La réforme de la politique familiale annonce la destruction de tout le système de sécurité sociale
La réforme de la politique familiale annonce la destruction de tout le système de sécurité sociale
En annonçant la mise sous condition partielle de revenus des allocations familiales, le gouvernement poursuit donc son offensive contre le modèle de politique familial français. Sous prétexte de « justice sociale » (mais c’est là une appréciation bien singulière de la justice sociale en particulier, et de la justice en général[i]), les ménages les plus « aisés » toucheront donc des allocations moindres, mettant ainsi fin au principe d’universalité qui leur était attaché. Reste à voir comment le gouvernement définira ce qu’est un ménage « aisé ». Or, pour parvenir aux 800M€ d’ « économies » promises[ii], il y a fort à parier que l’assiette sera large et qu’il est en France de nombreux « aisés » qui s’ignorent (comme tous ceux qui ont vu leur feuille d’impôt exploser en cette fin d’année 2014).
Mais là n’est pas le plus grave. Car ce faisant, le gouvernement a retiré la pierre de voute de l’édifice que constitue notre modèle social. En effet, rien n’interdira alors, chaque année et à chaque nouveau clic d’austérité néolibérale, de descendre un peu, de manière plus ou moins indolore, le niveau de revenu à partir duquel les allocations familiales deviennent dégressives (ou tout simplement de rendre ce niveau indépendant de l’inflation). On le voit bien : c’est une manière simple d’amorcer le dispositif qui à terme fera totalement disparaître les allocations familiales au moins pour toutes les classes moyennes, y compris celles qui en pratique ont des conditions d’existence proches des classes populaires.
La logique ne s’arrête toutefois pas là. Si l’on suit le raisonnement du gouvernement, au nom de la « justice sociale », il semblerait normal que les ménages les plus aisés – ou supposés tels – perçoivent une aide inférieure pour l’éducation de leur enfant. Qu’est-ce qui empêche alors d’appliquer le même principe au remboursement des soins : les plus « aisés » se verraient ainsi soumis à un taux de remboursement moindre. De même pour les retraites ou pour les allocations chômage (on pourrait ainsi estimer, par exemple, que quelqu’un qui gagne 6000€ par mois (au début, puis au fur et à mesure on fera descendre ce niveau …) n’aurait pas besoin de retraite ni d’allocations chômage s’il en venait à perdre son emploi). Avec, en arrière-pensée, l’effet de cliquet cité supra qui permettrait , à chaque fois que la doxa néolibérale et la technocratie bruxelloise (car c’est bien de cela dont il s’agit) exige sa cure d’austérité, de descendre un peu plus le niveau supposé à partir duquel sont dégressifs et les allocations familiales, et les remboursements de soins, et les retraites et les allocations chômage, pour, in fine, faire totalement disparaître tout notre système de protection sociale, à l’exception probable (et tout de même heureuse) des tranches de population les plus frappées par la pauvreté (quoiqu’il semble que Macron & Cie nous préparent de belles surprises à leur égard, notamment en ce qui concerne les allocations chômage) : il ne faudrait pas que celles-ci en deviennent suffisamment désespérée pour nourrir des mouvements d’agitation sociale à même de perturber l’ordre établi (ou plutôt le désordre établi : l’anarchie n’étant finalement bénéfique que pour ceux qui ont les moyens, essentiellement financiers, de se prémunir contre les aléas de la vie).
A terme, les effets seront catastrophiques pour notre société qui s’en trouvera encore plus fragmentée et tiraillée par des effets de classes que pourtant l’on prétendait sinon faire disparaître, au moins amoindrir (ha la belle devise de notre République !) :
- D’un côté, une classe de super-riches, que leurs moyens financiers permettent de s’exiler où bon leur semble, d’optimiser leur fiscalité, de vivre dans des quartiers privés, de se faire soigner dans des cliniques privées et de placer leurs enfants dans des écoles non moins privées, les oboles d’allocations versées actuellement par l’Etat ne représentant de toute façon pas grand-chose pour eux (et par voie de conséquence la perte de celles-ci étant quantité négligeable), si ce n’est le pourboire hebdomadaire versé à leur groom ou les étrennes de leur concierge.
- A l’opposé, une classe populaire minée par le chômage, sans perspective autres que les perfusions allouées par l’Etat et qui de toute façon n’aura aucun intérêt à chercher à s’extraire de cette situation puisque dès lors que ce commencera à être le cas, elle se verra perdre l’accès au dites perfusions tout en commençant à être sérieusement ponctionnée fiscalement.
- Et au milieu, une immense majorité dont la supposée aisance financière ne permet pas de rejoindre la première (la méritocratie actuelle ayant ses limites, hormis quelques traders, footballeurs et autres insignifiantes stars de papier glacé, bien nombreux sont ceux qui, malgré force travail, qualités et compétences, se voient barrer l’accès aux sommets de la 1ère classe faute de réseau au sein de l’oligarchie qui la compose) mais dont les revenus sont toutefois suffisants pour se voir amplement ponctionnés tout en étant recalés de l’accès aux dispositifs de protection sociale. Cette immense majorité finira bien un jour par se demander ce qu’elle est venue foutre dans tel « contrat social » dans lequel elle est la seule à s’acquitter de devoirs sans que pour autant la collectivité ne lui assure quoi que ce soit.
L’ironie de la chose néolibérale a voulu que ce soit un gouvernement dit « de gauche » qui initie un tel mouvement de déconstruction de tout l’Etat-Providence. Milton Friedman en a rêvé, François Hollande l’a fait. Car celui-ci, du haut de son énarchie semble bien ignorer qu’un système de protection sociale, c’est universel ou ça n’est pas. Et en l’occurrence, grâce à lui, bientôt ce ne sera plus. Et le contrat social qui fonde notre République et notre Nation avec. Mais connaissant la proximité des idéologues-opportunistes au pouvoir avec les utopies mondialistes néolibéraux made in Jacques Attali (sur ce point le dernier passage de celui-ci à Ce soir ou jamais, le 10 octobre 2014, vaut le détour), c’est de toute façon peut-être bien là l’objectif, sinon avoué du moins rêvé.
[i] Cela mériterait une réflexion particulière – et philosophique – que je tenterai de livrer dans les jours prochains si le temps me le permet.
[ii] Economies qui de plus ne serviront à rien, si ce n’est à accroître le marasme économique de notre pays. Ces 800M€ retirés aux ménages seront autant de consommation et d’investissements en moins, consommation et investissements qui seraient allés nourrir l’activité économique et donc l’emploi et … les recettes de l’Etat. Mais foutredieu quelqu’un pourrait-il se dévouer à aller expliquer au théâtre de Grand-Guignol qui nous fait office de gouvernement ce qu’est le multiplicateur économique !? Même le FMI – c’est dire ! – à fini par comprendre.