COMMENT MONETISER LA DETTE TOUT EN MAITRISANT LES DEFICITS ET L'INFLATION
Cet article est extrait d'une réflexion plus longue que vous pouvez retrouver ici : faut-il monétiser la dette ?
Une autre solution : une réforme en profondeur de l’euro.
Quitte à négocier entre Européens, comme le pousserait un retour aux monnaies nationales, il serait peut-être plus pertinent de porter la réflexion sur une refonte de l’euro qui le ferait sortir de ses vicissitudes originelles. En proposant la transformation du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en système bancaire avec réserve illimitée de crédit auprès de la BCE, la France pousse déjà à une solution congrue, bien qu’incomplète, qui ouvrirait effectivement la possibilité de monétiser la dette des Etats et donc de desserrer la pression sur les obligations du Trésor de ces derniers. Mais l’on pourrait être encore plus ambitieux, tout en augmentant les chances d’y gagner les faveurs de l’Allemagne et des thuriféraires de la rigueur budgétaire.
En modifiant ses statuts, la BCE pourrait, à moyen terme, devenir le seul et unique organisme de crédit des Etats. Les deux parties se retrouveraient dans une situation de « gagnant-gagnant » : les Etats pourraient à nouveau emprunter sans intérêts[i] pendant que l’institution européenne aurait un réel contrôle sur leurs dettes puisqu’elle serait la seule autorisée à leur faire crédit. Bien évidemment un tel pouvoir offert aux mains des patrons de la BCE ne saurait se faire en laissant celle-ci sans aucun contrôle démocratique et en pleine technocratie telle qu’elle est aujourd’hui. Alors qu’actuellement son président est dans les faits choisi par les chefs d’Etats et de gouvernements européens puis confirmé par le Parlement européen, il serait bien plus démocratique que l’organe le plus représentatif de l’UE – le Parlement – puisse choisir entre au moins deux candidats. De plus, le candidat élu devrait présenter annuellement la politique monétaire de l’Union aux parlementaires afin que ceux-ci l’approuvent ou exigent une nouvelle copie. Cette politique monétaire pourrait justement s’adapter aux conditions économiques et non demeurer, comme c’est le cas aujourd’hui, un simple dogme anti-inflationniste. En ayant complètement le contrôle de la dette des Etats, la BCE pourrait – enfin ! – leur imposer un seuil maximum d’endettement total inférieur à 60% du PIB. Par contre, la règle bien trop abrupte du seuil des 3% de PIB de déficit annuel mériterait d’être revue puisque de toute façon dès qu’un Etat se retrouverait surendetté la BCE serait en position de lui couper totalement les vivres. Supprimer cette dernière règle récompenserait de fait les Etats les plus vertueux ! En effet, ceux qui auront su profiter d’une amélioration de la situation économique pour se désendetter pourront s’offrir le luxe d’une relance keynésienne, alors que les cigales qui ont continué à s’endetter lorsque la croissance était là n’auront plus que leurs yeux pour pleurer et se trouveront ainsi contraintes à revoir le fonctionnement de leurs finances publiques. Par exemple, Un Etat qui aura su diminuer sa dette à hauteur de 20 ou 30% de son PIB pourra très bien s’accorder un plan de relance de 7 ou 8% du PIB ; celui-ci qui sera déjà à 60% ne pourra rien faire. Les Etats retrouveraient ainsi un vrai rôle contra-cyclique : modestes et très peu interventionnistes en temps de croissance, puissants et aptes à protéger leurs citoyens en période de crise. Ils demeureraient de plus maîtres chez eux tout en étant fermement contrôlés par une autorité européenne, elle-même sous contrôle démocratique.
Bien sûr, un tel système nécessitera de permanentes négociations entre les Etats membres : s’il advient qu’à l’intérieur de la même zone monétaire, l’un emprunte pour 10% de son PIB pendant que l’ autre rembourse pour autant de son PIB, on se trouverait dans une situation de flux monétaires de l’un vers l’autre qui ne seraient pas sans générer des tensions inflationnistes/déflationnistes potentiellement très nuisibles à l’économie de l’ensemble de la zone. C’est donc bien pourquoi la politique monétaire de la zone euro devra être réactualisée annuellement et approuvée par le Parlement.
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[i] Il va de soit que toutes les autorités relevant des Etats (collectivités, sécurité sociale, entreprises publiques … etc.) se retrouveraient sous la même contrainte.