CRITIQUE DU PROJET HOLLANDE
CRITIQUE DU PROJET HOLLANDE
La sortie du programme du candidat socialiste aux présidentielles 2012 a finalement fait quasiment l’objet d’un non-événement. Et pour cause : il ne propose finalement aucune alternative avec le modèle socialo-libéral diligenté par le PS depuis trois décennies. Et in fine, fondamentalement, il ne diffère de celui de l’UMP qu’en un point : la clientèle électorale sur lequel il repose. Au PS : les fonctionnaires, les classes moyennes intermédiaires aisées et les chômeurs longue durée. A l’UMP : les retraités, les petits commerçants et les grands rentiers du capital. Au deux : les dogmes néolibéraux (aménagés de quelques mesures d’assistanat pour faire passer la pilule) qui détruisent notre pays depuis maintenant 30 ans.
Pourtant, après le désastreux bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy[1], le Léviathan médiatique massacrant l’économie réelle, l’individu-roi bafouant la République, l’affairisme s’insinuant jusqu’aux plus profonds des rouages de l’Etat, le retour en force des thèmes protectionnistes, la demande inassouvie d’une autre Europe et jusqu’au succès soi-disant inattendu de la « démondialisation » d’Arnaud Montebourg[2], François Hollande avait toutes les cartes en main pour se présenter comme le champion d’une réelle alternative aux dogmes libéraux. Las. Il nous propose les recettes éculées et à peine réchauffées de la social-démocratie à la sauce néolibérale. Il se présente ainsi en politicien – et non en politique – pour lequel l’élection est une fin en soi et le gouvernement de la République un simple accessit d’un pouvoir fallacieux qu’il consent d’emblée comme réduit à l’impuissance.
Mais rentrons davantage dans le détail.
La fiscalité des entreprises : le grand charabia.
François Hollande s’est depuis longtemps posé comme le champion de la réforme de la fiscalité. Que propose-t-il pour les entreprises ?
- Allègement fiscaux et aides d’Etat pour les entreprises qui investissent sur le territoire (p3)[3].
- Modulation de la fiscalité locale en fonction des investissements réalisés (p3).
- Remboursement des aides d’Etat pour les entreprises qui délocalisent (p3).
- Différentiation de l’impôt sur les sociétés : 35% pour les grandes, 30% pour les PME et 15% pour les très petites (p3)
- Augmentation des cotisations chômage pour les entreprises qui abusent des emplois précaires (p24).
Il est vrai que la situation actuelle est pour le moins paradoxale : les PME sont imposées à hauteur de 30% pendant que les grandes multinationales ne paient pas ou peu d’impôt sur les sociétés[4] alors qu’elles sont théoriquement toutes soumises au même taux d’imposition. François Hollande pense rétablir l’équilibre en créant une imposition proportionnelle à la taille de l’entreprise. C’est que le PS n’a toujours pas compris que l’inefficacité du système fiscal français provient avant tout de sa complexité[5]. « Plurimae leges pessima respublica[6] » dit l’adage romain. Car qui peut bénéficier d’un système fiscal complexe ? Pour les entreprises comme pour les particuliers, ceux qui ont les moyens de s’offrir des conseilleurs fiscaux. Donc les plus riches. Et dans ce cadre, François Hollande ne fait qu’en rajouter une louche car les multinationales sauront très bien s’adapter à ce nouveau dispositif et continueront donc à payer peu d’impôt pendant que les PME, qui n’ont pas de dispositifs de conseil fiscal ni la même capacité d’adaptation, continueront à en payer plus. On peut même déjà imaginer les effets pervers des mesures proposées par le candidat socialiste :
- Les plus grandes entreprises déménageront leur siège social (et uniquement leur siège social, donc peu d’emplois) en fonction des territoires bénéficiant le mieux des allègements fiscaux.
- Elles sectoriseront leurs activités en de multiples filiales qui, beaucoup plus petites, pourront ainsi toutes bénéficier de la fiscalité allégée. De plus, cette sectorisation accroitra encore plus leur flexibilité (et la précarité de ceux qui y travaillent …). Ainsi, en cas de chute de l’activité, lorsqu’une filiale n’est plus nécessaire au groupe il suffira de la mettre en faillite pour s’exonérer de licenciements trop couteux.
- Elles externaliseront le recrutement des emplois précaires auprès de filiales perpétuellement en déficit et donc incapables de payer les cotisations supplémentaires.
Ces trois effets pervers sont déjà plus ou moins largement répandus. Les propositions du candidat Hollande ne feront que les généraliser.
Quant à la proposition de récupérer les aides d’Etat aux entreprises qui se délocalisent, la proposition est hautement utopique : on voit mal comment on pourra aller chercher en Chine (ou ailleurs) ces remboursements une fois l’entreprise partie.
Au final, les propositions socialistes restent donc fidèles au dogme libéral de l’économie de l’offre, ne font qu’accroître l’imbroglio fiscal et ne s’intéressent nullement aux dumpings fiscal, social et environnemental. Pourtant, tant que le travailleur français serait mis en concurrence directe avec le travailleur chinois et l’ingénieur indien, notre taux de chômage demeurera dramatiquement élevé et la désindustrialisation se poursuivra. L’un des leurs – Hubert Védrine – les a malgré tout déjà averti : « Le libre-échange intégral qui met en compétition des centaines de millions de paysans asiatiques ultra-pauvres avec les anciennes classes ouvrières européennes protégées par deux siècles de lutte, c’est absurde. »[7]
Contre-propositions[8] :
Cf. paragraphe fiscalité de Propositions citoyennes pour la France
La fiscalité des particuliers : la grande déception.
L’alignement de l’imposition du capital sur celle du travail ainsi que la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu (p14), conformément aux préconisations du trio d’économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais[9], sont des grandes mesures de réforme, à même de donner espoir aux Français qui espèrent un vrai changement dans notre désastreuse fiscalité. Las : la proposition (p15) met à bas tous ces espoirs. Le candidat socialiste propose tout d’abord une bien timide tranche supplémentaire d’imposition de 45%[10]. Mais surtout, non content de ne pas supprimer les niches fiscales, il ne fait que plafonner les déductions possibles à la ridicule somme de … 10000€ ! Ce qui fait qu’un particulier gagnant 100 000 € pourra encore bénéficier des nombreux dispositifs pour se retrouver non imposable et payer moins d’impôt qu’un smicard ! La déception se poursuit à la proposition suivante (p16) qui ne propose qu’un aménagement à la marge du quotient familial (en contrepartie il est vraie d’une augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, mesure pour le coup pertinente). En outre, le candidat Hollande promet de revenir sur la réforme de l’ISF du Président Sarkozy et de redescendre l’abattement sur les successions à 100 000€ par enfant. Autant dire que dans le registre de la fiscalité du patrimoine, les réformes sont bien timides et ne vont pas vraiment simplifier l’imbroglio fiscal français. Bref, la montagne de la réforme fiscale Hollande risque bien d’accoucher d’une souris : même si l’idée y est, le courage politique manque dès le programme.
Contre-propositions :
Cf. paragraphe fiscalité (propositions 4 à 18) de Propositions citoyennes pour la France.
Les mesures floues.
Il est effectivement question de revenir sur les « cadeaux fiscaux » et sur les niches fiscales (p9). Mais aucun détail n’est donné, ce qui revient à faire une promesse dans le vent. Pourtant, pour les particuliers comme pour les entreprises, c’est la complexité de la fiscalité française qui fait son inefficacité et nécessite en conséquence une revue d’ensemble[11].
M. Hollande propose la mise en place d’une contribution climat-énergie aux frontières de l’Europe (p13). La proposition est sans doute vertueuse mais bien floue car rien n’est précisé sur ses modalités. S’agit-il d’un droit de douane ? Comment est-elle calculée ? A qui bénéficierait-elle ?
L’université est une des grandes absentes du programme. La seule proposition qui traite du sujet (p39) est un recueil de poncifs lénifiants (mise à part les légitimes simplifications de l’organisation et du financement de la recherche). Pourtant, il est de notoriété publique que l’université française enferme un nombre important de ses étudiants dans des filières sans avenir et se révèle sur bien des points, malheureusement, être une usine à chômeurs[12].
Les mesures purement clientélistes et/ou démagogiques.
Le retour à la retraite à 60 ans (p18) est la plus symbolique dans ce domaine. François Hollande ne fait là que se mettre en opposition de la mesure probablement la plus impopulaire de celui à qui il prétend succéder. Mais il commet la même erreur : il se focalise sur un élément aisément communicable sans aborder le problème dans sa globalité.
Contre-propositions :
Cf. paragraphe retraites (propositions 79 et 80) de Propositions citoyennes pour la France.
M. Hollande promet le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels (p31). La question mérite d’être posée. Cependant, elle mérite une véritable réflexion et un débat national serein car elle remet potentiellement en cause le modèle familial français. A l’heure où la France traverse sa pire crise économique depuis près d’un siècle, est-ce vraiment le moment de lancer un débat potentiellement aussi clivant et diviseur ? A mon sens, la réponse est clairement non. Mais le PS ne se pose pas cette question : il cherche simplement à s’assurer la clientèle électorale d’une catégorie qui traditionnellement voterait plutôt à gauche.
Pour satisfaire à minima ses « alliés » d’Europe-Ecologie-Les Verts, le candidat socialiste promet un passage de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité (p41). Comme Nicolas Sarkozy, il raisonne à l’indicateur chiffré, ce qui dans ce domaine n’est pas vraiment pertinent à l’heure où l’Allemagne décide (en toute discrétion) de … relancer sa production nucléaire d’électricité[13].
Nicolas Sarkozy avait fait une (bien timide) avancée pour réformer le mille-feuilles des collectivités locales en fusionnant les fonctions de conseiller général et de conseiller régional. François Hollande propose purement et simplement de revenir en arrière (p54). L’inefficacité et la gabegie de nos collectivités sautent pourtant aux yeux. Mais le candidat socialiste préfère s’assurer le soutien des petits potentats provinciaux qui vivent de leur mandat comme d’une rente (sans compter le clientélisme et le népotisme[14]). De plus, il promet d’accroître l’autonomie fiscale des collectivités, ce qui non seulement augmentera l’opacité fiscale déjà précitée, mais en plus accroîtra l’inégalité des citoyens devant l’impôt : dans la situation actuelle, un contribuable propriétaire de son logement à Clichy-sous-Bois paye près de 20% d’impôts locaux de plus qu’un contribuable propriétaire à Neuilly (sachant de plus qu’étant donné le prix de l’immobilier à Neuilly, ce dernier n’aura pas acquis son logement par le fruit de son travail mais bien plus probablement par un héritage …)[15].
Contre propositions :
Cf. paragraphe collectivités territoriales (propositions 24 à 29) de Propositions citoyennes pour la France.
Dans le même registre, François Hollande cherche à s’assurer l’appui des corporatismes syndicaux en promettant que toute loi concernant les partenaires sociaux sera d’abord élaborée en concertation avec eux (p55). Les syndicats, représentant à peine quelques pourcents des salariés, vont donc continuer à faire loi, y compris pour des questions qui ne devraient pas les concerner puisque sans rapport avec la relation travailleur-entreprise (par exemple la sécurité sociale). Avec le PS, notre démocratie sociale (finalement bien peu démocratique) continuera donc à subir le joug des corporatismes. Aucune réforme de fond dans ce domaine n’est proposée. Il y aurait pourtant tant à faire !
Contre propositions :
Cf. paragraphe démocratie sociale (propositions 73 à 78) de Propositions citoyennes pour la France.
Les mesures qui ne servent à rien.
La 1ère proposition consiste à créer une Banque publique d’investissement, sans que l’on sache vraiment de quoi il s’agit (créer une grande banque publique ?). Mais la France dispose déjà du réseau du groupe Caisses d’Epargne, qui pourrait très bien être réorienté vers le financement des PME, et surtout du Fond stratégique d’investissement (FSI) dont les attributions pourraient elles aussi être élargies pour mieux soutenir les PME.
Pour résoudre la crise des dettes souveraines européennes, François Hollande n’a rien de mieux à proposer que la création d’euro-obligations (p11). Les agences de notation ont déjà prévenue que ces obligations seraient notées au niveau d’obligations pourries. Il est fort probable que c’est ce que les marchés en feront puisqu’il s’agit de mutualiser notre dette, certes avec l’Allemagne (dont la dette publique est au même niveau que la notre, beaucoup ont tendance à l’oublier), mais aussi – et surtout – avec la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne. Au final, fidèle à ses conceptions socialo-libérales, le PS ne cherche nullement à nous extraire de la tyrannie des marchés. Pourtant, un examen à minima lucide permet vite de comprendre qu’il ne reste que deux possibilités pour sortir de la spirale du surendettement : le défaut ou la monétisation[16].
Contre-propositions[17] :
Moratoire sur les intérêts de la dette.
Grand emprunt citoyen afin de rembourser le maximum du capital restant du.
Financement des grands investissements d’avenir (recherche, éducation, grandes infrastructures, etc.) par emprunt auprès de la BCE (monétisation de la dette). A défaut d’accord de l’Allemagne, décision unilatérale via la Banque de France, selon la proposition de Jacques Sapir[18].
De même, l’établissement d’une agence de notation sociale des entreprises (p24) serait parfaitement inutile. Nonobstant son coût qui risque d’être très élevé pour exercer un contrôle effectif des entreprises, on voit mal comment un label supplémentaire permettrait à des Français de s’y retrouver parmi les multiples d’entre eux qui existent déjà (bio, commerce équitable, produit de l’année, etc.) et dont, d’ailleurs, très peu de monde sait vraiment à quoi ils correspondent.
La fixation d’un écart maximal de rémunérations de 1 à 20 entre les dirigeants et les employés d’une même entreprise (p26) relève également de la gageure. Il sera plus qu’aisé à contourner, par exemple en multipliant les avantages en nature ou en ayant recours à la sous-traitance pour les emplois les moins rémunérés (qui en seront d’autant plus précaires) afin d’appliquer le taux multiplicateur de 20 sur un salaire relativement élevé du siège. Les grands patrons souhaitent être bien rémunérés ? Qu’on les laisse faire mais qu’on les impose réellement lourdement (ce qui sera bénéfique pour les recettes de l’Etat) et qu’on permette également aux salariés d’avoir accès à la gouvernance de l’entreprise[19].
Lorsqu’il en est arrivé au chapitre « outre-mer », M. Hollande devait être peu inspiré. La seule mesure effectivement concrète consiste à créer « une cité de l’outre-mer » en Ile-de-France (p29). Pas sûr, que nos concitoyens d’outremer y voient une grande différence dans leur vie quotidienne.
Le candidat socialiste a fait de son contrat de génération (p33) une mesure phare. Mais ici encore, c’est une mesure qui bénéficiera essentiellement aux plus grandes entreprises : les PME n’auront pas forcément les moyens (voire tout simplement la possibilité physique) de mettre un senior en tutorat d’un jeune embauché. Et si elles le font, c’est qu’elles l’auraient probablement tout simplement fait sans ce dispositif …. A contrario, les grandes entreprises pourront beaucoup plus facilement trouver un senior à mettre, plus ou moins théoriquement, en tutorat d’un jeune. Et la mise en pratique de ce tutorat sera bien complexe à vérifier. En attendant, les grandes entreprises pourront continuer à alléger leurs charges au détriment des PME (cf. plus haut paragraphe fiscalité des entreprises).
Comme à quasiment chaque élection, le PS nous ressort ses emplois jeunes (p34). Pourtant, l’inefficacité de la mesure n’est plus à prouver. Mais les socialistes continuent à flatter avec flagornerie les jeunes. Pas sûr, qu’ils se laissent duper …
Si François Hollande est élu, il permettra aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise (p35). Le Droit ne supportant pas la subjectivité, faudrait-il encore définir ce qui est « manifestement contraire à l’intérêt de l’entreprise ». Par nature, l’intérêt de l’entreprise étant le profit, elle arrivera toujours à prouver qu’un licenciement abaisse sa masse salariale et donc augmente son profit. On a de toute façon du mal à imaginer une entreprise qui agirait à l’encontre de son intérêt …
L’inscription de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution (p46) relève d’une grande interrogation. A quoi bon, puisque l’Article 1er précise déjà que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ?
François Hollande propose la création d’une Organisation mondiale de l’environnement (p57). La « gouvernance mondiale » foisonne pourtant déjà d’institutions plus ou moins proche de ce thème (notamment adossées à l’ONU). Leur efficacité est toute relative. Ça n’en fera qu’une de plus ….
Régulation de la finance : de la poudre aux yeux.
« Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives » (p7). L’intitulé de la proposition est important : il ne s’agit ici nullement de mettre en place un Glass Steagal Act[20] qui interdirait aux banques de dépôts de spéculer sur les marchés financiers et inversement aux banques d’affaires de drainer l’épargne pour la jouer sur ces marchés. François Hollande veut simplement imposer une comptabilité séparée. Mais si la branche investissements de la Société Générale venait à être en graves difficultés suite aux roulettes russes d’un nouveau Kerviel sur les marchés financiers, ne serait-ce pas l’ensemble de la banque, activités de dépôt incluses, qui serait mise en faillite ? Bien sûr que si. Cette proposition n’est que poudre aux yeux des Français.
La création d’une agence publique européenne de notation (p7) relève de la même hypocrisie. On reproche aux agences de notation privées américaines d’avoir un parti pris, notamment du fait que les grandes banques américaines en sont les principaux actionnaires. Mais exactement le même reproche pourra être fait à une agence publique chargée d’évaluer les Etats, à savoir leurs patrons …
Dans la même proposition (p7), François Hollande affirme qu’il supprimera les produits financiers toxiques. Certes. Mais lesquels ? Quelle est sa définition d’un « produit financier toxique » ? En interdisant un vague produit dérivé, le candidat socialiste pourra clamer qu’il a tenu sa promesse, sans pour autant n’avoir rien résolu. Car l’existence des produits dérivés « toxiques » n’est pas un problème en soi. Après tout, si des traders bourrés de testostérone veulent se prendre pour les maîtres du monde en jouant au casino financier, c’est leur problème. Ce qui est réellement problématique, c’est que l’irresponsabilité de ces derniers puisse impacter l’économie réelle[21]. Et c’est pour cela qu’il faut établir un Glass-Steagall Act à la française.
François Hollande propose également de créer une imposition supplémentaire pour les banques de 15% (p7). On retombe ici dans les mêmes travers que ce qui a été constaté sur la fiscalité des entreprises (cf. ci-dessus) : les grandes banques trouveront des artifices pour contourner cette imposition pendant que les plus petites, et notamment les banques de proximité au service des citoyens, seront les plus affectées.
Contre-propositions[22] :
Séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement (Glass Steagal Act).
Nationalisation de la Bourse.
Interdiction des ventes d’actifs financiers de gré à gré.
Enfin, quelques points intéressants.
La couverture intégrale de la France en très haut débit (p4) est effectivement une mesure pertinente à plusieurs titres : elle égaliserait l’accès à internet ; elle serait un atout pour les entreprises qui ont de plus en plus besoin d’un accès performant à internet ; sa mise en application serait hautement créatrice d’emplois[23].
L’encadrement des frais bancaire et des crédits à la consommation (p8) paraissent effectivement être des mesures de bon sens[24].
Le coup d’arrêt à la RGPP (révision générale des politiques publiques) (p10) relève lui-aussi du bon sens tant cette politique, emprise des dogmes managériaux néolibéraux, s’est avérée destructrice pour la qualité du service public et l’économie sans pour autant apporter de significatif rééquilibrage des comptes publics[25][26].
Le retour à un véritable service public de la santé (p19 et p20), qui en finit avec la logique entrepreneuriale privée, s’inscrit à un véritable retour de la notion de service public pour les Français, notamment les plus démunis[27].
De même, le retour à l’enseignement des fondamentaux à l’école, l’accueil en maternelle dès l’âge de trois ans, la revalorisation des filières professionnelles (p37) et la revue des rythmes scolaires (p38) sont des mesures plus que souhaitables au rétablissement d’une véritable école républicaine. On regrettera toutefois le manque d’ambition sur le sujet[28].
François Hollande propose (enfin !) le non-cumul des mandats (p48)[29]. Mais on serait en droit d’attendre qu’il commence par se l’appliquer à lui-même[30].
Le parti socialiste semble enfin se décomplexer dans son rapport aux questions de sécurité. Ainsi, outre le rétablissement de la police de proximité, il propose d’augmenter le nombre de centre éducatifs fermés pour jeunes délinquants et d’augmenter le nombre de gendarmes et policiers (p52). Un minimum après le massacre effectué ses cinq dernières années.
Conclusion : un candidat pas un Président.
Le projet Hollande pris dans sa globalité révèle son approche électoraliste. L’objectif est bel et bien l’élection qui est une fin en soi. On y décèle aucune vision d’avenir, aucune conception de la France, et surtout aucune rupture véritable avec l’idéologie européiste-libérale de l’UMP. En tout état de cause, le projet Hollande n’est ni un projet républicain, ni un projet pour la France. Il est un projet pour gagner une élection. Et ça s’arrête là. Une nouvelle promesse d’immobilisme qu’aucun véritable républicain ne saurait cautionner en lui donnant son vote.
[2] Lire La Démondialisation.
[3] Par soucis de clarté, les propositions du candidat du PS seront abrégées en p + n° de la proposition. p3 correspond à la proposition n°3.
[4] Lire Pourquoi total ne paie pas d’impôts, 20 minutes, 6 avril 2011 : http://www.20minutes.fr/economie/701863-economie-pourquoi-total-paie-impot-societes-et JC Slovar, Heureux comme une entreprise du CAC40 qui ne paie pas d’impôts, Marianne, 20 décembre 2010 : http://www.marianne2.fr/SlovarMarianne/Heureux-comme-une-entreprise-du-CAC40-qui-ne-paye-pas-d-impot-sur-les-societes_a141.html
[6] Plus il a de lois, pire est l’Etat.
[7] Hubert Védrine, débat avec Etienne Balibar, Philosophie magazine n°42, septembre 2010, cité Arnaud Montebourg, Votez pour la démondialisation, page 38.
[8] Pour un programme complet, lire Propositions citoyennes pour la France. Propositions 6,10, 12, 14, 63.
[9] Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais, Pour une révolution fiscale. Lire ma fiche sur cet ouvrage : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-pour-une-revolution-fiscale-75061097.html.
[10] Cela ne fait nous ramener qu’au taux du début des années 90. Depuis 1983, la tranche supérieure d’impôt sur le revenu n’a fait que diminuer. Pour mémoire, de la 2e guerre mondiale jusqu’aux années 70, cette tranche oscillait entre 50 et 60% (et … couplé à la loi de 1973 sur l’interdiction d’emprunter à la banque de France, c’est depuis cette époque que notre dette explose …). De même, après la 2nde guerre mondiale, les Etats-Unis n’ont pas hésité à porter leur tranche supérieure d’imposition à 90% (!!!). Enfin et contrairement à une idée reçue, le taux d’imposition sur le revenu en France (IR et CSG) est inférieur à celui de la plupart des pays européens (9% en France contre entre 10 et 12% pour les autres pays européens).
[12] Voir Propositions citoyennes pour la France 58 à 61.
[13] Lire Frédéric de Monicault, L’Allemagne réactive ses centrales nucléaires, Le Figaro, 08/02/2012.
[14] La lecture du livre de Zoé Shepard, Absolument débordée, est révélatrice de ces dérives. Lire ma fiche sur cet ouvrage : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-absolument-de-bor-dee-ou-le-paradoxe-du-fonctionnaire-91354243.html
[15] Source : http://www.capital.fr/finances-perso/dossiers/l-explosion-des-impots-locaux-en-france-ville-par-ville/%28s%29/1/%28o%29/d/%28offset%29/400
[18] Lire Jacques Sapir, Réquisitionnons les banques centrales, Le Monde, 01/12/2011. http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/01/requisitionnons-les-banques-centrales_1611913_3232.html.
[19] Propositions citoyennes pour la France 77 et 78.
[20] Après que les excès de la finance américaine aient été en grande partie responsables de la crise de 1929 (déjà …), le sénateur Sénateur Carter Glass et le député Henry Steagall ont fait voter en 1933 une loi instaurant (entre autres) l’incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement. Cette loi a été abrogée par Bill Clinton en 1999.
[21] Pendant toute la durée du Glass Steagal Act (de 1933 à 1999), tous les krachs de Wall Street (notamment ceux de 1983 et 1987) n’ont eu que des impacts très limités sur l’économie réelle.
[22] Propositions citoyennes pour la France 133, 134,135.
[24] Propositions citoyennes pour la France 136 et 137.
[25] Du fait des exemptions d’impôts et du coût de l’encadrement pour la recherche d’emploi, un chômeur « coûte » quasiment aussi cher qu’un fonctionnaire. En période de fort chômage, supprimer des emplois publics permet effectivement de diminuer la charge salariale de l’Etat, mais, presque symétriquement, diminue les recettes fiscales et augmente le déficit de la caisse d’allocation chômage. Ce raisonnement ne remet nullement en cause la nécessité de réformer la fonction publique et d’alléger la masse salariale de l’Etat en France. Mais il tient simplement à souligner qu’une période de crise économique n’est pas appropriée à ce type de réforme.
[27] Voir Propositions citoyennes pour la France 119, 120 et 121.
[29] Pour plus de propositions sur la réforme des institutions voir Propositions citoyennes pour la France 19 à 36.
[30] Tout en étant candidat du PS aux présidentielles, François Hollande continue d’être député de Corrèze et président du Conseil général de ce département.