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L'Oeil de Brutus

NEOLIBERALISME ET FEODALISME

12 Février 2014 , Rédigé par L'oeil de Brutus Publié dans #Idées

NEOLIBERALISME ET FEODALISME
Néolibéralisme et féodalisme

Billet initialement paru sur le site Gaulliste libre.

Réflexions issues d’un billet antérieur publié ici.

Imaginons un instant que nous soyons allés jusqu’à l’extrême logique libérale : tout est privatisé. Par exemple, la sécurité. C’est-à-dire que dans ce domaine (comme dans tous les autres), vous devez souscrire un contrat d’assurance auprès d’une entreprise privée qui en retour se charge d’assurer votre sécurité[i]. Bien évidemment, l’enfant de pauvres n’a pas ce luxe. Il peut donc allégrement se faire tabasser et racketter à la sortie de l’école. En fait, c’est encore plus simple que cela : il ne va pas à l’école puisque celle-ci étant également privatisée, ses parents n’ont pareillement pas les moyens de la lui payer[ii]. Ils n’ont d’ailleurs également pas les moyens de le nourrir : au chômage dans le monde ultralibéral, on ne touche pas d’aides sociales[iii].

Il ne leur reste alors que deux solutions : soit vivre de brigandages (mais étant donné que les possédants sont bien « assurés », ils ne pourront que brigander les plus pauvres qu’eux …), soit offrir le seul bien qu’ils aient, leur main d’œuvre, à un puissant qui en retour leur assurera le minimum de sécurité, d’alimentation et éventuellement de formation – et non pas d’instruction et encore moins d’éducation[iv] - selon ses besoins en main d’œuvre qualifiée. Bien évidemment, ce minimum pourra fortement varier selon, bien sûr, la loi de l’offre et de la demande et la situation économique du dit puissant ainsi que. Celui-là même devra d’ailleurs s’inscrire dans un schéma similaire de vassalité auprès de plus puissant que lui. Mais rassurez-vous, dans ce monde là nous sommes libres … de changer de « puissant » comme nous le désirons … enfin, selon le contrat qui nous lie à lui[v]. Et quand on a le ventre creux, on n’est généralement pas en très bonne posture pour bien négocier un contrat[vi].

Revenons à notre enfant, qui finit bien, bon gré mal gré, par grandir et à son tour avoir des enfants. Ceux-ci s’en retrouveront eux aussi analphabètes, sans instruction et sans éducation et donc fermement résolus à suivre les traces de leurs parents et grands-parents. C’est ce qui permet d’aboutir ainsi à la « division du travail » si chère aux libéraux, avec de plus l’avantage non négligeable, car plus « efficiente », qu’elle en devient héréditaire comme le revendiquait … Charles Maurras ! : « Il s’agit d’utiliser les aptitudes particulières, spéciales et techniques, qui sont fixées à quelque degré par le sang, mais surtout par la tradition orale et par l’éducation. Il ne s’agit point du degré de ces aptitudes, mais de leurs qualité, ou si l’on veut, de leur orientation coutumière … On naît juge ou marchand, militaire, agriculteur ou marin, et lorsqu’on est né tel ou tel on se trouve en outre, non point seulement par nature, mais encore par position, plus capable d’accomplir d’une façon utile la fonction correspondante : un fils de diplomate ou de commerçant trouvera dans les entretiens de son père, dans le cercle de sa famille et de son monde, dans la tradition et la coutume qui l’envelopperont et qui le soutiendront, les vivants moyens d’avancer plus rapidement que tout autre, soit dans le commerce, soit dans la diplomatie. La carrière de sa famille lui aura fait trouver la ligne du moindre effort et du plus grand effet utile, c’est-à-dire du meilleur rendement humain »[vii].

Et ce n’est pas là le moindre des points de convergence entre certaines idéologies plus ou moins nauséabondes du passé et le néolibéralisme d’aujourd’hui : l’espèce de moraline libérale-libertaire qui place l’individu au centre de tout en lui donnant un caractère narratif qui prétend dépasser le réel (comme par exemple dans le cadre du marché tout puissant, de la « main invisible » et autres niaiseries néo-panthéistes style « ordre spontané », mais aussi de la théorie du genre) n’est pas sans rappeler certaines formes de l’essentialisme cher au même Charles Maurras. C’est d’ailleurs ce qu’avait constaté Alain Finkielkraut il y a déjà presque 30 ans : l’alliance de fait entre une espèce de néo-romantisme ultralibéral et un libertarisme anarchisant, avec comme ennemi commun l’esprit des Lumières et tout ce qui en découle (Raison, Etat, Nation, laïcité, etc.). Et comme seul horizon, fort logique : le retour du monde féodal.

Cette description peut vous paraître caricaturale. Et certes elle l’est. Du moins en partie. Car regardez ce que deviennent nos systèmes éducatifs, nos systèmes de sécurité, notre justice (de plus en plus vénale[viii]), nos systèmes de protection sociale (qui ne perdurent encore que pour verser quelques oboles aux nécessiteux afin d’éviter qu’ils ne se révoltent). Et pire encore : le fusionnement des élites politiques, économiques, administratives et médiatiques[ix] qui aboutit à la formation d’une oligarchie coupée du peuple dans laquelle les petits arrangements, services et divers renvois d’ascenseur commencent de plus en plus à faire office d’établissements de liens de vassalité (pour l’instant) non formalisés (du moins à la vue de tous). Et qu’en est-il quand cette oligarchie commence à exempter elle-même l’un des siens de rendre des comptes à la justice[x] ?

Cette oligarchie n’est ni plus ni moins qu’une ploutocratie tendant au régime féodal : « Les populations n’ont plus d’emprise réelle sur l’économique et le social, quel que soit leur vote. Comme les régimes politiques tendent vers un bipartisme aux programmes convergents, et que l’oligarchie contrôle les partis politiques susceptibles de gouverner, la démocratie cède progressivement la place à une sorte de néo-féodalisme[xi] ».

L'Oeil de Brutus

[i] C’est déjà progressivement le cas aujourd’hui lorsque l’Etat externalise ses divers dispositifs de surveillance (des caméras de vidéos surveillance aux dispositifs les plus sophistiqués d’espionnage) à des entreprises privées ou encore lorsqu’il se décharge de ses fonctions fondamentalement régaliennes de sécurité sur les collectivités locales. Ce dernier cas est d’ailleurs le plus criant d’injustice : les collectivités aisées – donc celles qui regroupent majoritairement des contribuables aisés – se trouvent plus à même de garantir leur sécurité à ses habitants tandis que les moins aisés s’en trouvent beaucoup moins à même de le faire. Ce phénomène souffre en plus d’un effet d’auto-entrainement : les contribuables aisés en viennent alors à fuir ces quartiers défavorisés et donc à donner leurs contributions à des collectivités qui en ont déjà plus que de soif (le même raisonnement sied pour la fiscalité). Toutes ces manières de mener la décentralisation en se déchargeant sur les collectivités (notamment par le biais de la fiscalité locale) sont, dans les faits, de graves atteintes à l’unicité de la République et l’égalité de ses citoyens (notamment devant l’impôt, mais pas seulement). Mais c’est peut-être le but recherché …

[ii] Aujourd’hui, il lui reste encore (pour l’instant) l’école des pauvres que commencent à largement fuir les classes moyennes soucieuses d’assurer un avenir à leurs enfants (tant qu’il existe encore des classes moyennes …). Et on ne peut guère leur donner tort lorsque l’on voit l’état, tant dans la pratique que dans son idéologisation, de cette école qui autrefois faisait l’orgueil de la République et qui aujourd’hui ne tient encore péniblement debout que de par la volonté et le courage de professeurs largement abandonnés par les oligarques politiques et les idéologues de ministère. Sur ce sujet, on pourra lire avec attention les divers billets de La Vie moderne ou de Bonnet d’âne.

[iii] Dans un tel système, l’Etat n’a pas forcément entièrement disparu : il faut bien que demeure « quelque chose » qui puisse fixer quelques normes de référence, et peu importe si ces normes sont intrusives et liberticides (les puissants peuvent toujours s’en exempter …). Ce « quelque chose » normalisateur (quand il n’est pas aussi moralisateur) ressemble d’ores et déjà furieusement aux institutions de l’Union européenne.

[iv] : Dans le monde ultralibéral, ces mots (instruction, éducation) n’existent plus puisqu’ils n’ont pas d’utilité économique en eux-mêmes.

[v] : Dans le monde ultralibéral, le contrat (qui n’a rien à voir avec le contrat social, c’est même son antithèse) prime sur la Loi (cf note ci-après). On peut donc parfaitement imaginer un contrat qui lie les générations futures ….

[vi] On remarquera que du « contrat de génération » au « pacte de responsabilité » (en passant par une multitude de foutaises du genre), notre actuel président de « gauche de droite » est déjà très féru de philosophie du contrat (qui, notamment, l’exempte de responsabilité à défendre la loi qu’il pourrait vouloir imposer au nom de l’intérêt général). Et ne parlons mêmes pas des fameux « contrats » que la chancelière allemande rêve d’imposer à l’Europe entière.

[vii] Charles Maurras, Enquête sur la monarchie.

[viii] La complexité croissante des lois (et des contrats !) faisant qu’il faut avoir les moyens de s’offrir un avocat pour se défendre … ou jouer sur les vices de formes pour s’exempter de rendre des comptes à la justice. Qu’est-ce alors si ce n’est, ni plus ni moins, que le rétablissement de la vénalité de la justice que l’on retrouvait dans l’Ancien Régime ?

[ix] Sur le sujet, lire en particulier Sophie Coignard et Romain Gubert, L’Oligarchie des incapables, ainsi que Serge Halimi, Les Nouveaux chiens de garde.

[x] Comme dans l’affaire Dassault.

[xi] Bernard Conte, La Démocratie défaite in Perspectives Libres n°6, La Crise de l’idéologie globale, avril 2012.

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