ECU, Union bancaire, loi El Khomri, SFR : les mensonges d’Emmanuel Macron
Ce débat du second tour eu le mérite de montrer toute la vacuité de la candidature d’une Marine Le Pen ne maîtrisant ni son programme ni ses dossiers et tombant aisément dans l’invective. Cela, même à l’intérieur de son propre camp, peu le contestent : Marine Le Pen n’a tout simplement pas la carrure d’un Président de la République (mais cela dit, le président sortant et son prédécesseur non plus !).
Il n’empêche que le traitement médiatique et les analyses qu’en firent la « grande » presse furent proprement scandaleux et odieux car exclusivement concentrées sur les failles de Mme Le Pen tout en étant d’une flagornerie sans limite envers M. Macron. En effet, celui-ci aussi montra, ce mercredi soir, toute sa vacuité et sa cuistrerie. Ses allures de technocrate assuré et condescendant n’avaient pour objet que de masquer son projet de fond : l’ubérisation et la précarisation généralisées pour le plus grand bonheur des puissances d’argent qui le soutiennent.
Alors que depuis des mois,ils passent des heures d’antennes et consomment des colonnes et des colonnes d’articles à commenter sans fin les variations d’un demi-point dans les sondages, les petites saillies d’un tel, les postures d’un autres, etc. il est tout de même pour le moins ironique d’entendre et de lire des médias regretter le manque de fond du débat présidentiel : ce sont eux qui, à quelques très rares exceptions près, ont fait de cette campagne présidentielle une écume politique d’une rare superficialité.
Mais il ne faudrait surtout pas s’arrêter là. Car s’ils furent nombreux à dénoncer les erreurs et approximations de Mme Le Pen, bien souvent avec une mauvaise foi digne des plus grandes heures de la Pravda (n’est pas Le Monde[i]), les mensonges éhontés de M. Macron ont quasi-systématiquement été passés sous silence. On relèvera en particulier :
- Les dénégations de M. Macron sur l’ECU, qui fut bel et bien, comme l’affirmait Mme Le Pen, une devise utilisée dans les échanges internationaux et donc une monnaie commune européenne (un simple coup d’œil sur la fiche Wikipédia le confirme). En tant qu’énarque et ancien inspecteur des finances, M. Macron ne pouvait l’ignorer. En affirmant que l’ECU ne fut pas une devise internationale, il a menti.
- La transposition dans le droit français de la directive 2014/59/UE permet effectivement aux banques en difficultés de se servir dans notre épargne (lien vers le texte de l’ordonnance ici). Nous fûmes plusieurs à le dénoncer (lire en particulier ici et là). Cette transposition en droit français fût réalisée discrètement pendant l’été 2015. A cette époque, M. Macron était ministre de l’économie et ne pouvait donc ignorer une telle disposition. Il a sciemment menti aux Français.
- L’article 6 de la loi El Khomri précise que « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Comme l’analyse très bien Malika Sorel, cet article de loi autorise dorénavant le communautarisme et le prosélytisme en entreprise. Ici aussi, Emmanuel Macron a menti.
- Depuis un décret (en 2005) de Dominique de Villepin, les investissements stratégiques étrangers sont soumis à autorisation de l’Etat. Cela concerne, bien évidemment, le secteur des télécommunications et donc la vente de SFR. Or, alors qu’Arnaud Montebourg faisait trainer cette vente notamment du fait des doutes qui planent sur la solvabilité de Patrick Drahi et sur le recours de ce dernier aux paradis fiscaux, c’est bien Emmanuel Macron qui, peu après son arrivée au ministère de l’économie, a donné son feu vert au rachat de SFR par Altice, le groupe de Patrick Drahi. Là encore, il a menti. On notera en outre que depuis, Bernard Mourad, l’un des cadres dirigeants d’Altice et ami proche de M. Drahi, a rejoint l’équipe de campagne de M. Macron. BFM TV, L’Express ou encore Libération sont tous des organes de presse appartenant, directement ou indirectement, à M. Drahi.
Or, le silence de la plupart des médias sur ces mensonges en dit malheureusement long sur le fonctionnement d’une caste de journalistes, désormais aux ordres de leurs actionnaires, réalisant ainsi, pour reprendre les mots d’Aude Lancelin, un véritable putsch du CAC40.
Nous sommes bien « en marche ». Mais « en marche » vers quoi ? (lire la réponse ici).
[i] Lire en particulier Dix-neuf intox de Marine Le Pen dans son débat avec Emmanuel Macron, Le Monde, 03/05/2017. A venir dans les prochains une contre-analyse de cet article tout simplement scandaleux.