Médias & subventions publiques : ces assistés qui s’ignorent
Médias & subventions publiques : ces assistés qui s’ignorent
La presse grand public sonne en cœur, ou presque, pour lutter contre la dépense publique et l’assistanat. On retrouve ainsi ci-dessous un florilège de ces unes les plus tapageuses :
La presse dite « de gauche », si elle procède, sur ce sujet, moins par unes tapageuses, n’est pas un reste. Le Monde (15/10/2011) s’interroge ainsi : « La France est-elle un pays d’assisté ? », la tournure de la question laissant sous-entendre la réponse. Le 5 avril dernier, il en appelait encore à lutter contre la dette publique. Dans Les Inrockuptibles (16 novembre 2011), Serge July plaide pour une rigueur « de gauche » (1). Vincent Giret lui emboîte le pas dans les colonnes de Libération le 6 décembre 2011(2). L’inénarrable Christophe Barbier espérait (L’Express, 04/11/2011) un « bon président » qui prendrait des « mesures précises, douloureuses et efficaces » pour « ne plus attendre de l’ « Etat Mama » les soins et les consolations ». On n’oubliera pas, bien sûr, l’inévitable, Alain Minc, présent à tour de rôle dans à peu près tous les médias : « Je crois qu’on est désormais dans un nouveau paradigme qui est le suivant : la vertu budgétaire crée la confiance, la confiance crée la consommation et l’investissement. La consommation et l’investissement créent la croissance. Aujourd’hui, le paradigme c’est : “Vertu budgétaire, confiance, croissance”. Et donc, de ce point de vue, les gestes faits pour établir la confiance vis-à-vis des marchés sont le meilleur encouragement à la croissance, bien plus que ne l’était autrefois quelques milliards dépensés » (3). Nicolas Baverez, incontournable au Point, mais précédemment à l’Express, pousse, lui, le bouchon encore plus loin : « Autant il est apprécié pour aller dans le Luberon, autant, pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance, des faits malheureusement prouvés par les études » (4).
Bien évidemment, ces éditocrates ne relèvent que rarement parmi tous ces « assistés » qu’ils vilipendent à loisir, la moitié d’entre eux, par exemple, ne réclame pas le RSA quand ils y sont éligibles (5).
Mais surtout, ils omettent bien de préciser qu’en termes d’assistanat et qu’à propos de venir téter au sein de « l’Etat Mama », ils sont champions ! Le ministère de la Culture et de la communication dévoile en effet les chiffres des subventions publiques touchées par les organes de presse (que l’on peut retrouver ici). Les montants (2013) sont faramineux :
Le Figaro, cette officine de propagande au profit de M. Dassault (6), s’adjuge ainsi, pour lui seul, l’équivalent de 3000 RSA annuels. En termes de « France de l’assistanat », l’avionneur bat tous les records ! Mais il n’est évidemment pas le seul, car la quasi-totalité de ces organes de presse sont la propriété de Français qui sont loin de connaître le besoin : Les Echos (4M€ de subventions) appartiennent à Bernard Arnault (LVMH, 1ère fortune française), Le Point (4,7 M€) à François Pinault (3e), Libération à Patrick Drahi (6e), Le Monde (16,2M€), Télérama (10,1M€) et Le Nouvel Observateur (8,3M€) à Xavier Niel (7e) (7), Aujourd’hui en France (12M€) et Le Parisien à la famille Amaury (154e), Télé 7 jours (6,9M€) et Paris Match (5M€) à Arnaud Lagardère (170e). L’argent public servant à subventionner les plus grands fortunes à travers des journaux qui dénoncent l’assistanat du petit peuple et appellent à la réduction des dépenses publiques, quelle ironie (8) !
[1] Cf. Les éditocrates sonnent le clairon de la rigueur, Mathias Reymond, Acrimed.org, 12-déc-11.
[2] Id.
[3] RTL, 16/08/2011.
[4] L’Express, 08/02/1996, cité par Serge Halimi, Les nouveaux chiens de gardes, Raison d'agir 2005, page 91
[5] Cf. Prestations sociales : à l’opposé de ceux qui abusent du système, ceux qui y auraient droit mais ne les perçoivent pas, Dominique Tian, Atlantico.fr, 11-nov-12 ; ainsi que RSA: la moitié des ayants droit ne le demande pas, Huffingtonpost, 08-juil-13.
[6] Lire Le Figaro et les flagrants délires de Dassault, Romain Massa, Marianne, 16-juil-14.
[7] Cf. Pierre Rimbert, La joie de servir, Le Monde diplomatique, juillet 2014.
[8] A l’opposé, alors même qu’il est le journal français le plus diffusé dans le monde (2,4 millions d’exemplaires), Le Monde diplomatique n’apparaît même plus dans ce classement 2013. En 2012, il avait touché 188 000 euros de subventions directes ou indirectes …