LES CHOMEURS, CES PROFITEURS ...
LES CHOMEURS, CES PROFITEURS …
… C’est ce que laisse clairement sous-entendre la proposition de Nicolas Sarkozy de conduire un référendum sur la suppression des allocations chômage aux demandeurs d’emploi qui refuserait une offre ou une formation.
Admettons qu’il existe des gens qui se fassent un objectif et un idéal de vie de vivre avec quelques centaines d’euros par mois, au bord de la misère sociale et coupé de tout lien avec le monde du travail. Admettons-le juste un instant. Imaginons même qu’il puisse y avoir 1 million de ces profiteurs en France, ce qui, rapporté à la population active, serait énorme. Et estimons que chacun d’entre eux « coûte » à la collectivité 1000 euros par mois (ce qui est également énorme). Le coût social des « profiteurs » serait alors de 12Mds€/an. C’est énorme (mais n’oublions pas que nous partons d’hypothèses extrêmement hautes). Mais c’est aussi peu. Quelques chiffres :
- Entre 7 et 12 Mds€ / an = la fraude à la TVA[1].
- 100 Mds€ / an = le manque à gagner généré par les allègements fiscaux (pour la plupart des niches fiscales) depuis 2002.
- 40 Mds€ / an = le montant évalué des fraudes fiscales (selon le Syndicat national unifié des impôts) [2].
- Entre 8 et 20 Mds€ / an = le montant des fraudes sociales des employeurs (selon le député UMP Dominique Tian).
- 50 Mds € / an = les intérêts du service de la dette que la France doit honorer tous les ans parce qu’elle emprunte à près de 4% aux banques de l’argent que celles-ci empruntent à un taux presque nul à la banque centrale européenne … (Lire Faut-il monétiser la dette ?).
- Et surtout 535 Mds € = l’augmentation du déficit public pendant le mandat de Nicolas Sarkozy (Lire Le président à 300millions € / jour).
Les « profiteurs » fantasmés ne sont donc certainement pas la cause de la faillite de nos comptes publics ni de notre Etat-providence[3]. En aucun cas, ils ne sont donc une question primordiale pour l’avenir de notre pays. Rien donc ne justifie qu’ils fassent l’objet d’un referendum.
Cette proposition dénote également à quel point l’UMP est coupé de la réalité. Quiconque regarde quelque peu les offres d’emplois y trouvera aisément des annonces du type « profil master ingénieur ou école de commerce, 5 ans minimum d’expérience professionnelle, salaire net : 1200€/mois ». Vous qui appartenez aux classes les plus aisées, accepteriez-vous que vos enfants qui font des études difficiles (et couteuses) s’en retrouvent contraints à accepter un tel salaire ? Et pour les peu ou pas diplômés, au nom de quoi devraient-ils accepter un emploi à des centaines de kilomètres de celui de leur conjoint ou une formation qui ne correspond nullement à leurs aspirations ?
Alors pourquoi cette posture ?
Tout simplement parce que Nicolas Sarkozy et l’UMP sont aux abois et qu’il ne leur reste plus qu’une carte à jouer pour ne pas être débarqués par les Français le 6 mai prochain (voire le 22 avril …) : Divide et impera. Les travailleurs contre les chômeurs. Les salariés du privé contre les fonctionnaires. Les parents d’élèves contre les enseignants. Les policiers contre les magistrats. Les « Français de souche » contre les immigrés … etc. En ranimant tous les clivages possibles, le parti présidentiel espère mettre l’opposition[4] aux abois en semant également la zizanie dans ses rangs et surtout, il compte dresser les Français les uns contre les autres pour se présenter comme la seule alternative à même de réformer, ce qu’il a si peu fait depuis 5 ans[5].
Cette posture est indigne d’un Président de la République dont le rôle premier est de rassembler les Français. Et surtout elle est indigne de la République qui ne reconnaît que des citoyens unis selon un pacte républicain commun.
Source de l’illustration : http://zorrodeconduite.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/01/index.html.*
[1] Lire Thibault Gajdos, Fraude sociale et fraude politique, Le Monde économie, 21 novembre 2011.
[2] Lire Christian Salmon, l’ADN du Sarkozysme, Médiapart, 3 décembre 2011.
[3] Cela n’exclut pas pour autant de sanctionner les fraudeurs, ne serait-ce que par justice sociale vis-à-vis de ceux qui respectent les droits et les devoirs du citoyen.
[4] Il est vrai que le supposé premier parti d’opposition ne propose guère mieux : lire Critique du projet Hollande.