LES COMMISSAIRES EUROPEENS A LA CONCURRENCE ET LES CONFLITS D'INTERETS (CIRCUS POLITICUS 10/15)
CIRCUS POLITICUS
Christophe Deloire, Christophe Dubois
Albin Michel 2012.
Cette série d’articles visent à faire paraître les notes de lecture de cet ouvrage.
Elle n’en dispense nullement de la lecture !
Sommaire :
10/ Les commissaires européens à la concurrence et les conflits d’intérêts.
14/ De l’usage des
sondages dans le monde politique français
Les commissaires européens à la concurrence et les conflits d’intérêts.
Outre qu’on les retrouve tous soit à la Trialatérale, soit au Bilderberg, (soit aux deux), un petit coup d’œil sur les CV de ceux
qui se sont succédés au poste de Commissaire européen à la Concurrence vaut le détour (pages 208-212) :
- Peter Sutherland (1985-89) : cet ancien patron du Gatt puis de l’OMC a aussi dirigé la fédération de banques irlandaises, Ericsson, la
British Petroleum (BP) et a été directeur général de Goldman Sachs international.
- Leon Brittan (1989-92) s’est très bien reconverti puisqu’il est vice-président d’UBS AG et conseiller pour Total.
- Karel Van Miert (1992-99) participait à une dizaine de conseil d’administration de grandes entreprises européennes[i].
- Mario Monti (1999-04) : avant de prendre la présidence du Conseil de l’Italie, il a été « Senior advisor » pour Goldman Sachs.
- Nellie Kroes (2004-09) est un peu la championne du genre : elle fut administratrice de pas moins de 43 grandes entreprises
européennes !
On remarque évidemment la forte présence de la désormais tristement célèbre banque Goldman Sachs (cf. paragraphe suivant). Mais ce
qui est encore plus hallucinant, c’est comment l’on peut encore croire que ces personnages aient pu être en charge de veiller à interdire la mise en place de cartels et d’ententes illicites entre
les grandes entreprises sur le sol européen, alors qu’ils les ont si bien servi parfois avant, toujours après, leur mandat à la Commission européenne !
Il faut dire que la Commission à la Concurrence est un investissement rentable ; contrairement à toutes les règles
élémentaires d’Etat de droit, elle est à la fois juge et partie des affaires relatives à son domaine et ne rend compte ni au Parlement, ni au Conseil et bien sûr d’absolument rien aux Etats
membres (page 277).
Mais il n’y a pas que les commissaires à patauger dans le conflit d’intérêt :
- Le chef d’unité chargé des questions des droits d’auteurs à la Commission n’est autre que l’ancien directeur juridique de l’International
Federation of the Phonographic Industry (IFPI), dans laquelle il était responsable du … lobbying (page 315).
- L’ancien directeur de l’Agence européenne des médicaments, Thomas Lönngren, s’est brillamment reconverti : il est conseiller directeur
pour le groupe NDA et directeur non exécutif de la société Chio, deux groupes … pharmaceutiques (page 317).
- Laura Smillie, une ancien du think tank agroalimentaire Eufic, a été embauchée à … l’Agence européenne de sécurité alimentaire (page 317),
alors que la présidente du conseil d’administration de cette même agence, Diana Banati, se reconvertissait auprès de l’International Life Scientific Institute, un institut privé qui regroupe les
géants du secteur (Danone, Nestlé, Monsanto, Basf, etc. ) (page 318).
Quand on constate ce minestrone de conflits d’intérêts, on peut alors se demander dans quel but la Commission défend becs et
ongles la concurrence. Ainsi, lorsqu’elle part en guerre contre les services d’intérêt économique généraux (SIEG) qui est le sigle barbare pour désigner les différentes subventions octroyées à
des collectivités et opérateurs de services, par exemple dans le cadre de la protection de l’enfance, de la préservation du patrimoine ou encore de la création d’un foyer pour femmes battues. La
position de la Commission sur ces démarches ? Entorse à la concurrence, le marché ferait mieux tout seul s’il était vraiment « libre » (page 381) !
[i]
Agfa-Gevaert
NV, Anglo
American plc, De Persgroep, Royal
Philips Electronics NV, Solvay S.A., Münchener Rück, RWE AG, Sibelco N.V., Fraport AG, Wolters Kluwer
NV, DHV Holding. Il était également membre du conseil de surveillance de Vivendi.
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