L’ALLEMAGNE, PASSAGER CLANDESTIN PREMIERE CLASSE DE L’UNION EUROPEENNE
L’ALLEMAGNE, PASSAGER CLANDESTIN PREMIERE CLASSE DE L’UNION EUROPEENNE
L’Allemagne est certes le premier contributeur net de l’Union européenne[i]. Mais il serait simpliste de s’arrêter à ce simple chiffre. L’Allemagne a en effet su jouer à plein toutes les opportunités offertes par la construction européenne :
- Elle profite de la main d’œuvre à bas coûts d’Europe de l’Est en y sous-traitant une bonne part de sa production (où en jouant sur la flexibilité du droit du travail, encouragée par les directives européennes, pour faire venir les travailleurs de ces pays sur son sol).
- Elle profite de la forte consommation de l’Europe de l’Ouest et du Sud (et tout particulièrement de la France) pour écouler ses produits sans droits de douane et avec des coûts de transport réduit.
- Parallèlement à ces deux premiers points, la politique de « l’euro fort » lui permet d’importer sa sous-traitance d’Europe de l’est (hors zone euro) à faible coût (en termes de variable de change) pour l’exporter une fois assemblée au prix fort de l’euro.
- La politique de bas taux de la BCE lui permet de financer ses investissements à très bas coûts (ce qui n’est pas le cas des « mauvais élèves » du Sud).
Pour le reste, contrairement aux poncifs de la pensée dominante, le coût du travail allemand (dans l'industrie) est l’un des plus élevé d’Europe et les charges fiscales reposant sur le travail ne sont pas forcément moindre. C’est également l’un des pays d’Europe dans lequel, rapporté en travail annuel, l’on travaille le moins ! Le pays où l’on travaille le plus étant … la Grèce !
Très soucieux d’écologie, les Allemands ne veulent plus de nucléaire chez eux. Mais quand la bise est venue, la cigale allemande ne rechigne pas à importer de l’électricité nucléaire française (et à faire tourner à fond ses centrales à charbon qui dégagent massivement du CO2). Dans le même ordre d’idée, le dumping environnemental de ses sous-traitants d’Europe de l’Est ne la dérange guère. La pollution, tant qu’elle est chez les autres …
En termes de défense, l’Allemagne y consacre l’un des plus petits budgets d’Europe (rapporté au PIB). Si elle avait consenti le même effort que la France ces vingt dernières années, sa dette publique serait bien plus abyssale que la nôtre.
En pratique donc, sans l’Europe, l’euro (une monnaie faite selon son modèle et ses prescriptions idéologiques), son marché unique et l’absence de barrières douanières, l’Allemagne serait un pays de vieux, sans diplomatie, sans armée, sans influence et avec une économie qui aurait très probablement suivi la même tournure que les décennies perdues du Japon depuis les années 1990. Comment d’ailleurs, hors les bénéfices de l’Europe pour l’Allemagne, expliquer que les deux champions mondiaux de l’économie des années 1980, qui avaient suivis des modèles très proches l’un de l’autre, aient pu à ce point diverger depuis … le traité de Maastricht ?
Il ne faut donc pas être naïf : sans même prendre en compte le poids de l’histoire qui interdit aux Allemands de mettre à bas la construction européenne après avoir mis l’Europe à sang et à feu deux fois en un siècle, l’Allemagne n’a aucun intérêt à quitter l’euro, et encore moins l’Union européenne. Elle en est la grande gagnante !
Ne lui en jetons d’ailleurs pas la pierre : l’Union européenne est une construction idéologique libérale ; or l’idéologie libérale ne dicte-t-elle pas la « convergence des égoïsmes » ? L’Allemagne n’a donc fait que jouer le jeu des égoïsmes. Comme d’autres d’ailleurs, y compris, et surtout, en France. Mais ce qui apparaît au grand jour aujourd’hui (par exemple lorsque l’on suit l’élaboration du traité transatlantique de libre-échange), c’est que cette convergence des égoïsmes ne profite qu’à une minorité restreinte, une oligarchie, certainement pas aux peuples. L’Union européenne n’a rien de l’Europe des peuples, c’est l’Europe des technocrates à la botte des oligarques.
[i] Différence entre sa contribution aux institutions européennes et ce que celles-ci lui reverse, directement ou indirectement.