JOURNALISME DE MARCHE (Les nouveaux chiens de garde 4/5)
Retrouver la présentation générale : cliquer ici.
La plus grande partie de l’oligarchie médiatique n’est aucunement soumise à devoir subir les conséquences, notamment en termes de carrière, de leurs erreurs et de leurs fautes. Thierry Ardisson, Jacques Attali et Alain Minc ont ainsi tous trois été convaincus de plagiat sans que cela ne porte nullement à conséquence sur leurs apparitions médiatiques ni sur leurs capacité à faire publier quoi que ce soit (page 74, page 119). Il n’y a d’ailleurs pas systématiquement une volonté de manipuler, mais en fait, bien souvent, tout simplement de l’incompétence crasse (page 74). Tout cela permet un traitement complètement indigent de l’information (page 75), ce qu’admet sans complexe Marcel Trillat (alors président de la société des journalistes de France 2) : « Notre public devra se contenter, le plus souvent, de pensée prêt-à-porter, d’ « images dramatiques », de la langue de bois des têtes d’affiche de la politique et de l’économie. De vedettes du show-biz ou du cinéma venues assurer la promotion de leur dernier chef-d’œuvre en direct à 20 heures … sans parler du record du plus gros chou-fleur de Carpentras ou des vaches envoutées dans une étable des Hautes-Pyrénées. Au nom de la concurrence, chacun cours pour copier l’autre » (page 76). Pas de conspiration derrière tout cela : « l’audimat est niché dans la tête des responsables de rédaction » et cela suffit amplement à obtenir la désespérante médiocrité de nos médias.
Les médias ont ainsi inversé le sens de leur rôle, car si « la mission du journaliste consiste à rendre intéressant ce qui est important, pas important ce qui est intéressant » (page 76), force est de constater qu’aujourd’hui c’est plutôt l’inverse qui se produit, notamment lorsque Libération (11 août 1999) consacre 38 de ses 40 pages (!) à l’évènement solaire du jour ou encore lorsque, de l’aveu même d’Edwy Plenel, 82 salariés du Monde se consacrent à la « réflexion » autour du phénomène Loft Story contre 15 pour un prochain comité de rédaction consacré au Proche-Orient (page 77).
On peut relever une profonde contradiction dans la pensée libérale qui ne cesse de clamer l’importance de la politique de l’offre, mais dès lors qu’il s’agit de médias et de culture, il devient nécessaire de ne tout expliquer que par la demande (page 78). Quoiqu’il en soit, on peut de toute façon remarquer que la pensée libérale tend à n’être qu’un espèce de charabia mystico-religieux, par exemple lorsque Jean-Marc Sylvestre clame que « Le libéralisme n’est pas une construction intellectuelle comme le marxisme : le monde a été crée ainsi. » (page 83).
Il est également une ritournelle que l’on trouve régulièrement dans les médias de la pensée unique néolibérale (Franz-Olivier Giesbert en tête) : celle qui consiste à se clamer fier d’aller à l’encontre de la « bien-pensance » sociale. Mais où est la bien-pensance lorsque personne dans les grands médias ne développe de thèses radicalement opposées au néolibéralisme défendus par FOG et ses compères (page 88) ? En fait, il semblerait bien que la bien-pensance ainsi vilipendée soit tout simplement ce que pense la majorité des Français et qui rebute l’oligarchie, celle-ci leur reprochant ainsi de … mal penser, en particulier lorsqu’il s’agit de référendum sur l’Europe. C’est ce qui permet à Jean-Louis Gombeaud de clamer « Fallait-il vraiment demander aux Français de donner leur point de vue sur l’économie de marché ? (…) A quand un référendum sur le bien-fondé de la gravitation universelle ? » (page 90). Au final, cela se traduit par un extraordinaire mépris du peuple qu’illustre fort bien Nicolas Baverez : « Autant il est apprécié pour aller dans le Luberon, autant, pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance, des faits malheureusement prouvés par les études » (page 91). Mais ce n’est pas parce que la pauvreté serait source de délinquance et de violence qu’il faudrait abandonner toute lutte pour rogner les salaires, comme l’exprimait dès 1996 Guillaume Durand (démontrant ainsi toute sa neutralité de journaliste) : « Il est difficile de céder sur les salaires : les marchés financiers guettent la moindre faiblesse française. » (page 91). Bien évidemment, il ne saurait être question d’appliquer la même logique de marché de compression des salaires lorsqu’il s’agit de leurs propres revenus (pages 91-92). Une exception pour eux, mais certainement pas une exception française à en croire Alain Minc : « Dans ce monde en apparence unifie par les modes de vie et les marchés financiers, il demeure une spécificité française : le goût du spasme » (page 104). Spasme pour qui, pour quoi ? ....
Les autres billets sur cet ouvrage :