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L'Oeil de Brutus

LES ECONOMISTES "EXPERTS" DE LA POLITIQUE DE L'OFFRE

8 Mai 2012 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Idées

Mots clés : Sarkozy, élections présidentielles, économie, néolibéralisme, Bernard Belloc, Marc Ivaldi, Philippe Mongin, Philippe Trainar, Philippe Chalmin, Eric Chaney, Emile Quinet, Dominique Roux, Valérie Pécresse.
 

 

 

  

L-economiste.jpgQuelques jours avant le second tour des présidentielles, des économistes publiaient sur le site du Monde une tribune en faveur de Nicolas Sarkozy : « Economistes, sans parti pris idéologiques, nous soutenons Sarkozy ».

 

Sans surprise, cette tribune est de teneur très libérale. Et c’est bien leur droit.

 

On relèvera tout de même une phrase quelque peu surprenante : « La politique de la demande[1], chérie des politiques malgré son inefficacité aux yeux des experts ». Les experts ! Les fameux experts ! Mais qui sont-ils ? Cela n’est nullement précisé. Mais si tous les experts sont unanimes pour rejeter toute politique de la demande (et donc consacrer la politique de l’offre), est-ce à dire que ceux qui prônent que toute politique économique doit, au moins en partie, prendre en compte la question de la demande, ne sont pas des « experts » ? Keynes, Galbraith, Allais, Stiglitz, Krugman, Lordon, Sapir et bien d’autres ne font donc pas partie de ce prestigieux club des « experts » ? Leurs travaux seraient-ils donc des travaux de cancres ?

 

Mais passons. Les auteurs de cette tribune pro-Sarkozy se présentent tous comme des professeurs et/ou chercheurs de prestigieuses universités française. Il ne serait donc question de remettre en cause leur honorable objectivité. Néanmoins, internet a ce douloureux défaut de permettre de retrouver pas mal de choses. Et une partie substantielle de ces auteurs s’est montré bien modeste sur leurs CV, ce qui semble être une habitude pour nombre « d’experts » (Lire Renaud Lambert, Les économistes à gages sur la sellette, Le Monde diplomatique, mars 2012). Cela est d’ailleurs d’autant plus surprenant lorsqu’on se réclame de la doxa libérale qui prétend que l’homme, égoïste par nature, agit en fonction de ses intérêts propres. Or, si l’on perçoit de confortables subsides de la part d’une entreprise, ne vaut-il pas mieux prôner des politiques favorables à ces mêmes entreprises ?

 

Regardons donc plus en détail mais précisons tout de même en préambule qu’il ne s’agit nullement de jeter l’anathème sur tous ceux qui travaillent pour des intérêts privés et veulent s’exprimer dans l’espace public pour, sur ce seul motif, les en écarter. Néanmoins, l’honnêteté intellectuelle voudrait que cela soit précisé sinon cela accroît encore la suspicion vis-à-vis d’arrière-pensées éventuellement tournées vers ses propres intérêts.

 

Bernard Belloc oublie de nous dire qu’il est le conseiller « recherche et universités » de Nicolas Sarkozy. Dans un article de soutien à ce même Nicolas Sarkozy, il serait tout de même urbain de préciser que, généralement, on ne mord pas la main qui vous nourrit.

 

Marc Ivaldi omet de préciser qu’il travail pour Compass Lexecon, une prestigieuse agence de consulting qui compte notamment comme clients Apple, Walmart, Whirlpool, American Express, Goldman Sachs, Sony ou encore American Airlines.  Il y a effectivement fort à parier que les intérêts de ses clients soient davantage compatibles avec la politique de l’offre qu’avec celle de la demande.

 

Philippe Chalmin a été conseiller économique du groupe Euler, une société qui déclare être le numéro 1 mondial de l’assurance crédit. Il est également fondateur et directeur du Cercle Cyclope, une société d’études spécialisées dans les analyses économiques.

 

Philippe Trainar oublie de préciser qu’il est également économiste en chef à la SCOR, une société de ré-assurance qui a sans doute peu d’intérêt à ce que l’Etat-providence perdure.

 

Eric Chaney est le Chef économiste du Groupe AXA, après avoir été Chief Economist Europe de la banque Morgan Stanley. La « guerre à la finance » ne va donc pas vraiment dans le sens de ses intérêts.

 

Le CV d’Emile Quinet sur le site de l’Ecole d’économie de Paris mentionne qu’il est consultant en économie. Mais consultant au profit de qui ? Lorsque l’on déroule son CV un peu plus loin (page 20 sur 24 !), on découvre qu’il a rédigé des rapports au profit de la Fédération Nationale des Travaux Publics (une organisation de lobbying des entreprises de travaux publics), de Sceautoroute (un bureau d’études spécialisé dans l’exploitation des autoroutes), pour l’Union internationale des chemins de fer (regroupant les entreprises ayant des activités dans les chemins de fer), pour la plupart des sociétés d’autoroutes françaises, pour Eurowide (une société d’investissements financiers), pour le groupe TYPSA, etc …

 

Plus orignal, Dominique Roux est le père de … Valérie Pécresse ! Il est vrai que c’est toujours sympathique lorsque papa peut faire un geste pour que l’on conserve son poste. Et puis surtout, Dominique Roux travaille pour un ami de Nicolas Sarkozy : il est président de Bolloré Télécom. Entre amis, on ne se refuse rien ….

 

 

Pour être clair avec l’absence de « parti pris », il eut peut-être fallu être plus précis sur les fonctions occupées …

 

 

 Origine de l'illustration : http://chb.blogourt.fr/691971/L-economiste/ 

 

 



[1] La politique de la demande, d’inspiration keynésienne, consiste à relancer l’économie en accroissant la demande de bien par le biais, par exemple, d’aides à la consommation ou encore de grands investissements publics. A l’opposé, la politique de l’offre, d’obédience libérale, estime que pour relancer l’économie il faut dynamiser l’offre en favorisant les investissements (baisse des charges des entreprises, encouragement de l’épargne,  … etc). La « main invisible » et « l’ordre spontané » feront le reste (même s’il n’y a plus personne pour acheter les produits ainsi mis sur les marchés ….).

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