L'OLIGARCHIE DES INCAPABLES : L'INCOMPETENCE PAYE
Cet article est à insérer dans une série d’articles s’appuyant sur mes notes issue des la lecture de L’Oligarchie des incapables, de Sophie Coignard et Romain Gubert. Il ne dispense bien sûr en rien de la lecture de cet excellent ouvrage qui permet de bien comprendre comment une partie significative de notre « élite » a abandonné le service du bien commun.
Dans la logique du réseau qui a pris le pouvoir, les résultats et les compétences ont peu d’incidence sur les rémunérations. De même, les échecs influent peu la suite des carrières. Ainsi, Pierre Blayau quitte Moulinex en 2001 avec un chèque de 2 millions d’euros quelques mois après le dépôt de bilan. Il est aujourd’hui patron du fret de la SNCF. Noël Forgeard quitte Airbus en 2006 avec 8,4 millions d’euros et est aujourd’hui banquier d’affaires. Après seulement 18 mois à la tête de Sanofi-Aventis, Gérard Le Fur a touché 3 millions d’euros. Didier Lombard, l’ « emblématique » président de France Télécom qui n’y avait vu qu’une « mode des suicides » est demeuré « conseiller du président » pour pouvoir jouir de ses stock-options, qu’il cumule avec ses rémunérations de membre des conseils d’administration de Thales, Technicolor et Radiall. Poussé à la démission après une perte de 626 millions d’euros en 2003, Jean-Pierre Tirouflet a quitté la direction de Rhodia avec une indemnité de 2,1 millions d’euros et une retraite chapeau de 5,3 millions d’euros (à 53 ans …) (pages 234-235). Les 20 milliards d’euros de pertes de France Telecom lorsqu’il était à sa tête n’ont pas empêché Michel Bon de prendre par la suite la présidence de l’Institut de l’entreprise puis de la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (on croit rêver …) (page 236).
Pour masquer ses incompétences, l’oligarchie n’hésite pas à user de tous les artifices. Ainsi, Vivendi et Jean-Marie Messier ont multiplié les pressions pour faire taire Edouard Tétreau, un analyste financier du Crédit lyonnais par trop critique à l’égard de leur gestion (pages 237-238). Autre méthode simple : embaucher à prix d’or les analystes trop critiques pour acheter leur silence (page 239).
On aurait pu croire que la valse des dirigeants générée par la crise financière ait raison des « incapables ». Il n’en a rien été. Charles Milhaud qui a quitté la Caisse d’épargne avec 751 millions d’euros de pertes (en 2008) a été recasé à la demande de l’Elysée à la présidence du conseil de surveillance d’Océor et son directeur général, Nicolas Mérindol, a pu se recaser à la banque d’affaires Leonardo. Daniel Bouton, l’ancien patron de la Société Générale, est resté 16 mois à la tête du Conseil d’administration après son éviction symbolique. Jean-Pierre Mustier, le spécialiste des emprunts toxiques et produits dérivés de la même banque, a pu tranquillement aller exercer ses talents chez Unicredit. Alors qu’il était mis en cause pour la perte de 350 millions d’euros par un trader newyorkais, Bernard Carayon a simplement changé de filiale du groupe Crédit Agricole. Le patron de cette même banque, Georges Pauget, après avoir essuyé des pertes de 2,8 milliards d’euros en 2008, a pu prendre la direction du conseil d’administration d’Amundi. L’ancien patron de Natixis, Dominique Ferrero¸ est resté dans la maison après son limogeage, avec un confortable revenu annuel de 500 000€ (pages 240-241).
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