DETTE PUBLIQUE : Nos dirigeants doivent prendre leurs responsabilités (2)
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2/ REEQUILIBRER LES COMPTES.
S’extraire de la tyrannie des marchés n’exclut pas à terme la nécessité – vitale – de rééquilibrer les comptes publics. Là aussi, force est de constater l’apathie de nos dirigeants, leur enfermement dogmatique et … leur manque de courage politique.
En simplifiant à peine, la droite propose de faire des économies sur les dépenses et la gauche d’augmenter les recettes en rajoutant quelques rustines sur une fiscalité qui fuit déjà de toutes parts.
L’illusion de l’économie sur les dépenses de l’Etat.
L’Etat divise ses dépenses en deux grands volets : le fonctionnement et l’investissement[i]. L’impact de ce dernier sur l’économie réelle est hautement significatif : les investissements de l’Etat, surtout en temps de crise, permettent la survie de nombreuses entreprises de toutes tailles. Rogner sur l’investissement entraînerait immédiatement une chute brutale de la croissance, des faillites en série et une hausse fulgurante du chômage. Ces conséquences diminueraient mécaniquement les recettes fiscales de l’Etat et il y a fort à parier que la balance entre cette baisse de recettes et les économies effectuées sur les investissements ne serait au mieux que très faiblement excédentaires (et très probablement même largement déficitaire) pour l’Etat, sans même penser aux conséquences sociales d’un tel choix. Bien évidemment, hors période de crise ce raisonnement ne tient pas et c’est bien lorsque la croissance était forte que l’Etat aurait dû se dégager des marges de manœuvre dans ce domaine.
Reste donc le fonctionnement. C’est l’option choisie, il faut bien le dire dogmatiquement, par l’actuel gouvernement. On peut certes effectuer quelques gains sur le « train de vie » de l’Etat. Le symbole est fort pour les citoyens, c’est d’ailleurs pourquoi on ne manque pas d’effets d’annonce sur le sujet, même si bien souvent la réalité est diamétralement différente[ii]. Mais justement, au regard du montant du déficit public, ces mesures n’en restent que symboliques car l’essentiel des dépenses de fonctionnement résident dans la masse salariale. Nicolas Sarkozy a donc fait le choix de ne pas remplacer – brutalement – un fonctionnaire sur deux. C’est là que le bât blesse. En période de plein emploi, cette résolution serait probablement efficace pour diminuer les dépenses publiques ; mais dans la situation actuelle c’est un leurre. Prenons l’exemple d’un fonctionnaire payé 1500€. De part les différentes taxes et impôts, il reverse plus de 50% de ses revenus directement[iii] à l’Etat. Son coût réel pour l’Etat est donc d’environ 750€. Admettons donc qu’il n’est pas remplacé et qu’en conséquence nous conservons au chômage une personne de même niveau qui touchera aux alentours de 800€ d’allocations chômage. Cette personne n’étant pas soumise à l’imposition elle ne reverse à l’Etat que la TVA de ce qu’elle dépense, soit dans le meilleur des cas environ 20% de ses 800€. Son coût réel pour l’Etat est donc de l’ordre de 650€. Sauf, qu’il faut y rajouter le coût de son encadrement par le Pôle emploi ainsi que la multitude de prestations diverses et variées, financières ou en nature, qu’il perçoit de touts bords, notamment de la part des collectivités locales[iv]. Il est alors plus que probable que son coût pour la collectivité dépasse largement les 750€. Il y a donc de fortes chances qu’un chômeur nous coûte donc plus cher qu’un fonctionnaire. Cela ne veut pas dire qu’il faut, comme l’a longtemps fait la gauche, engager des chômeurs à des emplois plus au moins fictifs au service de l’Etat. Cela signifie simplement que l’argument qui consiste à diminuer le nombre de fonctionnaires pour rééquilibrer les comptes publics est un argument captieux. Il ne s’agit pas pour autant de laisser se développer l’appareil d’Etat dans tous les sens en généralisant la gabegie avec l’argent du contribuable, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques au moment de la reprise économique, potentiellement source du retour au plein emploi (si cela advient un jour …). Nonobstant les très faibles résultats obtenus sous la mandature actuelle dans ce registre[v], il est totalement inefficace pour résoudre les difficultés budgétaires de mettre le couteau sous la gorge du service public en le rendant coupable du surendettement de la France avec des politiques aussi brutales et désorganisatrices que la RGPP. Oui, la fonction publique doit être réorganisée. Mais cela uniquement dans le but de conserver au moins égal le service rendu aux citoyens à un coût qui doit au moins cesser de progresser. Mais ce n’est pas sur ce chemin que nous trouverons la solution du retour à l’équilibre budgétaire.
Les collectivités territoriales ou comment galvauder l’argent public .
La plupart des dirigeants politiques demeurent bien silencieux sur ce sujet. Et pour cause : tous les grands partis politiques s’appuient sur les réseaux de leurs notables de province qui, fort de leur pouvoir supposé sur l’électorat, se permettent de dilapider l’argent du contribuable, bien souvent à fin d’asseoir leur clientèle locale. A titre d’exemple, les budgets de fonctionnement cumulés de nos « chers » départements se montent à plus de 40 milliards d’euro par an[vi], soit plus que le budget de la Défense et près de la moitié du budget de l’Education nationale. Pour quels résultats ? Le fonctionnement et la tenue des budgets des collectivités (et de toutes les entités rattachées, telles les sociétés d’économie mixte) demeurent d’une trouble opacité mais le citoyen qui voudra bien s’y plonger (et la tâche est pour le moins laborieuse) y trouvera bien des traces de clientélismes financiers. Le comportement de potentats de nombre de nos élus de province est une honte pour notre République. La décentralisation n’est pas le mal en soi, mais la manière dont elle a été menée à ouvert la porte à une situation qui ne saurait perdurer : « Il (le politique) s’est démultiplié par la décentralisation, mais au prix d’une complexité accrue qui n’a fait que donner de nouveaux prétextes à l’immobilisme administratif et rendre illisible la cartographie du pouvoir. »[vii]. Cela ne concerne pas que les comptes publics, qui y auraient certainement quelques dizaines de milliards d’économie à y gagner, mais va bien au-delà : c’est une question de morale, d’ordre public et d’éthique de la responsabilité politique[viii]. Si le citoyen déserte les urnes des élections locales, ce n’est pas parce qu’il ne s’intéresse pas à la vie publique locale mais bien parce que, au mieux il n’y comprend plus rien, au pire il est écœuré du comportement de ses « représentants » : « La montée de l’abstentionnisme n’est jamais un signe d’indifférence mais toujours une preuve de mépris. »[ix]La carte de nos collectivités doit être réformée de toute urgence, tout particulièrement en diminuant le nombre d’échelons. Et l’on verra bien que l’on y gagnera également beaucoup pour rééquilibrer les finances publiques.
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[i] On notera au passage l’hypocrisie de la règle d’or. Si initialement celle-ci devait être une mise en conformité avec les critères de Maastricht (déficit annuel inférieur à 3% du PIB, dette publique inférieure à 60% du PIB), ce qui empêcherait à l’avenir toute relance de type keynésien (et donc est en totale contradiction avec le plan de relance et le grand emprunt menés par l’actuel gouvernement), les derniers éléments de langage du gouvernement semblerait ne la faire porter que sur le budget de fonctionnement de l’Etat. Au premier abord, cela semblerait être la moindre des choses (un ménage qui emprunterait pour payer sa nourriture ou son loyer serait vite promis à la banqueroute …) et on peut s’interroger sur l’intérêt de faire figurer un tel pléonasme dans un Constitution déjà allégrement modifiée selon les humeurs des gouvernants et qui finit ainsi par en perdre son sens premier. De plus, n’importe quel comptable, doué de quelques talents en rhétorique, arriverait à vous expliquer que telle ou telle ligne d’un budget est de l’investissement et non du fonctionnement pour parvenir à contourner cette règle d’or. Il semble donc de plus en plus évident que les intérêts masqués – et néanmoins réels – du débat sur la règle d’or se fondent sur des manœuvres bassement politiciennes. Sur le sujet, lire L’express du 24 août 2010 :http://www.lexpress.fr/actualite/politique/regle-d-or-budgetaire-comment-l-ump-veut-pieger-le-ps_1023673.html.
[ii] Lire par exemple Michel Revol, Les élus gardent leurs avantage, Le Point, 11/07/2011, http://www.lepoint.fr/politique/les-elus-conservent-leurs-avantages-11-07-2011-1351445_20.php .
[iii] Cf. Thomas Pikkety, Emmanuel Saez, Camille Landais, Pour une révolution fiscale. Mon article sur cet ouvrage : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-pour-une-revolution-fiscale-75061097.html .
[iv] La création du RSA visait, notamment, à mettre fin à cette multitude d’aides aux sans emploi. Ici aussi la réforme s’est muée en réformette et de nombreux subsides perdurent. La proposition de M. de Villepin de créer un seul et unique revenu citoyen en supprimant toutes les autres allocations (à l’exception des allocations familiales) mériterait approfondissements et réflexions. En tous cas bien plus que l’effet d’annonce qu’à voulu en faire la plus grande partie de la grande presse, décidemment incapable de jouer son rôle d’éducation et d’information du citoyen.
[v] Dans certains ministères, la RGPP aboutit à un système plus onéreux que le précédent … Lire Cécile Crouzel, Des ministères très généreux avec leur personnel, Le Figaro, 26/06/2011. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/06/26/04016-20110626ARTFIG00241-des-ministeres-tres-genereux-avec-leur-personnel.php
[vi] La réforme des collectivités territoriales initiée par M. Sarkozy ne résout rien : les départements (et donc leurs coûts de fonctionnement) continuent à exister. Cette réforme n’a fait que valider institutionnellement le cumul des mandats entre conseiller général et conseiller régional.
[vii] Dominique de Villepin, Le cri de la gargouille.
[viii] Voir mon article sur l’éthique de la responsabilité en politique : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-ethique-de-la-responsabilite-1-redefinir-la-corruption-67019223.html .
[ix] Dominique de Villepin, Le cri de la gargouille.