APRES LE POLITBURO DE LA COMMISSION, LE COMITE CENTRAL DE LA BCE
APRES LE POLITBURO DE LA COMMISSION, LE COMITE CENTRAL DE LA BCE
Le 9 juillet 2012, la commission européenne à travers Olli Rehn, son commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, prenait les colonnes du Monde pour défendre le bilan du dernier sommet européen de la « dernière chance » (en attendant le suivant). Je m’étais déjà exprimé sur cette tribune. Le 21 juillet, le directeur de la BCE, Mario Draghi, toujours dans les colonnes du Monde, a pris son relais. Et on retrouve les mêmes incantations quasi-mystiques, la même foi aveugle dans les dogmes néolibéraux et ses « réformes structurelles » et le même mépris des peuples.
Comme depuis le début de la crise, il y a maintenant 4 ans, M. Draghi ne voit pas de récession à l’horizon en envisage « toujours une amélioration progressive ». Et depuis 4 ans, rien ne s’est amélioré. L’année 2013 risque même de s’annoncer sur le signe de la récession et comme le note Laurent Pinsolle, la zone euro est la seule au monde dans cette situation. On peut d’ors et déjà parier sur l’analyse qu’en fera dans quelques mois le patron de la BCE : les Etats ne sont pas allé assez loin dans les « réformes structurelles ». Les néolibéraux sont dans le même schéma que les communistes : si le dogme ne marche pas, c’est qu’on n’est pas allé assez loin dans son application. Leur maître à penser Milton Friedman n’avait-il pas déclaré : « Non seulement il n’est pas nécessaire que les hypothèses de base soient réalistes, mais il est avantageux qu’elles ne le soient pas.».
Après un énième sommet de la dernière chance, Mario Draghi s’enthousiasme : « pour la première fois, un message clair a été donné : sortir de la crise avec plus d’Europe ». C’est à peu près, ce que l’on a entendu après chaque sommet, qu’à peu près tout le monde a arrêté de compter depuis 4 ans. Et quel est le message clair ?
- Un plan pour la croissance de 120 Md€ (sur 3 ans !) pour lequel on s’aperçoit, en lisant entre les lignes, que plus de la moitié avait déjà été programmée antérieurement ? Et même en éliminant ce point peut-on sérieusement croire qu’un plan de 0,3% du PIB de la zone euro activera la relance économique ?
- Des banques mieux supervisées ? Cela fait aussi 4 ans qu’on nous l’annonce …. Et n’oublions pas que la régulation des banques a été confiée au comité Bâle 3, composée essentiellement de … banquiers !
- Une meilleure convergence fiscale entre les Etats membres ? Encore une incantation sans aucune mesure concrète d’annoncée.
Ce qui par contre est prévu, et annoncé avec précision dans les conclusions du sommet, comme le remarque très justement Marc Laimé, c’est une nouvelle étape dans le démantèlement de nos services publics. Et peu importe si les expériences déjà menée, en particulier dans la privatisation du secteur de l’eau, ont montré leur inefficacité.
A de multiples reprises dans son interview, le président de la BCE clame son attachement à la stabilité des prix, n’hésitant pas à affirmer que celle-ci passe bien avant la stabilité des Etats puisque son « mandat n’est pas de résoudre les problèmes financiers des Etats mais d’assurer la stabilité des prix ». Pourtant, si la BCE agissait comme à peu près toutes les autres banques centrales de la planète – à commencer par la FED et la Bank of England, portant réputés si libérales – elle monétiserait au moins une partie de la dette publique pour permettre aux Etats de desserrer l’étreinte sur leur endettement. Mais l’inflation est nuisible pour les rentiers alors que la monétisation permettrait d’alléger la pression sur les contribuables. Comme je l’ai déjà dit à de multiples reprises, l’Europe de M. Draghi est une Europe des rentiers contre les citoyens[1].
La réponse du patron de la BCE à la question du journaliste sur sa légitimé démocratique est pour le moins intéressante. Tout ce qu’il trouve à lui répondre est que « nous (la BCE) sommes très actifs en termes de communication ». La légitimité démocratique selon les eurocrates est donc une simple affaire de communication. Les défenseurs de la démocratie et autres lecteurs de Platon pourront donc constater que les sophistes sont de retour. Peu importe la vérité en somme, pourvu que l’on communique bien. Un art dans lequel d’ailleurs notre précédent président de la République avait excellé[2]. Comme dans la l’Athènes antique, la démocratie plie sous les coups des mystificateurs assoiffés du pouvoir pour le pouvoir. M. Draghi serait-il donc le Calliclès du Gorgias ?
Et exactement comme son homologue de la Commission, il conclut sur la même incantation divinatoire : « l’euro est irréversible »[3]. Pourtant, Jonathan Tepper a très bien su expliquer comment on pouvait sortir d’une monnaie unique (lire l’article de Laurent Pinsolle sur le sujet).
« L’euro est irréversible » est le nouvel « Amen », ou « Ainsi soit-il », ou « Inch’Allah » de la religion européo-néolibérale. Combien de temps laisserons-nous encore ces grands prêtres obscurantistes bafouer la République et ses citoyens au nom de leur pseudo-religion ?
Friedrich Hayek, le prophète du néolibéralisme, avait affirmé : « Parfois il est nécessaire pour un pays d’avoir, pour un temps, une forme ou une autre de pouvoir dictatorial […] Personnellement je préfère un dictateur libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme ». M. Draghi (au passage ancien de Goldman Sachs Europe, et soupçonné à ce titre d’avoir aidé la Grèce à maquiller ses comptes[4]) serait-il son messie ?
PS : au moment où j’édite cet article et que M. Draghi affirmait il y a 2 jours que la situation s’améliorait, Le Monde titre ceci : La Grèce, L’Espagne et l’Italie affolent les dirigeants européens. Le prochain « sommet de la dernière chance » se précise ….
Origine de l’image : http://www.lemonde.fr/economie/
[1]Sur le sujet, lire cet excellent article d’Hervé Nathan : http://www.marianne2.fr/hervenathan/Euro-la-guerre-des-rentiers-contre-les-citoyens_a122.html
[2]Lire, entre autres, Réponse au tract bilan de Nicolas Sarkozy.
[3]Sur cette incantation, lire la conclusion de mon article sur la tribune de Olli Rehn.
[4]Marc Roche, le correspondant du Monde à Londres, avait publié un article sur le sujet : La Grèce, dossier noir de l'ancien VRP du hors-bilan chez Goldman Sachs et j’y faisais référence sur l’une de mes revues hebdomadaires de presse et de blog. « Étonnamment », cet article a disparu du site internet du quotidien, connu pour ses prises de position très européiste. On le retrouve, malheureusement, sur des sites d’extrême-droite plus que douteux. En censurant ainsi les critiques des oligarques eurocrates, Le Monde fait le jeu des extrêmes.