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L'Oeil de Brutus

L’ETHIQUE PROTESTANTE ET L’ESPRIT DU CAPITALISME (2/6) : CHAPITRE I - LE PROBLEME

25 Mars 2013 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Lectures

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Chapitre premier : le problème

Le lien entre protestantisme et capitalisme relève initialement du débat entre la poule et l’œuf. Sont-ce les balbutiements du capitalisme naissant en Angleterre et en Allemagne au 16esiècle y ont favorisé le développement du protestantisme ou est-ce l’inverse ? En tout état de cause, il semble bien que les deux se soient développés de pair, et le capitalisme moderne s’est bien plus vite développé dans les régions où le protestantisme est majoritaire que dans les régions à majorité catholique ou orthodoxe (page 30). Il est toutefois pour Weber hors de question de faire du capitalisme une création de la Réforme : la genèse du capitalisme est antérieure à l’apparition de la Réforme, mais, et c’est sa thèse centrale, la Réforme a accéléré les processus liés au capitalisme(page 103).

Pour comprendre cette évolution, il faut donc se pencher sur l’émergence de la Réforme au sein de la communauté chrétienne. Le catholicisme, s’il se montrait d’une sévérité extrême avec l’hérétique, accordait une grande indulgence au pêcheur. A contrario, la Réforme s’avère bien plus exigeante avec l’individu en pénétrant tous les domaines de la vie publique et de la vie privée, le calvinisme en étant la forme la plus extrême et la plus autoritaire vis-à-vis de l’individu (page 31)i.

Or, si l’on admet que l’éducation reçue exerce une forte influence sur la tournure que l’on donne à sa carrière professionnelle (page 34), il s’avère que les Protestants ont montré une forte disposition pour suivre des carrières tournée vers le rationalisme économique. Il est vrai que comme dans les premiers temps de la Réforme, les Protestants ont été exclu des affaires publiques et politiques, ils se sont tout naturellement tournés vers les milieux d’affaires et d’industries (page 35). Mais cette affinité contrainte a également été confortée par une éducation plus matérialiste chez les Protestants, tandis que les Catholiques ont une vision plus ascétique et détachée de la vie (dans le catholicisme tout le monde peut avoir sa place au Paradis, ce qui, comme cela sera vu plus loin, n’est pas forcément le cas dans le protestantisme), et donc moins intéressée aux bien matériels (pages 35-36). Néanmoins, ces « idées vagues » sur le protestantisme et le catholicisme sont largement insuffisantes selon Weber pour expliquer le développement accru du capitalisme au sein de la sphère protestante (page 37). Selon lui ce lien a caractère plus purement religieux et culturel que dans une espèce d’atavisme (page 41).

 

Un sermon de Benjamin Franklinillustre parfaitement le rapport décomplexé à l’argent (sans qu’il y soit toutefois fait un lien direct avec la religion). On y retrouve ainsi : « souviens-toi que le temps c’est de l’argent », « le crédit c’est de l’argent » et « l’argent est par nature générateur et prolifique » (pages 44-45). Aussi, pour Max Weber « le propre de cette philosophie de l’avaricesemble être l’idéal de l’homme d’honneur dont le crédit est reconnu et, par-dessus tout, l’idée que le devoir de chacun est d’augmenter son capital, ceci étant supposé une fin en soi » (page 47).

 

Toutefois, plus loin (page 59), Weber dément que l’avidité soit la marque intrinsèque de l’esprit du capitalisme, tout simplement parce que ça n’est pas le propre de l’homme. Il appuie cet argument sur l’exemple du travail comportant un prime à la pièce pour lequel il constate que les ouvriers n’en profitent pas pour maximiser leur profit mais pour trouver un équilibre entre gains financiers et gains en temps de loisir : « l’homme de désire pas « par nature » gagner de plus en plus d’argent, mais il désire, tout simplement, vivre selon son habitude et gagner autant d’argent qu’il lui en faut pour cela. Partout ou le capitalisme a entrepris son œuvre d’augmentation de la productivité du travail humain par l’accroissement de son intensité, il s’est heurté à la résistance obstinée de ce leitmotiv du travail de l’économie précapitaliste » (page 61). Avec l’échec de cette incitation à la productivité par la hausse du salaire, il ne reste alors que la solution inverse : abaisser le salaire pour obtenir un rendement accru (page 61). Et pour mettre en place cette politique salariale, il est nécessaire de disposer d’un surplus de population sans emploi tirant les salaires vers le bas (page 62)ii.

 

Après cette légère digression, Max Weber prend une approche étymologique des écrits calvinistes et luthériens. Il constate ainsi que ceux-ci fusionnent les notions de vocationet de professiondans le terme « beruf » (page 66), ce que l’on ne retrouve nullement dans le catholicisme (page 80). Ce fusionnement est ô combien révélateur : l’exercice de son métier (la profession) relève alors d’une sorte de prédestination divine (la vocation).

Par ailleurs, il relève que le fonctionnement même du capitalisme exige une rationalisation de la production et des coûts dans le but de réinvestir les bénéfices et d’accumuler du capital (pages 70-71). Si on allie ceci avec la notion de beruf, l’accumulation du capital devient alors, pour le chef d’entreprise, une fin en soi, le but de sa vie. Il tourne ainsi le dos à l’eudémonisme. Weber relève alors combien cette déclinaison est finalement irrationnelle : l’homme existe alors pour son entreprise, et non l’inverse (page 73). La rationalité occidentale, en tant que concept historique referme donc de profondes contradictions (page 80).

A contrario, de par sa condamnation de l’usure et du profit, l’Eglise catholique prend l’exact contre-pied. C’est ainsi qu’au Moyen-âge, à la mort des riches, des sommes considérables étaient reversées aux œuvres religieuses pour alléger leurs consciences (page 76).

 

Pour Max Weber, cette notion de « beruf » provient d’une interprétation de la Bible qui révèle l’esprit du traducteur, en l’occurrence Luther (pages 84-85). Celui-ci en arrive alors à la conclusion logique que le devoir du croyant ne réside pas dans le comportement ascétique mais dans l’accomplissement de la volonté de Dieu via la vocation qu’Il a transmise (page 90). La vie monastique (propre au catholicisme) est alors un moyen égoïste de fuir le monde, et ce faisant ses obligations vis-à-vis de Dieu, à l’opposé de la vie laborieuse qui relie les hommes entre eux, justifiant ainsi le concept dedivision du travail (page 91). La notion de Beruf est ainsi traditionaliste : « l’homme est tenu d’accepter sa besogne comme lui étant donnée par décret divin » (page 96).

 

 

Retour au sommaire : cliquer ici.

 

i Par nature, comme elle distingue beaucoup moins le privé du public, la Réforme est donc bien plus réfractaire aux principes de laïcité que le catholicisme.

ii Max Weber rejoint ici les théories marxistes sur « l’armée de réserve des chômeurs ».

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P
Max weber was a very good philosopher. I had read his books before. I think he explains things very casually through his books. I would like to buy this book online. Could you please tell me where can I get this?
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