Elections autrichiennes, sondages et perspectives 2017
Ainsi donc, dans une quasi-torpeur médiatique, les dernières élections autrichiennes ont-elles été invalidées. Nonobstant les rhétoriques on ne peut plus douteuses tenues par le parti d’extrême-droite autrichien (bien mal nommé « parti de la liberté »), il y a fort à parier que l’invalidation se fût faite en sens inverse (c’est-à-dire invalidant une victoire obtenue par un candidat eurosceptique, quel qu’il soit), l’européisme militant des grands médias se serait répandu à gorges déployées pour hurler à l’atteinte démocratique de l’ogre fasciste. Mais tout ceci n’est guère une surprise. Par contre, de cette élection controversée peuvent être tirés deux enseignements intéressants dans la perspective des échéances électorales françaises.
Le premier concerne les sondages[i]. Pendant toute la durée de la campagne, le candidat d’extrême-droite, Norbet Hofer, n’a jamais été crédité de plus de 22% d’intentions de vote par les instituts autrichiens. Le jour J, il a effectué presque le double (35 %). Son opposant du second tour, l’écologiste Alexander Van der Bellen, a quant lui toujours été crédit d’une avance confortable sur tous les autres candidats (au moins 24%, et jusqu’à 33% d’intentions de vote) pour finalement ne réaliser qu’un 21% qui le place très loin de M. Hofer. Enfin, les deux candidats des partis dits « de gouvernement » ont toujours été placés au coude à coude pour accéder au second tour (entre 15 et 23% - à l’exception d’un unique plongeon à 10% pour le candidat du parti populaire). Ils finissent tous deux avec un piteux 11% qui les élimine de la course au second tour. S’il en était encore besoin, cette rapide analyse suffit à confirmer que non seulement les instituts de sondages passent leur temps à diffuser des informations sans intérêt vis-à-vis du résultat final (sur ce point on se réfèrera à l’excellent Manuel anti-sondages d’Alain Garrigou et Richard Brousse), mais aussi – et surtout – qu’ils ont une fâcheuse tendance à gonfler les scores des candidats issus de l’establishment.
La mise en perspective de ces éléments dans le cadre de la présidentielle française de 2017 nous amène au second enseignement[ii] : ces présidentielles seront ouvertes comme elles ne l’ont pas été depuis des décennies, et ce dès le premier tour. Face à l’incertitude des sondages, le résultat futur de Mme Le Pen demeurera probablement une énigme, et ce jusqu’au jour des élections : elle peut très bien demeurer scotchée au supposé « plafond de verre » - autour de 25 % - comme elle peut parfaitement exploser celui-ci et se porter à 35, voire 40% dès le premier tour. Cela ne change toutefois pas le fait que sa présence au second tour semble aujourd’hui de l’ordre d’une quasi-certitude. L’identité de son challenger, par contre, demeure – et demeura sans doute longtemps – une énigme. Le rejet des partis dits « traditionnels » est vraisemblablement aussi puissant en France qu’en Autriche, si ce n’est plus. De fait, ils devraient donc éprouver le même type de sanction qui leur donnerait un score final de l’ordre de la dizaine de pourcent (et non entre 15 et 23% comme ce fut le cas en Autriche et … comme l’annoncent déjà les instituts de sondage français à l’égard des candidats issus du parti dit « socialiste » et des dits « républicains »). Ce rejet sera encore plus massif si, comme cela en prend le chemin, ces partis désignent des candidats qui portent une large responsabilité dans l’incurie que connaît notre pays depuis des décennies. Messieurs Hollande, Sarkozy et Juppé font bien sûr figure de cadors dans ce registre. Mais tous leurs soi-disant « challengers » des primaires ont tous occupés des postes gouvernementaux ces dernières décennies et partagent donc les responsabilités des échecs que nous connaissons. Nul doute donc que les seules étiquettes P « S » et L « R » suffiront à transformer leurs porteurs en pestiférés pour nombre de citoyens (et il en sera de même pour tous les partis satellites – EELV et UDI en tête – qui ont participé de cette incurie). Dans ce registre, il ne faudra pas se fier aux résultats des consultations électorales réalisées depuis 2012 : les abstentions importantes de toutes ces dernières consultations ont permis aux partis de gouvernements de se targuer de score on ne peut plus flatteur eu égard à leurs résultats comparés non au nombre de votant mais à l’ensemble du corps électoral. Or, traditionnellement, l’élection présidentielle demeure en France une élection hautement mobilisatrice et avec par voie de conséquence une abstention très faible. Ce que feront les 30 à 40% de Français qui n’ont pas voté depuis 4 ans mais qui feront le choix de se déplacer en avril 2017 pèsera donc lourd dans le résultat[iii]. Ce sera même très certainement décisif et aucun institut de sondages n’est en mesure de prédire quel sera leur comportement. En pratique, les résultats calamiteux des politiques menées par la dyarchie PS-LR depuis 40 ans (rajoutés aux multiples affaires de corruption et d’incompétences notoires qui les ont accompagnées) feront qu’ils ne pourront guère s’appuyer sur plus que la clientèle électorale qui doit ses prébendes et petits plaçous à l’oligarchie en place. Et cette clientèle se réduit de plus en plus à peau de chagrin.
Dans cette configuration, il y a donc fort à parier que les présidentielles ne seront pas, comme l’annonce l’oligarchie médiatique, un jeu à trois entre PS, LR et FN. Il y a largement la place pour qu’un 4e candidat – et pourquoi pas un 5e – vienne bousculer les pronostics douteux des sondages[iv]. Les sophismes électoralistes du « vote utile » en risquent d’en être encore plus invoqués, et encore plus en pure perte. Certains voient dans Jean-Luc Mélenchon cette possibilité de renversement du fonctionnement supposé traditionnel de la Ve République[v]. Le candidat du parti de gauche risque toutefois de payer cher ses ambiguïtés sur des thèmes qui seront centraux dans l’année qui vient : la souveraineté et la Nation[vi]. M. Mélenchon et son parti se font en effet fort de réaliser l’improbable – et même impossible – mariage du libertaire et du républicain[vii]. Aussi, tout autre candidat qui sera prendre le contre-pied des politiques libérales-libertaires portées par la dyarchie PS-LR et lever l’hypocrisie du FN sur ces sujets (n’oublions que jusqu’à la fin des années 2000, le parti de la famille Le Pen portait un programme ultralibéral dont on a pu constater les réminiscence dans sa position ambigüe sur la loi el Khomri) pourra donc se présenter comme un candidat sérieux à la qualification au second tout, et par là-même (le rejet du FN demeurant probablement majoritaire parmi les Français, l’opposant à Marine Le Pen au 2nd tour dispose de très fortes chances d’élections) à la magistrature suprême. Ce candidat peut être issu d’un des « petits » partis qui émergent. Il peut aussi être un homme (ou une femme) en dehors de tous partis, n’ayant souffert aucune compromission avec l’oligarchie qui, comme le fit Charles de Gaulle, fait de l’élection présidentielle une rencontre avec le peuple français. Pour lui redonner enfin la dignité si longtemps bafouée par les Sarkozy, Hollande et autres politiciens qui n’ont eu de cesse de se servir en lieu et place de servir la France.
[i] Que l’on peut retrouver sur la page Wikipédia ® consacrée à cette élection : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_autrichienne_de_2016
[ii] Lire également Jean Sévilla, Autriche : le laboratoire de l'Europe d'après, Figarovox, 23/05/2016.
[iii] Lire également En cas de référendum sur l'Union européenne, le Frexit pourrait l'emporter , Thomas Guénolé, Figarovox, 18-août-16.
[iv] Ce qui, lorsque l’on prend un peu de profondeur historique, n’est absolument pas le cas : il n’y a que depuis 2002 que les élections présidentielles se jouent entre un unique candidat PS et un unique candidat UMP avec le FN en rôle de trouble-fête.
[v] Sondage BVA : Mélenchon peut passer devant Hollande !, Emmanuel Berretta, Le Point, 15-juin-16.
[vi] Et derrière ces thématiques, l’Union européenne et l’euro.
[vii] Sur ce point lire Mélenchon, les institutions et la souveraineté, Jacques Sapir, russeurope, 21-juin-16.