SORTIR DE L’EURO : ON NE PEUT PAS OU ON NE VEUT PAS ? LA QUESTION DE LA DEMOCRATIE.
SORTIR DE L’EURO : ON NE PEUT PAS OU ON NE VEUT PAS ? LA QUESTION DE LA DEMOCRATIE.
« Tout le monde savait que c'était impossible. Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l'a fait. »
Marcel Pagnol
Ce billet s’inscrit dans le prolongement d’un débat initié à la suite d’une critique d’un article de M. Colletis-Wahl (ici), à laquelle celui a eu l’amabilité de répondre (ici).
Introduction
« L’euro est irréversible » : c’est une litanie que l’on entonne religieusement en eurobéatitude (notamment de la part de Mario Draghi, patron de la BCE). Il s’en trouve au sommet de la technocratie européenne (mais pas seulement) à croire que leurs créations humaines sont éternelles. L’assertion en elle-même non seulement décrédibilise leurs auteurs mais laisse entrevoir ce qu’est leur vision de la démocratie. Dans leur eschatologie de « fin de l’histoire », ces demi-dieux prétendent donc à l’éternité et surtout au droit et au devoir de dicter aux peuples le sens de leur destinée. Autre époque, autre économicisme totalitaire : les marxistes aussi clamaient l’avènement inéluctable de la fin de l’histoire. Seul le moyen change (la monnaie unique pour établir le marché parfait versus la dictature du prolétariat à l’issu de la lutte des classes), mais le mépris de la démocratie, de la culture (en fait de tout ce qui n’est pas économique), et tout simplement de l’Homme, est le même. L’échec est du même ordre. En économie, bien sûr : entre 1999 et 2008, la croissance moyenne de la zone euro n’a été que 1,9% alors que les pays européens qui ont le choix de ne pas rentrer dans la monnaie unique (en particulier Royaume-Uni, Danemark et Suède) ont connu une croissance moyenne de 2,5%. Dans le même temps, le taux moyen de chômage était de 8,5% pour les premiers pour seulement 5% chez les autres. La crise nées des subprimes a encore accru le décalage : de 2009 à 2013, la zone euro s’est contractée de 0,4% et son chômage s’est envolé à 12,5% pendant que les pays européens non membres connaissaient une croissance de 0,2% et contenaient le chômage dans une proportion beaucoup plus raisonnable de 7,5%[i]. Mais au-delà de l’économie, l’échec de l’euro est avant politique et idéologique.
Que les choses soient toutefois claires : il n’est aucun pourfendeur de l’euro un tant soit peu sérieux à affirmer que la sortie de l’euro sera un partie de plaisir et une solution miracle. Ce ne sera ni l’un ni l’autre. Une sortie de l’euro ne résoudra rien si elle ne s’accompagne pas d’autres réformes de fond (notamment constitutionnelles, fiscales ou encore administratives). Mais là où la sortie de l’euro prend tout son sens, c’est que sans elle toutes ces réformes ne pourront être ou sinon ne seront que des artifices de communicants sans lendemain, comme nous le montrent si bien les échecs successifs de la droite comme de la « gauche » depuis de nombreuses années. Sans sortie de l’euro, il n’y a affectivement par d’alternative (le fameux « TINA[ii] » de Margaret Thatcher) au carcan dogmatique néolibéral dans lequel la monnaie unique nous a enfermé. Tout l’enjeu de l’euro est là : continuer à subir la doxa néolibéral, sous diktats financiers, ou offrir d’autres alternatives aux peuples souverains. La tyrannie des marchés ou la démocratie recouvrée.
Une monnaie au service de collectivité, et non l’inverse !
Il est relativement étrange de voir les tenants de l’euro imaginer que le fonctionnement de l’émission des Bons du Trésor – et du rôle dévolu à la Banque de France – ne serait pas modifié par une sortie de l’euro. Postulat bien singulier en fait : dans une telle configuration, tout change mais rien ne change. Car tout l’intérêt de la sortie de l’euro réside justement dans une modification, sinon radicale au moins substantielle, de la politique monétaire : il n’y a absolument aucun intérêt – bien au contraire – à sortir de l’euro pour conserver exactement la même politique. Or, ce changement de politique monétaire, n’en déplaise aux doux rêveurs internationalistes du Front de Gauche (parmi d’autres), nous ne l’obtiendrons pas avec la BCE. D’une part, parce que la politique monétaire de la BCE est inscrite dans le marbre des traités et qu’il faudrait éditer un nouveau traité européen puis le faire approuver par tous les participants (une véritable gageure dans le contexte actuel) ; et d’autre part – et surtout – qu’il faudrait l’assentiment de l’Allemagne. Or cela, pour des raisons qui lui sont propres et bien compréhensibles (notamment son contexte démographique), l’Allemagne n’en veut pas et n’en voudra pas.
Pour changer de politique monétaire, il faudra changer de monnaie. Dont acte : il ne s’agit en fait ni plus ni moins que de mettre un terme à, ou du tout moins adoucir, la sacro-sainte indépendance de la Banque centrale. Remettre la monnaie au service de la polis[iii]. En refaire un instrument légitime de la démocratie. Les monétaristes néolibéraux en diable crieront à la révolution hérétique. Mais c’est pourtant bel et bien la situation de la zone euro qui est à contre-courant : l’immense majorité des banques centrales des monnaies souveraines, à commencer par celle en charge du dollar américain[iv], ne bénéficient que d’une indépendance toute relative. On relèvera également ici la position souvent dogmatique des thuriféraires des Mario Draghi, Jean-Claude Trichet et consorts : une banque centrale c’est indépendante ou ça n’est pas. Et lorsque ça ne l’est pas, elle s’en trouve, à la botte du politique, contrainte à exécuter n’importe quelle lubie électoraliste. Or, justement rien n’est plus faux. Outre le fait que c’est là encore une forme singulière de mépris profond de la démocratie (si le politique élu est trop irresponsable et démagogue pour qu’on lui confie la monnaie, alors mieux vaudrait aussi, très certainement, éviter de lui confier de la même manière la police, l’armée, le fisc, le niveau du SMIC, les allocations familiales, les radars routiers, bref à peu près tout en fait), c’est là une profonde imperméabilité à la nuance qui démontre tout le caractère idéologique – et borné – qui relève d’une telle approche : il existe une multitude de garde-fous (à commencer par le simple contrôle du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif) envisageables pour empêcher une banque centrale de faire tout et n’importe quoi afin de satisfaire n’importe quelle lubie politicienne. On citera pêle-mêle : un seuil maximal de création monétaire par rapport au PIB, un juste équilibre entre chômage et inflation ou même, tout simplement, l’interdiction de dépasser un certain seuil d’inflation (mais pitié qu’on en finisse avec ce seuil, sectaire et relevant d’une mystique quasi-religieuse, des 2% d’inflation).
On relèvera également que la BCE n’a pas fait disparaître la Banque de France et que celle-ci est bel et bien toujours la propriété de l’Etat français. Une réquisition de la Banque de France, si elle violerait les traités européens, non pas forcément dans l’action en elle-même mais dans les exécutions qui s’en suivraient, est donc parfaitement envisageable[v].
En conséquence de quoi, si l’on change de monnaie ce sera donc bien pour changer de politique monétaire. On ne voit de tout façon vraiment pas l’intérêt qu’il pourrait y avoir à sortir de l’euro pour faire comme si ne rien n’était ! Ici encore, il est bien étrange de s’entendre dire qu’une sortie de l’euro induirait une austérité encore plus marquée dans le but de maintenir le cours du Franc par rapport aux autres monnaies. A en croire que l’austérité, et les politiques monétaires ultra-restrictives qui l’accompagnent, est l’unique logiciel de pensée imprégnant le cerveau de tout bon néolibéral. Et bien non justement : sortir de l’euro n’induira nullement une politique du Franc fort, politique qui demeurant, du Franc Poincaré au monétarisme sauvage des années 1990 nous accrochant à tous prix au mark en préparation de l’euro[vi], en passant par la déflation non moins sauvage de Pierre Laval[vii] et le rigueur mitterrandienne post-1983, n’a jamais guère réussie à la France. Car, c’est là tout l’enjeu : recouvrer une monnaie qui soit cohérence avec l’économie française et se défaire de cet euromark qui nous impose les caractéristiques de notre voisin d’outre-Rhin. Certes, dans ces conditions le Franc sera moins fort que le Mark et en connaîtra bien sûr quelques dévaluations. Mais il sera également plus résistant que la Lire italienne ou la Peseta espagnole, sans parler du Drachme grec, qui ne manqueront pas de réapparaître à l’occasion. Et de toute façon, or la satisfaction narcissique de se gargariser de posséder une monnaie « forte » (ce qui est tout relatif), et alors ? Il n’existe aucune étude, aucune analyse, aucune démonstration, qui étaye l’hypothèse farfelue liant économie prospère et monnaie forte. Ce serait même plutôt le contraire. Après 20 ans de déflation (qui a vu en plus exploser l’endettement public !), le Japon, qui laisse bien descendre le cours de sa monnaie pour dynamiser son économie à coups de monétisations (les fameuses « Abenomics » [viii]), en est une très bonne illustration. A contrario, l’euro, de par sa construction elle-même, porte l’austérité dans ses gènes. Dès lors, l’austérité étouffant la croissance, elle écrase les recettes des Etats, alourdit la charge de la dette par rapport au PIB, et exige donc encore plus ... d’austérité. C’est ainsi que, comme le souligne, Mark Blyth (Professeur d'économie politique internationale à l'université Brown (Rhode Island, Etats-Unis)), tout espoir de reprise en zone euro demeure vain[ix]. L’euro, c’est Sisyphe poussant le rocher de l’austérité jusqu’à la mort des peuples. Et ça l’est d’autant plus que, comme l’a très démontré Jean-Luc Gréau[x], la France a, dès les années 1990, sacrifié son équilibre comptable et sa politique budgétaire sur l’autel de la création de l’euro.
La monétisation, bien sûr, ne se suffit pas à elle-même. Redynamiser le crédit passera sans conteste par les banques commerciales. Mais cela ne veut pas dire pour autant nationalisation systématique de celles-ci. La sortie de l’euro et le recours à la création monétaire au service de l’Etat n’induit nullement par ailleurs de couper les liens qui relient la Banque de France aux banques de second rang, contraignant par-là ces dernières à un fonctionnement « 100% monnaie »[xi]. Toutefois, une redynamisation des crédits a bien plus de chance d’advenir en imposant, parallèlement à une sortie de l’euro, une séparation des activités de dépôts et d’investissements et en mettant en place un réel service public du crédit au bénéfice des particuliers et des PME (rôle qui pourrait être dévolu à la Banque postale, sans nationaliser pour autant l’ensemble du secteur bancaire). Il va donc évidemment de soi qu’une sortie de l’euro ne pourrait qu’être accompagnée d’une réforme radicale du système financier, cette dernière ayant au demeurant bien peu de chances d’advenir dans le carcan qu’est l’euro, symbole de plus en plus marqué de la tyrannie financière sur les peuples, du pouvoir de l’argent sur celui de la République[xii].
La question du rétablissement du contrôle des capitaux
Autre lieu commun de la pensée néolibérale : dans l’économie ouverte que nous connaissons, un rétablissement du contrôle des échanges internationaux des capitaux serait impossible et s’il était tenté mènerait tout droit à la catastrophe. Les imbéciles de Pagnol ont décidément du pain sur la planche. Et le plus étonnant, c’est qu’on en trouve au cœur même des institutions européennes : ce qui a été fait, au passage en violant sans vergogne l’esprit sinon la lettre des traités, au moment de la crise chypriote n’est ni plus ni moins qu’un rétablissement du contrôle capitaux, correspondant de facto à une exclusion au moins temporaire de Chypre de la zone euro[xiii] !
Chypre n’est de plus absolument pas un cas isolé dans l’histoire économique contemporaine. Sans même parler de la Chine qui soumet les entrées et sorties de capitaux à un contrôle strict, au moment de la crise asiatique (1998), la Malaisie et la Thaïlande avait, eux aussi, rétablit le contrôle des capitaux[xiv]. En plein cœur de sa propre crise, la Russie en avait fait de même en 1999, ce qui lui a ainsi permis d’ouvrir la porte au rebond qu’a connu ce pays par la suite[xv]. Le FMI lui-même a fini par reconnaître que le contrôle des capitaux n’était pas un outil si exotique que cela et pouvait s’avérer être nécessaire[xvi].
La question du démontage de la zone monétaire
Passée la question du rétablissement du contrôle des capitaux, la propagande néolibérale se fait fort de clamer, sans réellement argumenter, que le démontage d’une zone monétaire serait chose impossible ou sinon techniquement si complexe qu’elle mènerait encore une fois à la catastrophe. C’est oublier que de la fin de l’empire austro-hongrois[xvii] à la séparation tchécoslovaque à l’amiable et en douceur de 1992, en passant par la fin de l’URSS, près d’une centaine d’union monétaire ont pris fin depuis un siècle[xviii]. L’une d’entre elles a-t-elle laissé le souvenir d’une catastrophe économique majeure ? Non. Le démantèlement de l’URSS ne s’est certes pas fait allègrement, mais la fin du rouble dans les républiques qui ont fait le choix de se séparer de la Russie et de sa monnaie n’y était pas pour grand-chose.
En pratique, le coût technique d’une sortie serait évalué entre 300 et 700 millions d’euros[xix]. Cela peut paraître important en soi, mais c’est en pratique 100 fois que les intérêts de la dette publique (de l’ordre de 60 milliards d’euros) dont nous nous acquittons annuellement !
La question de la dette publique
Et c’est là justement l’une des questions majeures relatives à la sortie de l’euro. On peut toujours ergoter dans tous les sens mais la conversion de la dette publique dans la nouvelle monnaie émise relève bien d’une règle de droit international, utilisée jusqu’à présent dans les multiples démontages de zone monétaire (REF) : une dette émise en droit français reste soumise au droit français, comme le confirme d’ailleurs le lien donné par M. Colletis-Wahl lui-même. En outre, une sortie de la France de l’euro entrainerait très probablement une dissolution de l’euro lui-même. Il deviendrait alors pour le moins malaisé de rembourser une dette dans une monnaie qui n’existe plus !
La question de l’attractivité des Bons du Trésor français se résout également par la possibilité pour la Banque de France de voler au secours de l’Etat. C’est effectivement ce que fait la FED, mais aussi la Bank of England (et bien d’autres pays qui ont su conserver leur souveraineté monétaire) ! Il ne s’agit nullement d’effacer la dette publique « d’un coup de baguette magique » mais de la rendre bien plus supportable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Dans le contexte actuel, il faudrait des décennies d’austérité[xx] (sachant que l’austérité elle-même réduit la croissance, donc le désendettement …) pour revenir, par exemple, au simple ratio (dogmatique) des 60% de dette publique par rapport au PIB. Peut-on sérieusement penser que les peuples européens continueront à accepter cela sans sourciller ? La sortie de la zone euro permettrait non pas de rembourser toutes les dettes publiques existantes en monnaie de singe (même si c’est théoriquement possible, ce serait complètement irresponsable) mais d’avoir la possibilité de réaliser les nouvelles émissions de dettes en partie par les marchés (à condition que les taux soient supportables), en partie par la Banque de France, tout en faisant remonter l’inflation à un taux maîtrisé (de l’ordre de 4-5%[xxi]) qui permette d’apurer les dettes, tant publiques que privées, sur la durée. Sur ce point de l’inflation, il est une légende urbaine tenacement entretenue par les libéraux : celle de l’hyperinflation allemande des années 1920[xxii]. Or, celle-ci n’est pas le fait de la création monétaire mais bien plus du coût des reconstructions faisant suite à la guerre, de l’énormité des réparations dont doit s’acquitter l’Allemagne et … de l’excès de recours aux marchés spéculatifs étrangers pour financer sa dette publique ! On notera que l’épisode d’hyperinflation allemande se déroule en 1923-1924 (soit 10 ans avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir). Par la suite, l’économie allemande connaît une période de croissance jusqu’à la crise de 1929. Cette année-là, tandis que Wall Street s’effondre, le parti nazi n’occupe que 12 sièges au Reichstag. S’ensuit la brutale politique d’austérité[xxiii] du chancelier Brüning (1930-1932) qui enfonce encore plus l’Allemagne dans la crise. En 1933, l’Allemagne a 6 millions de chômeurs et le parti nazi remporte 288 sièges au Reichstag[xxiv] …
Il ne s’agit pas non plus, comme dans le cas de l’Argentine, de faire défaut sur la dette (même si l’option du défaut partiel mériterait d’être étudiée et non simplement balayée d’un revers de la main). Dépréciation n’est pas dévaluation. La première est subie, la seconde résulte d’un choix politique, certes parfois contraint, d’aligner le cours d’une monnaie sur les réalités économiques. Et c’est bien cette seconde option qu’il s’agirait de suivre. En outre, ne confondons pas causes et conséquences, les plus grandes difficultés de l’Argentine ne sont pas nées du moment où elle a fait défaut sur sa dette mais bien de l’époque où, par choix idéologique monétariste (justement !), elle arrimait sa monnaie au dollar, s’insérant par-là elle-même dans une zone monétaire (la zone dollar) que son économie ne pouvait supporter. Le peso argentin s’est absurdement arrimé au dollar américain comme aujourd’hui la France, et la plupart des autres membres de la zone euro, s’arrime à l’euro qui est en fait bien proche d’être un « euro-mark ».
Inflation, dévaluation, dépréciation
Sortant de l’euro, il faudra donc bien évidemment dévaluer. Mais la dévaluation n’est pas une affaire abstraite qui se fait dans le vide : elle en rapport à des points de référence. Pour l’Europe, celui-ci est naturellement le mark (ou l’euro-mark si l’on fait le choix plus raisonnable, mais malheureusement peut-être moins probable, d’une sortie négociée qui permettrait de passer d’une monnaie unique à une monnaie commune). Sur ce point, Jacques Sapir est loin d’être seul à prêcher dans le désert et faire des évaluations sur le taux de cette dévaluation que l’on peut estimer comme étant de l’ordre de 20%[xxv]. Mais ces 20% n’ont de sens que par rapport au mark en tant que point de référence. Il est également manifeste qu’à contrario le franc (ou l’euro-franc) s’apprécierait par rapport aux monnaies des pays du Sud de l’actuelle zone euro et resterait, peu ou prou, stable par rapport au dollar.
Par la suite, l’utilisation de la création monétaire au profit du budget de la Nation n’induit pas obligatoirement ni une poursuite continue de la dépréciation sur les marchés de changes ni une inflation non maîtrisée. Si tel était le cas qu’en serait-il de l’état des économies des Etats-Unis (bénéficiant certes du statut très particulier du dollar), mais aussi du Royaume-Uni et surtout du Japon ? Bien au contraire, la seule existence de la possibilité d’emprunter à la Banque de France permet de maîtriser le taux obligataire (dans le cas où le Trésor continue néanmoins à se tourner vers les marchés). C’est d’ailleurs exactement ce qui a permis à la BCE de calmer (provisoirement) la crise de l’euro en affichant sa volonté d’intervenir autant qu’il le faudrait sur les marchés secondaires des dettes publiques pour sauver l’euro. Quant à la peur de l’inflation elle est franchement irrationnelle : elle tourne depuis 5 ans aux alentours de 1,5% aux Etats-Unis, avoisine 0% en Suisse, championne du monde des achats, et en Hongrie, pourtant très hétérodoxe quant à sa politique monétaire[xxvi].
La lubie de l’ « euro fort »[xxvii]
On pourrait estimer, et ils sont nombreux à le faire, que ce n’est pas l’euro qui est inadapté mais simplement son niveau de change. Autrement dit, il suffirait que la BCE mène une politique plus accommodante pour que le niveau de l’euro baisse et devienne par là-même plus supportable pour l’économie française et celles des pays du Sud de la zone euro. Mais justement, non seulement, comme on l’a vu plus haut, la BCE ne voudra pas le faire mais ne peut pas le faire. Car l’euro n’est pas trop fort. C’est-à-dire qu’il n’est pas surévalué. Car dans le système de changes flottants, d’économie ouverte et de liberté de circulation des capitaux que nous connaissons, les taux de change s’équilibrent en fonction de la tenue de la balance commerciale. En effet, lorsqu’une zone monétaire bénéficie d’une balance commerciale excédentaire, cela crée une forte demande des pays extérieurs pour se procurer de la monnaie de la dite-zone afin de pouvoir régler leurs achats. A l’inverse, lorsqu’une zone monétaire est déficitaire, celle-ci doit se procurer de la monnaie des autres pays – et donc vendre de sa propre monnaie – pour régler son déficit. Dans le premier cas, la monnaie a tendance à s’apprécier positivement, tandis que dans le second, elle tend à se déprécier. C’est un simple jeu de la loi de l’offre et de la demande.
Or, le fait est que la zone euro (contrairement à la France prise seule[xxviii]) est excédentaire[xxix] ! L’euro a donc, tout naturellement, tendance à s’apprécier par rapport aux autres monnaies. On peut toujours faire le cabri sur chaise : il n’est ni surévalué ni « trop fort » !
Que faudrait-il faire pour que ce ne soit plus le cas ? Deux solutions :
- Soit on remet radicalement en cause le système de changes flottants et la liberté de circulation des capitaux, ce qui pour la pensée économique dominante (néolibérale) serait en l’hérésie suprême. Une simple et toute petite évocation d’une telle hypothèse, même parcellaire, suffirait à déclencher les cris d’orfraie de toute la technocratie bruxelloise et francfortoise[xxx].
- Soit on joue sur notre balance commerciale. Pour y arriver, on ne va tout de même pas se tirer une balle dans le pied en ralentissant sciemment nos exportations. Reste donc les importations, donc le marché intérieur. Que pourrait faire la BCE pour favoriser la consommation au sein de la zone euro ? Tout simplement, accepter de financer les projets de l’économie réelle (et non exclusivement ses amis banquiers), notamment en monétisant les emprunts publics, ce qui aurait pour effet immédiat de mettre fin aux cures austéritaires et permettrait aux Etats soit de relancer leurs investissements soit de desserrer l’étreinte fiscale qui étouffe leurs peuples (soit, plus probablement, les deux à la fois). Mais tout cela, l’Allemagne, pour des raisons (légitimes, soit dit en passant) qui lui sont propres –en grande partie du fait de sa démographie – ne l’acceptera jamais. Notamment, parce que cela risquerait fort de se traduire par un effet inverse de la course à la déflation que nous connaissons actuellement et déresponsabiliserait, budgétairement parlant, les Etats membres. L’Allemagne, et sa population vieillissante donc de plus en plus rentière, serait alors condamnée à payer par l’inflation le laxisme budgétaire des autres. Sans parler, bien évidemment, de la remise en cause intégrale de son modèle économique bâti sur les exportations que cela induirait. C’est un luxe qu’elle ne peut absolument pas se payer.
La solution consistant à invoquer une hypothétique baisse de l’euro par inflexion de la politique monétaire de la BCE n’est donc qu’un pis-aller utopique servi à l’opinion publique en guise de placebo électoraliste[xxxi].
La question du moment et du comment (politiquement)
C’est là la véritable question et c’est autour d’elle que devrait tourner le débat. «Tôt ou tard, la monnaie explosera, sans la cohésion nécessaire » affirmait Angela Merkel il y a presque 6 mois[xxxii]. Force est de constater que la cohésion n’est pas au rendez-vous et ne semble pas prêt de l’être, si ce n’est pour se martifouetter les uns les autres à coups de politiques austéritaires sous les applaudissements de la Commission européenne.
Du fait du poids de son histoire, si l’Allemagne est probablement prête à abandonner l’euro[xxxiii], surtout si l’on vient à exiger d’elle de nouveaux plans de sauvetage – ce qui, eu égard au niveau d’endettements des pays du Sud qui continuent à croître, finira bien par arriver -, n’acceptera certainement pas d’en prendre la responsabilité. Du moins pas sous les feux de la rampe, tandis qu’en coulisse, il n’est certes pas exclu qu’elle se dise prête à négocier. Mais pas avec n’importe qui. On pourra toujours abandonner la Grèce, Chypre ou le Portugal à leurs propres sorts en dehors de la zone euro, çà ne fera, malheureusement, par sourciller grand monde et ça ne changera pas grand-chose à la zone euro … si ce n’est donner des idées d’ailleurs à des économies un peu plus musclées jusqu’à ce que l’un après l’autre les naufragés de la Méduse-euro abandonnent l’euro pour laisser le couple initiateur en tête à tête. J’ai nommé la France et l’Allemagne. Car dès lors qu’il s’agit d’Europe, tout commencer par là, tout passe par là et tout finit par là : le fameux couple franco-allemand. Une dislocation brique par brique, du plus petit au plus fort, serait évidemment la pire des hypothèses à venir, non pas pour l’euro qui est déjà agonisant, mais pour l’idée européenne elle-même. Car rappelons-le : l’Europe, ce n’est pas la zone euro et ce n’est pas non plus l’Union européenne. Celle-ci n’est qu’une des possibilités de construction européenne. Et ça ressemble de plus en plus foutrement à un chemin d’orties, pour ne pas dire un chemin de croix, qui finit en impasse. Sortir de la zone euro ne signifie en rien la mort de l’idée européenne. Par contre, cela induira clairement une autre orientation de la construction européenne. Une orientation qui tournera le dos à l’austérité technocratique imposée par une clique inféodée au monde de la finance. Cela il faudra bien que quelqu’un le dise et le porte. Et qui d’autres si ce n’est le couple franco-allemand ? L’Allemagne est peut-être prête à l’entendre. Mais la France, avec à sa tête un président de Conseil régional de Corrèze qui a tété le sein de delorisme idéologique dès le plus jeune âge, n’est pas prête à la dire. Du moins, pour l’instant. Car il faut bien espérer que cela finira par être le cas avant que nous soyons confronté à un démontage désordonné qui ressuscitera l’anarchie sur le Vieux Continent. Il en va de la responsabilité historique de la France. Il faudra bien qu’un jour un Président de la République française se point avec ses gros sabots au Conseil européen pour siffler la fin de la récrée financière en disant simplement : « Il suffit maintenant, la France quittera l’euro dans les prochains jours, donc soit on négocie la fin de l’euro, soit je claque la porte ». Nul doute qu’un tel ultimatum gaullien ne serait guère apprécié (mais il est aussi de la responsabilité des diplomates et des intellectuels de préparer un tel assaut psychologique en amont), mais nul doute non plus que, devant l’énormité des enjeux, tout le monde se rallierait, bon gré mal gré, à la première des solutions. Ceci, d’autant plus que la France n’est pas tant dans la position de faiblesse que prétend une certaine intelligentsia décliniste, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. Car si la France a bien 36 milliards de déficit commercial avec notre voisin d’Outre-Rhin, cela signifie aussi, comme le rappel très bien Nicolas Goeztmann que « la France est le premier client de l’Allemagne, et notre exécutif semble avoir oublié que le client est roi »[xxxiv]. Autrement dit, sans la consommation française, la production allemande s’effondre.
Par la même, la porte serait par la suite grande ouverte pour initier un nouveau traité européen, faisant la part belle au confédérale et laissant de côté les lubies fédéralistes, en attente que la culture européenne soit suffisamment mûre pour envisager l’union politique.
Des arguments « réducteurs » …
Que reste-t-il alors après cela pour défendre encore l’euro ? Quelques imprécations et jugements de valeurs arcboutés soit sur le refus hautain de se désavouer en reconnaissant ses torts passés, soit l’obstination flagorneuse de continuer à montrer sa bien docile servilité envers son maître financier. Ou peut-être un peu des deux : la fatuité se disputant avec l’esprit de cour la mort clinique d’une lubie. On part en guerre contre les euro-détracteurs. On s’égosille, on s’époumone, on lance de lamentables parodies de débat aux frais du contribuable[xxxv]. Certains caciques médiatiques, non lassés par quatre décennies d’omniprésence tant à la fin qu’il n’y a surtout qu’eux à s’écouter dans un entregent dont l’oligarchie a le secret, en finissent même par lâcher des procès en fascisme (ou en marxisme, au gré des vents et des humeurs) comme en d’autres temps on en intentait en sorcellerie[xxxvi]. Quand Bruxelles devient Salem pendant que Le Monde prend des accents de Je suis partout et que l’oligarchie au pouvoir se lance dans les mensonges les plus éhontés[xxxvii]. On en finit par lâcher le mot : les euro-détracteurs ne sont rien plus que des euro-réducteurs. Réducteurs alors ? Il va falloir alors admettre que, sortie des salles de rédaction de la « grande presse » et des salons bien-pensants, la réduction est en vogue, y compris chez des esprits intellectuels les plus avisés.
Notamment des prix Nobel. Paul Krugman (Nobel d’économie 2008) a ainsi mis en lumière à de nombreuses reprises l’impasse que représente la zone euro, tout en soulignant également que les performances économiques de la France sont, en elles-mêmes et hors du contexte de la zone euro, loin d’être aussi médiocres que d’aucuns le prétendent[xxxviii]. Outre-Atlantique, Joseph Stiglitz (Nobel d’économie 2001) emboite le pas dans les critiques de l’euro[xxxix] en soulignant bien que le vice de l’euro est dans sa conception même : « Les modifications des taux de change et des taux d’intérêts sont cruciales pour aider les économies à s’ajuster. Si tous les pays européens étaient frappés par les mêmes chocs, un ajustement unique du taux de change et du d’intérêt ferait l’affaire pour tous. Mais les diverses économies européennes sont frappées par des chocs nettement différents. L’euro a supprimé deux mécanismes d’ajustement et ne les a remplacés par rien »[xl]. Avant eux, Robert Mundell (prix Nobel 1999) avait défini clairement les conditions d’une zone monétaire optimale. On ne peut que constater que la zone euro est bien loin d’en remplir tous les critères : malgré la directives Bolkenstein et ses multiples succédanés[xli], la mobilité des travailleurs demeure très faible, l’intégration politique est peu poussée et le budget fédéral très faible. L’ensemble conduit à une zone dont l’hétérogénéité ne cesse de s’accroître faute de solidarité entre ses membres. Les européistes peuvent toujours appeler de leurs vœux plus d’intégration politique, ces appels ne peuvent que rester lettre morte : la crise grecque a démontré l’absence de solidarité européenne[xlii]. Or, s’il n’y a pas de solidarité européenne plus poussée, c’est tout simplement parce que, comme le rappelle régulièrement la Cour constitutionnelle allemande, le peuple européen n’existe pas. Or, sans peuple, l’Europe politique ne peut pas être démocratique. Et c’est bien ce que l’on est en train de nous imposer, notamment à coups de TSCG[xliii] et autres diktats plouto-technocratiques : une Europe politique anti-démocratique, donc une tyrannie impériale. Tout cela les européistes le savent bien, et c’est bien pour cela que cette intégration politique plus poussée n’est pas soumise à l’approbation des peuples : ils ne veulent pas courir le risque d’un nouveau 2005. Mais ce faisant, ils font courir un risque terrible, mortel, à l’idée européenne. In fine, pour sauver l’euro, la technocratie et l’oligarchie construisent une Europe impériale et tyrannique, dans le dos des peuples et contre les peuples (nous y reviendrons plus avant). Rien de tel pour faire détester, à tort, l’idée européenne. C’est bien ce que souligne un autre Nobel d’économie (1998) : Amartya Sen lorsqu’il affirme que « l’euro fait tomber l’Europe »[xliv]. Le tableau ne serait évidemment pas complet si l’on omettait de citer le seul Nobel français d’économie, Maurice Allais[xlv], rappelant qu’« il est aujourd’hui paradoxal de constater que lorsque, pendant des siècles, l’Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l’Etat de battre monnaie et le privilège exclusif d’en garder le bénéfice, la République démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce privilège à des intérêts privés » [xlvi]. Enfin, ultime délectation, citons ces quelques phrases du grand gourou du néolibéralisme moderne et du monétarisme, Milton Friedman (Nobel 1976), qui (même lui !), se montrait plus que critique vis-à-vis de la monnaie unique[xlvii] :
« Le marché commun européen est l’exemple d’une situation non favorable à une union monétaire. Elle est composée de nations séparées, dont les résidents parlent différentes langues, ont différentes coutumes, et ont une bien plus grande loyauté et un plus grand attachement à leur propre pays qu’à un marché commun ou à l’idée d’ «Europe » ». (…) « La volonté de créer l’euro a été motivée par la politique, non par l’économie. Elle a été inspirée par le besoin de lier la France et L’Allemagne, de façon si resserrée qu’une guerre future deviendrait impossible, et de mettre en place les bases des États Unis d’Europe. Je crois que l’adoption de l’euro va avoir les effets inverses. Il va exacerber les tensions politiques en convertissant des chocs divergents qui auraient pu être corrigés par les taux de change, en des problèmes politiques qui vont diviser ces nations. Une union monétaire réalisée dans des conditions défavorables va se révéler être une barrière à la réalisation de l’unité politique » [xlviii].
Et en dehors des Nobel, les économistes contemporains sont de plus en plus nombreux à se rapprocher ou rejoindre les rangs des partisans d’un démontage de l’euro. Citons (parmi bien d’autres !) :
- Le pourtant bien libéral Jean-Marc Vittori (Les Echos) qui finit par admettre l’impasse dans laquelle se trouve la monnaie unique[xlix].
- Laurent Faibis et Olivier Passet (respectivement président et directeur des synthèses économiques de l’institut d’études économiques Xerfi) qui soulignent comment l’économie est sacrifiée sur l’autel de l’euro[l].
- Même le très européiste François Heisbourg[li] commence à en faire son deuil, tout comme Bernard Maris[lii].
- Jean-François Bouchard, ancien cadre dirigeant de la Banque de France, qui a écrit un véritable réquisitoire à l’encontre de la monnaie unique et de l’oligarchie qu’elle sert[liii].
Quittons un instant l’hexagone pour constater que la critique de la monnaie unique est loin d’être une spécificité franco-française :
- Le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas a admis que son institution a préparé un plan d’urgence de sortie de l’euro[liv].
- Outre-Rhin, Oskar Lafontaine (ex-président du SPD), Heiner Flassbeck (ancien économiste en chef de la CNUCED de 2003 à 2012), Hans-Olaf Henkel (ex-président de la très influente Fédération des Industries Allemandes), Hans Werner Sinn (président de l’institut de recherche économique, IFO)[lv] ont tous pris des positions proches d’un démontage de l’euro[lvi].
Au final les rangs des défenseurs de l’euro apparaissent de plus en plus clairsemés et en finissent par ressembler à une plage de Normandie en pleine hiver, le romantisme en moins. Il ne reste donc plus, semble-t-il, que quelques éditorialistes de bazar, dont notre « grande » presse a le secret de production, pour défendre « ce signe monétaire, pictogramme étique, ce billet de Monopoly® »[lvii]. Parmi eux, citons Alexandre Delaigue et cette remarquable sortie : « ce n’est pas parce qu’elle est peu démocratique que l’Europe est impopulaire ; en réalité, c’est parce qu’il est impopulaire que le processus de construction européenne ne peut pas être démocratique » [lviii].
La question démocratique.
Car c’est bien tout ce qu’on reproche à l’Union européenne (qui, rappelons-le n’est pas l’Europe), telle qu’est construite et imposée aux peuples : le déni patent de démocratie. Et l’euro en est le plus terrible symbole. Car l’euro est la marque de la soumission à la finance internationale. C’est d’ailleurs ce que nous rappellent régulièrement les quelques thuriféraires de la tyrannie financière qui s’expriment à longueur de colonnes du Monde ou de chroniques de BFMTV : si nous quittons l’euro et régulons la finance trop fermement, les capitaux se retireront. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il faudra en rétablir le contrôle ! Ensuite, que les fonds spéculatifs se retirent ? Et alors ? Quel rapport entre le prêt demandé par une entreprise à une banque commerciale ou même son recours aux marchés obligataires pour financer ses investissements et ces milliards qui s’échangent toutes les millisecondes via le trading haute fréquence ? Les libéraux ont beau jeu de clamer que les profits du court terme (des spéculateurs) font les profits du long terme (des entreprises ?), mais cela relève de l’incantation quasi-mystique et les évènements de ces dernières années ont largement démontré la vacuité de cette approche[lix]. En pratique, les produits dérivés et autres titrisations n’ont pas permis de répartir les risques, comme le prétendaient leurs thuriféraires, mais bien de les contaminer à l’ensemble de la planète. C’est ainsi qu’une simple crise hypothécaire – les subprimes – a entrainé la chute d’une des plus grandes banques de la planète – Lehman Brothers – et, par effet domino, a dégénéré en crise systémique du capitalisme dont, 6 ans après, il ne se remet toujours pas. Qu’ils s’en aillent donc, ces vampires de l’économie qui démantèlent nos entreprises, parfois les plus prospères et les plus prometteuses, pour ensuite les réduire en lambeaux[lx] ; ces goules qui ponctionnent nos richesses sur le dos des travailleurs et des véritables entrepreneurs !
Justement, donc, on ne peut que constater que tous les arguments avancés à l’encontre d’un démontage de l’euro – contrôle des capitaux, création monétaire, résurgence de l’inflation, politique de monnaie « forte » - sont autant d’éléments qui fondent le pouvoir de la rente et de la finance[lxi]. La liberté de circulation des capitaux, c’est justement ce qui permet à ceux-ci se venir s’allouer au moins-disant social, fiscal et environnemental. La création monétaire, c’est ce principe inique qui fait que la planche à billet – élément indispensable à la santé de l’économie[lxii] - fait la richesse exclusive des banques et non de la collectivité. Le refus de l’inflation et la politique de la monnaie « forte », ce sont la garantie pour la rente et la finance de ne pas voir leurs actifs se déprécier et de pouvoir ainsi continuer sans inquiétude à plumer leurs débiteurs (à commencer par les citoyens)[lxiii].
Contrôle des capitaux, création monétaire, déflation, politique de monnaie « forte » : les quatre vices cardinaux de l’euro. Les tares incurables, portées dans les gènes mêmes de la monnaie unique[lxiv], de l’assouvissement des peuples européens au monde de la finance.
Que l’on comprenne bien : il n’y aura ni démocratie ni Europe des peuples sans un démontage de l’euro car, comme le souligne très bien Frédéric Lordon, l’Europe de l’euro n’est qu’ « une construction politique sans sujet, c’est-à-dire sans peuple, voilà l’extravagante expérience historique à laquelle l’Union européenne se sera livrée. Marchés financiers, règles des traités, gouvernements de technocrates illégitimes, plans de marche impératifs enjoints par la BCE, pro-consuls (généralement allemands) missionnés pour prendre les commandes, et autres formes de mise sous tutelle par « troïka » interposée : extraordinaire conjonction de forces extra-politiques œuvrant, le sachant ou non, à la destruction de corps sociaux. Et, l’ignorant tout à fait, à la destruction de l’Europe elle-même »[lxv]. N’espérons pas non plus une bien hypothétique réforme de l’euro que pourrait laisser espérer les biens opportunistes (et électoralistes !) incantations de certains vassaux de la finance à l’encontre de l’ « euro fort »[lxvi]. Qu’on se le dise une bonne fois : l’euro n’est pas réformable ! Il a été conçu selon les canons monétaires allemands. Pourquoi Berlin accepterait-il maintenant de se soumettre aux canons des autres, alors même que sa démographie lui rend toute alternative tragiquement rédhibitoire ?
La conclusion de l’euro, c’est qu’il " a fabriqué une jungle plutôt qu’une société "[lxvii]. Comme dans toute jungle, la loi du plus fort s’impose. Cette loi est celle des puissants, de l’oligarchie et de la ploutocratie financière, des rentiers et des cyniques. Ses victimes sont les travailleurs, les entrepreneurs, les citoyens, les faibles et les démunis. La démocratie bafouée. Lorsque l’on aborde la question de l’euro, c’est donc bien cette question, à la fois élémentaire et décisive, qu’il faut se poser : voulons encore, en tant que citoyens, nous gouverner nous-même et faire le choix de nos politiques budgétaires et monétaires (et de tout ce qui en découle), ou, simples individus narcissiques noyés sous la férule du néolibéralisme libertaire, acceptons-nous que la ploutocratie financière le fasse pour nous ?
«Que le peuple souverain puisse décider et réviser à sa guise, c'est ce que les puissances qui dominent la construction européenne ne veulent à aucun prix » nous rappelle Frédéric Lordon[lxviii]. Il nous reste encore quelques espaces, à commencer par ce dimanche 25 mai, où nous, peuple souverain, pouvons encore faire entendre nos voix.
Fantasque et versatile dans les temps communs, le peuple français, chat changeant en lion tempestatibus maturesco, a toujours su ourdir en lui une terrible colère dès lors que l’oppression, sortant de ses bas-fonds, vient imprimer sa marque au fronton de la liberté. Puisse alors les mots du père Hugo nous redonner souffle : « Faites-lui chanter la Marseillaise, il délivrera le monde » !
[i] Cf. Béatrice Mathieu, Laura Raim, Benjamin Masse-Stamberger et Franck Dedieu, "Casser l’€uro pour sauver l'Europe", éditions Les liens qui libèrent 2014.
[ii] There is no alternative
[iii] La Cité.
[iv] Et que l’on songe au directeur de la Banque centrale du Japon qui reçoit ses ordres directement du Premier ministre.
[v] Cf. Jacques Sapir, Réquisitionnons les banques centrales, Le Monde, 01-dec-2011 et Jacques Sapir, S’il faut sortir de l’euro, document de travail de l’EHESS, 06-avr-2011.
[vi] Cf. EURO : Questions fréquemment posées, Jacques Sapir, Marianne, 26-janv-14.
[vii] Politique déflationniste qui rappelle en bien des points celle menée par l’actuel gouvernement. Lire Laurent Pinsolle, Manuel Vall, Laval des temps modernes, Gaulliste libre, 23/04/2014.
[viii] Cf. Quelques grammes de rêve dans un monde de brutes ? Le Japon injecte 182 milliards de dollars pour soutenir son économie, Nicolas Goetzmann, atlantico.fr, 06-déc-13 ; Une révolution qui changera la face du monde est peut-être en marche au Japon, Pascal-Emmanuel Gobry, Atlantico.fr, 07-janv-13 ; Faut-il remettre en cause l'indépendance des banques centrales comme le gouvernement japonais menace de le faire ?, Nicolas Goetzmann, Jean Claude Werrebrouck, Atlantico.fr, 03-janv-13.
[ix] La reprise en zone euro est une illusion, Mark Blyth, Le Monde, 23-août-13.
[x] Comment la dette publique française est devenue excessive, Jean-Luc Gréau, Forum démocratique, 10-avr-13.
[xi] Sur le 100% monnaie, lire Laurent Pinsolle, La réforme du 100% monnaie, Gaulliste libre, 31/12/2011 et André-Jacques Holbecq, L’avancée du 100% monnaie, Gaulliste libre, 13/05/2014.
[xii] Dans ce contexte, nulle surprise donc de voir les lobbys de la finance faire la loi à Bruxelles (Marie Charrel, Comment le lobby financier pèse sur Bruxelles, Le Monde, 09/04/2014) et la Commission européenne, toute honte bue, relancer la tritrisation et autres procédés spéculatifs au grand bonheur de la finance mondialisée (Philippe Ricard, Bruxelles relance la titrisation pour financer l'économie européenne, Le Monde, 27/03/2014).
[xiii] Lire, entre autres, Pascal-Emmanuel Gobry, Depuis cette semaine, il y a deux monnaies dans la zone euro, Atlantico.fr, 29/03/2013, L’œil de Brutus, Comment l’euro vient de mourir, 03/04/2013 ; L’œil de Brutus, Comprendre la crise chypriote et la tyrannie européenne, 28/03/2013 ; Jacques Sapir, Chypre: bilan d’étape, Russeurope, 27/03/2013.
[xiv] A contrario, l’Indonésie a refusé ce choix et connu un véritable effondrement.
[xv] Lire Jacques Sapir, Les contrôles de capitaux : une idée qui fait son chemin, Russeurope, 29/01/13.
[xvi] Voir J. Ostry et al., « Capital Inflows: The Role of Controls », International Monetary Fund Staff Position Note, Washington (D. C.), FMI, 2010.
[xvii] Cf. Peter M. Garber et Michael G. Spencer, The Dissolution of the Austro-Hungarian empire : lessons for currency reform, février 1994.
[xviii] Cf. Laurent Pinsolle, La sortie de l’euro, c’est possible, et pas difficile …, Gaulliste libre, 28-avr-2012.
[xix] Cf. Le coût d’une sortie de l’Euro, Jacques Sapir, Russeurope, 05-nov-12.
[xx] Lire L’œil de Brutus, La rigueur jusqu’en 2055, 03/01/2012.
[xxi] Tandis que l’inflation proche de zéro que nous connaissons actuellement est une véritable catastrophe pour l’assainissement de nos comptes publics. Cf. Nicolas Goetzmann, Déficit français : merci l'Europe ! Si la BCE respectait l'objectif d'inflation inscrit dans les traités européens, la France aurait pu tenir ses objectifs budgétaires, Atlantico.fr, 3 avril 2014
[xxii] Sur le sujet, lire, en particulier : La peur de l’inflation est-elle la plus belle escroquerie de tous les temps ?, Mathieu Mucherie, atlantico.fr, 15-mai-13 ; Les Français ont été les cocus de l’Europe ! , Jean-Michel Quatrepoint , Forum démocratique, 16-mai-13.
[xxiii] Augmentation des impôts, baisse des salaires, des prix et des loyers (baisse des salaires dans la fonction publique, réduction des allocations chômage et des prestations sociales...), etc.
[xxiv] Cf. Michel Goya, De l’austérité comme œuf de serpent, La voie de l’épée, 20/04/2014.
[xxv] Voire, par exemple l’étude Natixis, Quel ajustement des taux de change si l’euro explose ?, Flash Marchés n°467, 03/07/2012.
[xxvi] Cf. Mathieu Mucherie , Ces motivations venues du terrain qui se cachent derrière la volte-face de la Bundesbank sur la politique monétaire européenne, atlantico.fr, 28-mars-14.
[xxvii] Lire également L’œil de Brutus, Discours de Manuel Valls au parlement : non l’euro n’est pas surévalué, 29/04/2014.
[xxviii] C’est justement là tout le problème d’une zone monétaire unifiée pour des pays aux économies hétérogènes sans dispositifs de solidarité entre elles.
[xxix] Cf. Montebourg, l’Euro et les Talibans, Jacques Sapir, Marianne, 27-févr-14.
[xxx] Francfort est le siège de la Banque centrale européenne (BCE).
[xxxi] Cf. La France ne deviendra pas compétitive en baissant les charges des entreprises, c’est de l’enfumage, Charles Sannat, atlantico.fr, 30-janv-14.
[xxxii] Cité par Jacques Sapir, Madame Merkel et ses "contrats", Russeurope, 25/12/2013
[xxxiii] Cf. Quand l’Allemagne envisage sereinement de quitter l’euro, Laurent Pinsolle, Gaulliste libre, 27-août-13.
[xxxiv] Les Allemands ont-ils encore besoin de nous et de la zone euro (à part pour les week-ends Angela-François) ?, Bernard Maris - Bruno Bertez - Nicolas Goetzmann, atlantico.fr, 10-mai-14.
[xxxv] Tout particulièrement « le roman de l’euro » diffusé le jeudi 15 mai sur France 2. Sur le sujet, lire Jacques Sapir, L’Euro-cauchemar, Russeurope, 16/05/2014.
[xxxvi] Lire par exemple L’œil de Brutus, De La liberté en Hollandie, 08/03/2014 et Le Terrorisme intellectuel de Jacques Attali, 27/01/2012.
[xxxvii] comme lorsque Jean-Claude Trichet a l’outrecuidance de clamer que la zone euro crée plus d’emplois que les Etats-Unis Cf. Créations d'emploi : pourquoi la comparaison de Jean-Claude Trichet entre la zone euro et les Etats-Unis est à la fois grotesque et inexacte, Nicolas Goetzmann, atlantico.fr, 30-oct-13. Revoir également L’œil de Brutus, De La liberté en Hollandie, 08/03/2014.
[xxxviii] « La croissance française a été supérieure à celle de piliers de l’orthodoxie économique comme la Finlande ou les Pays-Bas ». cf. Scandal in France, Paul Krugman, New York Times, 16-janv-14. La croissance française, sur ces 10 dernières années, fait également quasiment jeu égal avec la croissance allemande (et en 2013, l’écart entre les deux pays n’est que de 0,2%).
[xxxix] Cf. Joseph Stiglitz, Leaving the Euro Painful but Staying in More Painful; Eurozone Breakup Recap, MISH’s global economic trend analysis, 28/02/2014.
[xl] Joseph Stiglitz, Le Prix de l'inégalité, Les Liens qui libèrent 2012, page 306
[xli] Sur le sujet, et pour comprendre comment ces directives ont surtout pour finalité l’écrasement maximal des salaires pour le plus grand bonheur des profits des multinationales, lire l’excellent dossier du Monde diplomatique d’avril 2014.
[xlii] S’il y avait eu une solidarité effective, nous nous serions, au moins, partagé le fardeau de la dette grecque (ou plus simplement : la BCE aurait usé de l’arme monétaire). Au lieu de cela, nous n’avons que prêter aux Grecs pour que ceux-ci puissent rembourser les banques, pour la plupart allemandes et françaises. Si solidarité il y eut, elle fut bien entre l’oligarchie politique au pouvoir et l’oligarchie financière à la tête des grandes banques.
[xliii] Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Sur le sujet, lire L’œil de Brutus, Traité européen (TSCG), Lettre aux représentants de la Nation, 09/09/2012 ; Discours de Jean-Marc Ayrault sur le TSCG : les mensonges d’un premier ministre, 03/10/2012 ; L’Europe des rentiers – pour en finir avec le MES, le TSCG et l’indépendance de la BCE, 19/05/2012.
[xliv] Amartya Sen, l’Euro fait tomber l’Europe, Le Monde, 02/07/2011.
[xlv] Complètement ostracisé par la bien-pensance médiatique dès lors qu’il a pris des positions scpetiques sur l’euro et le libre-échangisme. Cf. Eric Conan, Le prix Nobel iconoclaste … et bâillonné, Marianne, 05-déc-09.
[xlvi] Cité par Laurent Pinsolle, La dette publique est-elle légitime ?, Gaulliste libre, 08/06/2013.
[xlvii] Lire également Arnaud Bichon, Milton Friedman avait prévu la crise de l’euro, contrepoints.org, 31/07/2012.
[xlviii] Milton Friedman, L’euro, une union monétaire pour une désunion politique ?, cité par Nicolas Goetzmann, Le prix Nobel d'économie qui aimait l'euro et qui le voit maintenant en train de détruire l'Europe, Atlantico.fr, 13/12/13.
[xlix] Se préparer à l'après-euro, Jean-Marc Vittori, Les Echos, 25-févr-14.
[l] Cf. L'euro pour tous et chacun pour soi : le nouveau débat interdit, Laurent Faibis, Olivier Passet, Les Echos, 23-déc-13.
[li] Cf. François Heisbourg, La Fin du Rêve Européen, Paris, Stock 2013.
[lii] Bernard Maris, Je vire ma cuti, alternatives-économiques.fr, 18/04/2014.
[liii] "D’une manière générale, si l’on examine la situation des institutions communautaires de manière froide et objective, la démocratie « à l’européenne » apparaît très bizarrement construite : malgré nos grands principes issus du siècle des Lumières, malgré Montesquieu et Tocqueville, pour quelle entité les peuples européens votent-ils ? Pour le Parlement européen, ce « machin » sans aucun pouvoir ni influence. Car pour le véritable exécutif européen, c’est-à-dire la Commission européenne et la BCE, ceux qui influencent réellement le destin des peuples et les vies des citoyens de notre continent, c’est l’oligarchie intégralement détachée des exigences démocratiques qui est consacrée." "Alors que les élites politiques européennes sont vent debout pour critiquer la Russie ou les autres dictatures qui ont essaimé sur les confettis de l’ancien empire soviétique – autant de pays où le pouvoir est accaparé par une petite classe dirigeante cupide et arrogante –, elles ont organisé chez elles un système exactement identique. Certes, le système est contrôlé par des gens plus polis et mieux éduqués que les hiérarques russes, mais il repose sur la même logique. Nos États européens ont même dû consacrer ce système oligarchique et antidémocratique dans leurs Constitutions : en application du principe selon lequel la monnaie et la finance sont des choses beaucoup trop sérieuses pour qu’on les confie aux gouvernements et aux peuples, et en application de ce fameux traité de Maastricht de 1992, chaque pays européen a dû graver dans le marbre le principe constitutionnel selon lequel la banque centrale du pays doit être indépendante du gouvernement, et n’accepter aucune instruction de l’État pour les affaires monétaires." Jean-François Bouchard, L’empereur illicite de l’Europe - Au cœur de la banque centrale européenne, Max Milo éditions 2014
[liv] Cf. Jacques Sapir, un aveu, Russerope, 23/03/2014.
[lv] Lire également L’œil de Brutus, Après Goldman Sachs, la Commission européenne manipule aussi les chiffres de la dette grecque, 15/05/2014.
[lvi] Cf. Jacques Sapir, Lettre ouverte à Henri Weber, Russeurope, 28-avr-14.
[lvii] Régis Debray, Eloge des frontières, Gallimard 2010, page 17.
[lviii] Alexandre Delaigue, l'euro est un formidable succès, Francetvinfo.fr, 24/04/2014.
[lix] Je ne connais d’ailleurs aucune étude, démonstration, argumentaire un tant soit peu sérieux qui démontre l’apport de la spéculation à l’économie réelle.
[lx] Sur le sujet on pourra se référer aux exemples donnés par Sophie Coignard et Romain Gubert dans La Caste cannibale, Albin Michel 2013.
[lxi] « Au contraire des allégations grotesques de «l'euro, bouclier contre la mondialisation», je pense qu'il faut dire que l'euro est la réalisation régionale de la mondialisation libérale. L'euro n'est pas réformable pour une raison qui prend presque la forme d'un syllogisme : l'euro actuel consacre l'empire des marchés financiers sur les politiques économiques et leur primat sur les souverainetés politiques » Frédéric Lordon, interview à Marianne, 06-juil-13.
[lxii] Chaque année, toute économie capitaliste met en circulation de nouveaux biens et services tout en en détruisant d’autres. Mais, sauf terrible récession, le solde des deux est quasiment toujours positif (et n’est pas égal au PIB !). Or, pour assurer la circulation de ce solde, il faut bien qu’il y ait de la monnaie supplémentaire de mise en service : c’est tout simplement cela la création monétaire. Pour une analyse plus poussée, lire L’œil de Brutus, Pour comprendre la création monétaire, 20/06/2014.
[lxiii] Pour reprendre Nicolas Goetzman, "Le chômeur grec, espagnol ou français est le pare-feu anti inflation du retraité allemand, hollandais ou autrichien." ;Nicolas Goetzman, Interview à Atlantico.fr, 02/09/2013.
[lxiv] "L'euro actuel procède d'une construction qui a eu pour effet, et même pour intention, de donner toute satisfaction aux marchés de capitaux et d'organiser leur emprise sur les politiques économiques européennes" Frédéric Lordon Sortir de l'euro ?, Le Monde diplomatique, août 2013
[lxv] Frédéric Lordon, Euro terminus ?, Blog Le Monde diplomatique, 24/05/2012.
[lxvi] Lire L’œil de Brutus, Discours de Manuel Valls au parlement : non l’euro n’est pas surévalué, 29/04/2014.
[lxvii] Emmanuel Todd, L'euro détruit Hollande, Les Inrockuptibles, 12/2013.
[lxviii] Frédéric Lordon, La Malfaçon, Les Liens qui libèrent 2014.