Banzaï ! François Hollande ou l’agitation en guise de politique
Banzaï ! François Hollande ou l’agitation en guise de politique
Diantre ! La France portera donc en berne ses drapeaux pendant trois jours[i]. Le crash de l’avion d’Air Algérie semble ainsi avoir complètement monopolisé l’espace politique. Le président de la République intervient presque quotidiennement, les réunions ministérielles se succèdent (parfois plusieurs par jours) et au bout du compte on se sait plus vraiment qui est une chaîne d’information : I-télé ou l’Elysée ?
Nonobstant l’indéniable respect que l’on doit aux souffrances des familles des victimes, on peut toutefois s’interroger sur le sens de tout ce barnum. Car au fond qu’apportent réellement l’action présidentielle et l’action gouvernementale en dehors d’une bonne dose de pathos à peu de frais ? Pas grand-chose, si ce n’est occuper le terrain médiatique. François Hollande s’est ainsi transformé en Michel Bernardin, le Coluche du film Banzaï ! : une espèce de haut expert en assurance à la mode Séraphin Lampion, compatissant à foison, pour victimes d’accidents à l’étranger. L’Elysée mué en « Planète assistance ». Sauf qu’au moins Coluche nous faisait rire. François Hollande, lui, nous plongerait plutôt dans la déprime, si ce n’est la dépression chronique. Car l’expert en assistance ne vaut pas pour tous, soyez-tranquille. Palestiniens et Ukrainiens peuvent continuer à mourir en masse et en paix (ou plutôt en guerre), la France est aux abonnés absents, ou plutôt suit une ligne politique à faire pâlir d’envie les néoconservateurs américains les plus détraqués. Donald Rumsfled et Dick Cheney pourrait officier comme conseillers spéciaux à l’Elysée, que ça n’y changerait pas grand-chose. La dérivée de l’accélération de la hausse du chômage poursuit sa courbe descendante (à moins que ce ne soit l’inverse) : +0,3% encore en juin. On continue, malgré les dires faussement rassurant de M. Fabius, à nous mitonner en douce un joli traité transatlantique qui risque fort de détruire ce qu’il nous reste de régulations sociales, financières et environnementales. La régulation bancaire avance à coups de pistolets à bouchon neurasthénique : un an après le vote d’une loi déjà pas bien contraignante à l’égard des banques, la moitié des décrets ne sont pas publiés pendant que l’un des ministres en charge du dossier se complait dans un humour douteux sur ses amis de la « bonne finance ». Après l’affaire Cahuzac, de Mme Benguigui à M. Le Guen, les élus socialistes peuvent continuer à prendre les libertés qui leur semblent de bon aloi avec la soi-disant « moralisation de la vie publique »[ii]. General Electrics a obtenu à peu près tout ce qu’il voulait dans le dossier Alsthom. La France continue à se faire allégrement marcher dessus par ses « partenaires » européens. Après la saignée qui lui a été imposée, le Portugal continue à couler normalement (par décence, on évitera d’évoquer le malade grec qui, au bord de la mort clinique après 4 ans de cure néolibérale et une régression sociale et économique probablement sans précédent, vient de dépasser son niveau d’endettement d’avant la crise) et les banques européennes à traficoter comme bon leur semble sous l’aimable contrôle de la Troïka (BCE, FMI, Commission européenne). Pendant ce temps Luxembourg, patrie du nouveau patron de la Commission, continue à sévir comme parasite fiscal en chef de l’UE.
Mais à part ça, tout va très bien Mme la marquise, ou plutôt … Banzaï M. le président !
On pensait que Nicolas Sarkozy avait atteint des sommets en termes de dévalorisation de la fonction présidentielle. Il faut bien l’admettre : le bien peu charismatique leader de la faction de « gauche de droite » qui lui a succédé va finir par faire passer notre blouson doré de Neuilly pour un grand sage.
[i] Les pompiers, policiers et soldats qui ont fait le choix de servir leur pays et meurent pour la France dans l’exercice de leur métier n’ont pas droit à cet honneur.
[ii] De toute façon lorsqu’ils ne sont plus élus, on peut toujours trouver une « bonne âme » de son clan pour être recaser à peu de frais (si ce ne sont ceux de la République). Cf. Anne Hidalgo a-t-elle "recasé" ses amis à la mairie de Paris ?, Le Point, 06-juin-14.