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L'Oeil de Brutus

QUELQUES EXEMPLES DE SONDAGES ABERRANTS (MANUEL ANTI-SONDAGES)

12 Novembre 2012 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Lectures

images-copie-3MANUEL ANTI-SONDAGES, la démocratie n’est pas à vendre !

Alain Garrigou et Richard Brousse

La ville brûle, 2011.

 

Cet article reprend mes notes de lectures de cet ouvrage. Il ne dispense en rien de s'y plonger !

 

 

 

Les primaires socialistes ont été l’objet de multiples sondages. Pourtant, de par la nature même de ces primaires, on voit mal comment un sondage pouvait être construit puisque le corps électoral n’était pas connu : qui allaient voter ? Les militants socialistes ? Les sympathisants socialistes ? Les sympathisants de gauche ? Les sympathisants de droite qui voulaient faire gagner le présumé plus mauvais candidat face à leur propre futur candidat ? On pouvait donc légitiment se demander comment les sondeurs pouvaient créer leur fameux « échantillon représentatif » puisqu’ils ne connaissaient même par la population qu’il était censé représenté. Et quant à faire appliquer leur fameuse méthode de redressement à tout cela … (page 59).

Quand on regarde entre les lignes on s’aperçoit ainsi qu’un sondage Opinionway-Le Figaro-LCI-Fiducial du 15 avril 2011 annonçait Dominique Strauss-Kahn vainqueur des primaires socialistes si elles s’étaient déroulées deux jours plus tard, sur la base de … 171 personnes interrogées, c’est-à-dire que 79 d’entre elles se prononçaient pour DSK, 41 pour Mme Aubry et 31 pour M. Hollande. Cela a-t-il vraiment en sens (page 74-75) ?

 

Les interventions télévisées de Nicolas Sarkozy faisaient l’objet de multiples sondages. Ainsi, à la suite de l’intervention du 25 janvier 2010, l’AFP annonce-t-elle que « une large majorité des Français avait trouvé le Président convaincant ». Mais quand on  regarde en détail le sondage, il s’agit de 69% de « ceux qui ont vu la totalité de son intervention » qui a été suivie par 8,6 millions de téléspectateurs (qui ne l’ont pas tous regardé en entier), tout en sachant que les Français qui n’apprécient pas M. Sarkozy l’ont probablement moins regardé que ceux qui l’apprécient …

A la suite de la même intervention télévisée, Le Parisien se montrait un tantinet plus précis en titrant que « Sarkozy a convaincu ceux qui l’ont regardé », soit 57% des 8,6 millions de téléspectateurs. Mais quand on regarde en détail, le sondage a été réalisé à partir d’un échantillon de 805 personnes, dont seulement 540 ont été interrogées. De ces 540, il convient d’ôter toutes celles qui n’avaient pas regardé le président à la télévision (ce que le sondage du Parisien ne communique pas …), soit probablement (vu l’audience de 8,3 millions sur environ 50 millions de Français majeurs) au moins les 2/3, ce qui ne laissent qu’environ 200 personnes à avoir répondu au sondage, parmi lesquelles environ 110 personnes ont donc apprécié le discours présidentielle. Le sondage prétend donc extrapoler ces 110 à plus de 25 millions de Français (tout en sachant là aussi que ceux qui n’apprécient pas le président ont moins de chance de l’avoir regardé à la télévision …) … (pages 72-73).

 

Le sondage LH2-SPQR-France Bleue du 3 décembre 2009 prétend établir la notoriété des présidents de régions et les enjeux des élections régionales à venir. Pour ce faire, il s’appuie sur un échantillon global de 5100 personnes « représentatives » de la population française, qu’il faut ensuite répartir selon leurs régions d’appartenance. Ce qui fait que la « notoriété » du président de la région Champagnes-Ardennes et les « enjeux » des élections de cette région sont établie sur la base de … 106 personnes interrogées (ou encore 113 pour la Franche-Comté) (page 74) !

 

Les démêlés de Mme Alliot-Marie avec le clan Ben Ali en amont de la révolution tunisienne avaient entraîné une multiplication des sondages sur son maintien, ou pas, à la tête du ministère des affaires étrangères. Le 9 février 2011, un sondage BVA-LCI annonçait que 52% des sondés souhaitaient sa démission, mais le lendemain TNS Sofres-Canal plus prétendait que 64% des « Français » jugeaient que son attitude n’exigeait pas sa démission,  alors que le surlendemain Harris interactive – Le Parisien proclamait que 54% des sondés voulaient son départ (page 78).

 

Les sondeurs n’en sont pas à une manipulation près. Le 8 janvier 2010, Le Journal du Dimanche fait paraître un sondage IFOP sur la réforme des retraites dans lequel l’institut de sondage utilise des échantillons de sondés âgés … de plus de 65 ans (!) qui n’en ont forcément pas la même perception. Faut-il voir un lien avec le fait que la présidente du MEDEF soit aussi dirigeante de l’IFOP (page 112) ?

 

Les sondeurs, mués en analystes, n’hésitent de plus pas à manipuler outrageusement leurs résultats. Ainsi, à l’issu d’un sondage TNS Sofres-Le Monde du 22 septembre 2010, la fiche d’analyse du sondage  affirme que « seulement » 54 % des Français sont favorables à la suppression du bouclier fiscal pendant que 37 %  sont favorables à son maintien, et de conclure « l’idée selon laquelle pas plus de 50% des revenus ne doit aller au fisc semble admise » (!). Selon notre sondeur, 37% de résultat suffit donc à considérer une idée comme « admise » (page 113) !

 

En juin 2009, l’Assemblée nationale travaille sur un projet de loi sur le repos dominical, projet qui n’est pas encore connu (ni même ne serait-ce qu’ébauché). Cela n’empêche pas Ifop de réaliser un sondage afin de savoir si les « Français » dont favorables ou pas à ce projet. Mais comment peut-on avoir une opinion sur un projet qui n’existe pas encore ? Pourtant, selon  le résultat de l’Ifop, 100% des sondés expriment leur opinion (page 147).

 

Le 1er juillet 2010, un sondage Opinionway-20 minutes clame que 51% des Français « ne sont pas intéressés par l’affaire Bettencourt ». Cependant, lorsque l’on regarde en détail le sondage, on s’aperçoit qu’Opinionway n’a tout simplement pas hésité à inclure les « peu intéressés » dans les « pas intéressés » pour obtenir un résultat qui l’arrange[i]. Quelle déontologie (pages 147-148) !

 

Les sondeurs ne trouvent en outre rien à redire à faire parler les morts : on trouve, par exemple, régulièrement des sondages qui demandent d’exprimer ce qu’aurait pensé le général de Gaulle de l’euro, de l’Afghanistan, de la réforme de la retraire, de l’immigration, etc. (page 153).

 

Le 30 mai 2009, Le Figaro affirmait, par le biais d’un sondage Opinionway, qu’une majorité (51%) d’Européens avait une bonne opinion de Nicolas Sarkozy. Là aussi le diable se cache dans les détails : pour réaliser ce sondage Opinionway n’a pris aucun échantillon français (!) et ne respecte pas la pondération respective de chaque population nationale (autrement dit les « x » Luxembourgeois interrogés comptent autant que les « x » Allemands interrogés, y compris si ces deux x sont égaux), alors même que Nicolas Sarkozy recueillait les plus mauvais score auprès des populations des pays les plus peuplés (page 160). Opinionway manipule donc les chiffres pour afficher un sondage favorable à Nicolas Sarkozy.


Les autres articles sur cet ouvrage :

Introduction générale

Historique et propos liminaire

Le caractère non scientifique des sondages

Les sondages, un danger pour la démocratie

Quelques points clés à retenir sur les sondages    

 


[i] Ou qui arrange son maître, puisque l’affaire des sondages de l’Elysée avait déjà révélé des liens douteux entre Opinionway et la Présidence de la République.

 

 

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