, et ce même si à terme le dollar risque fort de devenir une monnaie de singe[11].

Pourtant, une inflation maîtrisée serait une bonne poire pour la soif dans des économies gangrénées par une crise du crédit. Mécaniquement, l’inflation diminue l’endettement (puisque la monnaie perd de sa valeur) et accroit la compétitivité par rapport à l’extérieur (la monnaie perdant de sa valeur, les produits vendus dans cette monnaie s’en retrouvent « moins cher » par rapport aux autres).

Ainsi, en s’enfermant dans son dogme monétarisme, la BCE se fait alliée objectif de la tyrannie des marchés. En fait, rien de surprenant en soi : les ennemis de la démocratie s’assemblent … Ici aussi, la question « A qui profite le crime ? » a toute sa pertinence : si l’argent perdait de la valeur qui seraient les perdants ? ceux qui en ont beaucoup [12] …

 

 

Lire la suite : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-dette-publique-nos-dirigeants-doivent-prendre-leurs-responsabilites-2-82934261.html



[1] : La qualification de « faiblesse » d’un Etat est purement subjective et dépend des humeurs et à priori des marchés et agences de notation. Il n’est ainsi pas du tout évident que les Etats-Unis (ou encore le Royaume-Uni) soit davantage en mesure à terme de rembourser leurs dettes que les « PIGS » (Portugal, Italie, Grèce, Espagne).

[2] A titre d’exemple les assurances vie en France représenteraient une épargne de 1400 Mds €, soit quasiment l’équivalent du montant de la dette publique.

[3] Le patron de l’eurogroupe n’hésite d’ailleurs même plus à la proclamer ouvertement : Pour Juncker, la Grèce devra se résoudre à perdre une grande partie de sa souveraineté, Le Monde, 3 juillet 2011. http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/07/03/pour-juncker-la-grece-devra-se-resoudre-a-perdre-une-grande-partie-de-sa-souverainete_1544220_3234.html

[4] : Les projets des technocrates européens vont d’ailleurs encore plus loin en cherchant à mettre sous tutelle les représentations des souverainetés : Willy Meyer, Europe : un coup d’Etat silencieux.  http://www.alterinfo.net/Europe-Coup-d-Etat-silencieux-a-Bruxelles_a60467.html

[5] Lire notamment :

-          Armatya Sen, L'euro fait tomber l'Europe. http://espacerda.over-blog.com/article-amartya-sen-l-euro-fait-tomber-l-europe-78464865.html ;

-          Nouriel Roubini, La zone euro prête à éclater. http://www.legaulois.info/2011/06/la-zone-euro-prete-eclater-par-nouriel.html ;

-          Jacques Sapir, Derrière la crise grecque l’explosion de la zone euro ? http://www.elcorreo.eu.org/?Derriere-la-crise-grecque-l-explosion-de-l-euro

-          Emmanuel Todd, Je serais très étonné que l’euro survive à 2011. http://blogrepublicain.hautetfort.com/archive/2011/01/17/je-serais-tres-etonne-que-l-euro-survive-a-2011-e-todd.html 

[6] James K. Galbraith, L’Etat prédateur. Ma fiche sur cet ouvrage : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-l-etat-predateur-79729723.html

[7] Lire également Mark Weisbrot, L’euro la fin d’un rêve néolibéral, The Guardian, 13 juillet 2011. http://www.presseurop.eu/fr/content/article/773711-l-euro-la-fin-dun-reve-neoliberal

[8] Martin Wolf, Pourquoi la FED a raison, Le Monde, 14/11/2010.

Christophe Barbier, L’homme qui valait 600 milliards, L’express, 12/11/2011. http://www.lexpress.fr/actualite/economie/l-homme-qui-valait-600-milliards_936072.html

[9] Emmanuel Levy et Philippe Cohen, Les Etats-Unis se cabrent contre la Chine et l’Europe se terre, Marianne, 04/10/2010, http://www.marianne2.fr/Les-Etats-Unis-se-cabrent-contre-la-Chine-l-Europe-se-terre_a198197.html

[12] Hervé Nathan, Euro: la guerre des rentiers contre les citoyens, Marianne, 17 juillet 2011. http://www.marianne2.fr/hervenathan/Euro-la-guerre-des-rentiers-contre-les-citoyens_a122.html?com&order=2

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