LE MULTICULTURALISME OU LA FIN DU CITOYEN
LE MULTICULTURALISME OU LA FIN DU CITOYEN
Le rejet du multiculturalisme est souvent associé au rejet de l'immigration. Cela n’a pourtant pas grand-chose à voir, sauf quand tous deux sont instrumentalisés par le populisme d’extrême-droite ou la démagogie d’une certaine gauche bien-pensante.
Poussé jusqu'au bout de sa logique, le multiculturalisme c'est même la négation de la culture : au bout du multiculturalisme il y a le sacre de l'individu-roi qui fait que chacun revendique sa propre culture. Il n'y a alors plus de culture commune, donc plus de culture du tout : « Notre amour de la diversité sera devenu le cauchemar du particularisme exacerbé »[1].
Le multiculturalisme a été le malheur de l'immigration en France depuis qu'il a été promu comme une valeur en elle-même dans les années 80. On a demandé aux immigrés de revendiquer et d'afficher leurs différences. On leur a fait croire que l'appartenance à la Cité ne nécessitait aucun effort (et pas qu'à eux d'ailleurs). En substance, on leur a dit qu'il n'y avait de modèle français, mais qu'ils avaient leurs modèles à eux. Et de fait, une partie d’entre eux ne s’est pas sentie Français.
Ceci ne signifie pas pour autant que les immigrés doivent abandonner la culture de leur pays d'origine lorsqu'ils arrivent en France (au contraire : leur culture d'origine est une force pour la France). Mais ils doivent faire en sorte de fondre leur culture dans la culture française. Toute culture est en perpétuelle évolution (sinon elle disparaît). La culture française (contrairement à la culture américaine) est faite de l'ajout progressif de sources extérieures qui fusionnent en elle. Certainement pas d’une juxtaposition de cultures qui se regardent avec méfiance.
Alors, on peut certes entendre que "l'immigration engendre le multiculturalisme" et que par conséquence, l’immigration étant
réalisé, nous n’aurions plus le choix et serions multiculturalistes de fait.
Pourtant, le multiculturalisme est un concept nouveau en France. La France est une terre d'immigration depuis bien plus longtemps que cela. Auparavant, des Polonais, des Italiens, des Portugais, des Espagnols, des Russes sont venus s'y installer en faisant leur la culture française, tout en conservant leurs racines. Et aujourd'hui, contrairement à ce que veulent nous faire croire tant les anti-immigrationnistes que les multiculturalistes, des millions de Maghrébins et d'Africains ont fait et font de même. A l’opposé, les gosses de cités qui ne sentent pas Français sont les premières victimes de l’idéologie multiculturaliste qui leur a dit qu'ils n'avaient pas de culture française et qu'il fallait qu'ils revendiquent leurs racines contre toute volonté d'assimilation à la culture française. Le problème est que pour les 2eet 3e générations, ces racines se trouvent bien lointaines et que malgré tout, ils se sentent Français, alors que, encore une fois, les multiculturalistes et les anti-immigrationnistes leur tiennent paradoxalement le même discours : vous n'êtes pas Français. Le multiculturalisme les transforme alors en apatrides.
Par ailleurs, la culture
ne se réduit pas pour autant à une culture commune, unique, bornée et figée. Bien au contraire, on peut très bien se rattacher à plusieurs cultures
(celle du pays d'accueil et celle du pays d'origine ou de sa région de naissance par exemple). La culture française n'est certainement pas "blanche" comme on peut l’entendre tant dans la bouche
de l’extrême-droite que dans celle des … défenseurs du multiculturalisme. Car justement la culture française n'existe que par ce qu'elle reçoit des autres. Par contre, une culture n'existe pas en
juxtaposant des cultures imperméables entre elles (et c'est ce que fait le multiculturalisme). De plus, pour exister une Nation a besoin de posséder sa culture propre :
« Les peuples ne sont jamais unis autrement que par la culture,
par quelque chose qui touche à l’esprit et à la conscience »[2].
Mais il est vrai que toute une frange du spectre politique a un gros problème avec la Nation[3].
La gauche, parce qu’elle perturbe son utopie internationaliste, la droite parce qu’elle refuse les règles du marché mondial tout puissant, l’ensemble parce qu’elle va à l’encontre de l’idéologie
libertaire-néolibérale dominante.
La culture française ne se réduit pas à une somme de cultures. Elle est une culture propre et commune (celle d'une Nation), à l'intérieur de laquelle évoluent d'autres cultures (ce qui n'en fait pas pour autant des "sous-cultures" !). Lorsque l’on reprendre la définition admise par l'UNESCO (« Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »), on voit très bien que l'on peut être Français (partager un certain nombre de valeurs culturelles qui sont caractéristiques de la France) tout en étant Alsacien, Corse, Breton ou d'origine algérienne, marocaine, sénégalaise, vietnamienne etc. Et quand on inverse la définition de l'UNESCO, on voit bien que s'il n'y a pas culture commune, il n'a plus de France. Mais c'est sans doute ce que veulent, dans leur utopie, les internationalistes[4].
A partir de là, il paraît évidemment que le concept d’assimilation semble le seul à même de, simultanément, conserver une culture commune et permettre aux immigrés de s’insérer dans le creuset national (sans que cela veuille dire pour autant que les immigrés doivent entièrement renoncer à leur culture d'origine). L'assimilation a d'ailleurs été la voie de la France jusqu'aux années 1980. Il n'y a pas eu de multiculturalisme en France avant cette époque et pourtant elle avait connu auparavant de grandes vagues d'immigration (ce qui confirme bien que l'immigration n'entraine pas obligatoirement le multiculturalisme). Pourtant, quand on regarde l'histoire de l'entre-deux-guerres, l'arrivée des Polonais et des Italiens a également suscité des résistances et à l'époque aussi il y en a eu pour affirmer que leurs cultures n'étaient pas fongibles dans la culture française ... Aussi, le multiculturalisme n’est qu’un lâche renoncement à la France et par là donc à ses valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de tolérance.
Poussés dans leurs retranchements, les multiculturalistes peuvent très bien aller jusqu’à affirmer que la culture musulmane est
incompatible la culture française. L'extrême-droite tient exactement le même propos. La seule différence est que si pour celle-ci la solution est de supprimer l'immigration, pour les premiers
elle consiste à supprimer la culture française. Ces deux visions sont des non-sens, démagogue pour l’une, populiste pour l’autre. Il y a des millions de musulmans qui montrent tous les jours la
compatibilité de l’Islam avec la France en vivant leur religion et en respectant les valeurs françaises qu'ils ont fait leurs.
L’assimilation ne consiste donc pas à renier la culture d'origine (autrement, par exemple, il n'y aurait pas de cultures régionales en France). Elle consiste à affirmer que l'immigré doit s'insérer dans la culture de son pays d'accueil (et cela nécessite des efforts de sa part, comme de la part de son pays d'accueil). L'assimilation à la française ne consiste nullement, par exemple, à renier sa religion (qui de toute façon ne relève que de la sphère privée), sa langue (nul besoin d'oublier l'arabe, ou une autre langue, pour apprendre le français), sa famille demeurée au pays, etc. .
A titre d'exemple, si la langue n'est pas la culture, elle est un très bon moyen de la comprendre. Et pour comprendre la grandeur de la langue française (notamment de part son incroyable subtilité), il faut voir comment elle a su emprunter des mots de toutes les origines.
Ainsi, conserver la langue maternelle (reproche-t-on à un Corse ou à un Breton de continuer à apprendre la langue de leurs aïeux ?), maintenir le lien avec ses racines (reproche-t-on à un Parisien d'aller voir ses cousins d'Auvergne ou ceux émigrés aux Etats-Unis ?), la pratique de la religion (tant qu'elle relève que de la sphère privée), l'esprit de famille (qui n'est en rien l'exclusivité des musulmans) ne sont en rien incompatibles avec l'assimilation et la culture française.
Ce ne sont donc pas 5 millions d'immigrés qui menacent la culture française. L'immense majorité d'entre eux ne demande qu'une chose : être
Français et reconnus comme tel. Ce qui menace la culture française ce sont bien les multiculturalistes qui, au nom de leur internationalisme utopique de bonne conscience bobo, exigent que la
culture française s'efface devant toutes les autres, faisant par là, ultime paradoxe, le jeu des replis identitaires et des extrêmes-droites de tous types.
[1] Dominique de Villepin, Notre Vieux pays, page 53.
[2] Henri Hude, L’éthique des décideurs.
[3] Lire La Haine de la nation.
[4] Par internationalisme, on entend ici mondialisme. Mais le premier terme est préféré du fait que, généralement, une bonne partie de ceux qui se prétendent internationalistes se positionnent en rejet de la nation (sans voir le paradoxe que cela représenté avec l’étymologie du terme), de même qu’ils peuvent se présenter comme « altermondialistes », qui n’est qu’une autre facette du mondialisme.