« DIVORCE GAY FRIENDLY », COMMUNAUTARISME ET DICTATURE DES MINORITES.
« DIVORCE GAY FRIENDLY », COMMUNAUTARISME ET DICTATURE DES MINORITES.
Tapez « divorce gay friendly » sur n’importe quel moteur de recherche et regardez le résultat. Edifiant, n’est-ce-pas ? Dans notre société marchande où il n’est pas une occasion qui ne puisse permettre de se faire de l’argent, les « lois du marché » ont vite saisie l’aubaine de la légalisation du mariage gay[i].
Maintenant, posez-vous la question suivante : qu’adviendrait-il si un cabinet d’avocat affichait ostensiblement sa volonté de se spécialiser dans le divorce « hétéro friendly » ? Il déclencherait immédiatement à n’en pas douter les cris d’orfraies de la pensée unique médiatique qui ne manquerait d’y voir la résurgence du monstre de l’homophobie et de l’inégalité. Mais de quelle inégalité parle-t-on, puisqu’il y a une communauté qui, au nom de sa minorité, se voit attribuer des droits (au moins dans l’expression et dans la spécialisation marchande) supérieurs à la majorité ?
Cela me remet à l’esprit une image qui a déjà pourtant près de 15 ans. Nous sommes le soir du 12 juillet 1998, l’équipe de France de football vient de remporter la coupe du monde. Dans la liesse générale, on peut entendre Lilian Thuram s’exprimer à peu près de cette manière : « éh, les blacks, venez-tous, on fait une photo ». Cela n’a choqué personne, ou presque. Mais, ici aussi, que serait-il advenu si l’on avait entendu un Laurent Blanc ou autres Franck Leboeuf claironner « éh, les blancs, venez-tous on fait une photo » ? Toute une meute de bien-pensants aurait hurlé au racisme et n’aurait pas manqué de rappeler que l’équipe de France de football, à l’image de la nation française, se devait de représenter un ensemble soudé qui faisait fit de toutes formes de distinctions, à commencer par la couleur de peau. Deux poids, deux mesures.
Dans le cirque libéral-libertaire de la postmodernité, « Tous les animaux sont égaux entre eux, mais certains plus que d’autres »[ii]. Alors que l’on a longtemps craint que la démocratie puisse aboutir à une dictature de la majorité, son ersatz postmoderne a réussi l’exploit d’accoucher de son double opposé : une dictature des minorités. Alors, bien sûr, la pensée unique vous expliquera qu’au nom de toutes les oppressions passées, il est bien « normal » que, en compensation, ces minorités puissent bénéficier d’un peu plus de droits que les autres, comme si le statut de victime (et par miroir celui d’oppresseur) était héréditaire, formant, à l’inverse, une société de caste moyenâgeuse. Mais n’est-ce pas là justement toujours les ramener à leur infériorité arbitraire antérieure par un autre arbitraire ? N’est-ce pas là le meilleur moyen pour exciter les extrémismes qui y verront, à raison, une grande forme d’injustice et qui voudront, à grand tort, en faire porter la responsabilité aux individus issus de ces minorités qui, dans leur immense majorité, ne demandent qu’à être des citoyens comme les autres ? A terme, ces flatteries obséquieuses de tous les communautarismes, ces petites tolérances et concessions à l’égard de racismes qui se cache sous le masque de l’anti-racisme, n’aboutissent qu’à un résultat unique : la destruction de tous sens du vivre-ensemble et donc la destruction du vivre-ensemble lui-même, se traduisant alors, puisque nous ne pouvons plus, ensembles, élaborer de règles justes, par la destruction de toutes normes sociales. Tout à chacun peut se trouver une minorité d’appartenance pouvant, dans la logique actuelle, prétendre à des droits supérieurs au nom d’oppressions passées : les habitants du Sud-Ouest au nom des terribles génocides des croisades anti-Cathares, les Bretons parce que, dans une volonté jacobine de « détruire leur culture », l’on tapait sur les doigts de leurs arrière-grands-parents lorsqu’à l’école ils parlaient breton, les Alsaciens abandonnés pendant un demi-siècle à la colonisation allemande, les chauves pour toutes les moqueries du passé, les petits pour la même raison, les grands pour leur mal de dos et tous le mobilier qui n’est pas adapté à leur taille, les binoclars, les roux, les François Pignon, les gauchers, les ambidextres, les blondes, les Parigots parce que les Provinciaux ne les aiment pas, les Provinciaux parce que les Parisiens les méprisent, les vieux, les jeunes, etc. Et à l’intérieur de chacune des minorités on pourra trouver d’autres minorités qui pourront clamer de nouveaux droits jusqu’à la destruction de toutes normes et de toutes règles pour que ne reste qu’une chose : l’individu-roi « libre » de s’adonner à toutes ses pulsions mais enfermé par ces mêmes pulsions dans une terrible solitude narcissique, prison totalitaire qui ne dit pas son nom. Or, sans normes, sans règles, ne s’impose qu’une loi : celle du plus fort et du plus riche.
Au demeurant, cette (fausse) tolérance vis-à-vis des communautarismes, ersatz néo maurassien, relève exactement de la même approche que celle qui a conduit à faire de la finance l’alpha et l’oméga de notre fonctionnement économique. Au nom de la liberté des individus et des minorités, on dérégule, on déréglemente et on laisse le « laisser-faire » s’imposer partout. Et ce « laisser-faire » à un autre nom : la loi de la jungle. Le libertaire est profondément, viscéralement, quoique parfois à son insu, l’ami du néolibéral-libertarien, et finalement l’ennemi de toute société humaine, un antihumanisme sous le masque d’une liberté d’adolescent prépubère.
[i] On remarquera au passage l’usage récurrent de termes anglais, autre manière de dénier toute forme d’identité collective dépassant les communautarismes par le biais du massacre régulier de la langue en tant qu’expression de cette identité collective.
[ii] Georges Orwell, La Ferme des animaux.